Tout pour la musique (2)

➵ Chapitre 100 ~ Alice

Le corps d'Alice s'était pétrifié. Pas en pierre. En plomb. Elle n'avait pas osé, non, c'était impossible. Clara n'aurait pas... Mais si, elle l'avait dit. Si elle avait pu, Alice aurait explosé en un maelström de larmes, mais elle n'en était plus capable. A la place, elle serra les dents et disparut entre les cloisons de sa douleur interne, autour desquelles elle bâtit des murailles et remparts aussi vite qu'elle put.

  Ce n'est qu'après avoir construit ses barrières qu'elle put retourner dans la réalité. Un silence total les écrasait. Combien de temps s'était-il écoulé ? Quelques secondes ? Quelques minutes ? Dix minutes ? Quelqu'un avait-il parlé ? Alice n'en avait aucune idée. Elle risqua un coup d'œil vers sa meilleur amie. Elle s'était figée, pâle comme la lune haute dans le ciel, le regard aussi vide qu'une poupée de cire.

— Ça va pas ? s'exclama Emma, apparemment revenue de sa surprise.

Alice n'en fut pas sûre, mais pour la première fois depuis qu'elle la connaissait, Emma avait l'air dégoûtée.

— Je ne sais pas comment tu fais pour te supporter, ajouta-t-elle en secouant la tête.

Elle gratifia ensuite Clara d'un regard écœuré avant de se tourner vers Alice, en quête de soutien.

La suite de la soirée, Alice la vécut à travers le filtre de la rage.

Son poing s'abattit violemment sur la table. Elle se fichait que les autres personnes présentes les regardent bizarrement, que tout le monde entende. Justement, qu'ils entendent !

— Sale peste ! Tu te prends pour qui avec ton hypocrisie noyée dans le vomi ? cria Alice

— Alice, commença calmement Luke

— Toi ! rétorqua-t-elle, en le montrant du doigt. Tais-toi !

Les yeux de la jeune femme lançaient des éclairs.

— Je ne crois pas que ça va arranger la situation, répliqua-t-il, d'un ton dur

— Ah oui ? s'interposa Mike, furieux. C'est de ta faute si elle traîne tout le temps avec nous !

— Arrêtez de parler de moi comme si je n'étais pas là, gémit Clara

— Arrête tes simagrées ! Personne n'est dupe ! Tu vas faire quoi, pleurer comme un bébé et m'accuser de t'avoir insultée alors que t'es aussi pourrie qu'un composte ? explosa Alice, sans se préoccuper du fait qu'elle avait tout prononcé d'une traite, sans même respirer.

Le sang pulsait contre ses tempes. Les veines de la jeune femme semblaient sur le point de transpercer sa peau.

Elle dut marquer une pause pour reprendre son souffle, le cœur cognant derrière ses orbites. A côté d'elle, Mike et Luke se disputaient, Mike arguant d'un côté que c'était lui qui avait introduit Clara avec eux, et Luke se défendant de l'autre. Caitlin, elle, essayait vainement de les calmer.

— Tu n'es pas obligée d'être aussi colérique ! riposta Clara, un air malfaisant sur le visage.

— Tu n'es pas obligée d'être aussi irrespectueuse, contrecarra Alice.

C'est là qu'Alice comprit. Clara était un champignon vénéneux, de ceux que l'on croyait inoffensif en raison de la palette de couleurs vives qui en couvrait l'intérieur venimeux, et du parfum fleuri en fait fabriquée particules putrides.

« Lise nous avait averties. » songea-t-elle avec désarroi. Néanmoins, elle avait souhaité laisser sa chance à Clara, considérant que ce qui s'était passé avec Lise ne se reproduirait pas. Quelle erreur de croire que les gens peuvent changer. Clara avait très mauvais fond, et elle s'en était rendue compte bien trop tard. Elle en faisait les frais, mais aussi Emmy, qui semblait toujours sous le choc. Emma, Mike, Luke aussi. « Elle sème la discorde. »