➵ Chapitre 7

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   Alice marchait fièrement, ses inséparables et indémodables Louboutins claquant à un rythme régulier sur le macadam. Le tout n'était pas sans rappeler le tempo d'une chanson oubliée. Les yeux fixés sur les semelles rouges, je tentais par tous les moyens possibles d'oublier que nous allions chez Mike retrouver Caitlin et Luke. La matinée était passée vite, bien trop vite. Tout comme la fin de la journée d'hier. Et je n'avais toujours pas appelé Lise pour lui parler d'Eileen.

J'étais si fébrile que j'avais dormi très peu. Ma colère s'était envolée pour laisser place à de l'appréhension. J'avais un très, très, mauvais pressentiment. Mon coeur allait exploser dans ma cage thoracique.

— Je ne le sens pas, Alice, la hélai-je d'une voix faible

Elle se tourna vers moi, un air attendri sur le visage :

— Ne t'inquiète pas ! Jo a raison, et j'ai repris contact avec Cait' hier soir. Enfin, elle m'a envoyé un message hier, et on a parlé. Je ne sais pas comment, mais on en est venu à parler de Luke. Elle m'a dit la même chose que John.

— Elle ne m'a pas envoyé de message, soupirai-je, attristée

— J'y viens ! Elle voulait te parler de Luke, alors je lui ai dit que ce n'était pas une bonne idée... Parce que c'est déjà suffisamment difficile pour toi de le revoir dans ses conditions, après ce qu'il t'a fait.

— J'ai l'impression d'avoir été éclipsée, comme si, clac !, d'un regard je n'existais plus..., murmurai-je, sentant mes yeux devenir humides pour la première fois depuis si longtemps

Ah, si seulement je n'étais pas si faible !

— Oh, fit-elle simplement, ne te laisse pas submerger par tes souvenirs. Avec tous les éléments que j'ai en ma possession sur la situation, il y a 100 pour-cent de chances qu'il ne te dise rien et fasse comme si de rien n'était.

— Justement, Ali, ce n'est pas comme si rien ne s'était produit.

— Et comment voudrais-tu que ça se passe, alors ? demanda-t-elle, les yeux plissés.

Elle s'était arrêtée au milieu de la rue pour me fixer.

— Eh bien, je ... je ne sais pas, avouai-je, perdue

— Eh bien, voilà ! s'exclama-t-elle, c'est exactement pour ça que c'est mieux, pour l'instant, de faire comme si de rien n'était !

— C'est exactement dans ce genre de situation que je suis tout sauf naturelle, bougonnai-je, songeant alors à Lise et Clara

— Si tu vois que ta manière d'être est trop étrange, prétexte que tu es fatiguée, me conseilla Alice alors que nous arrivions à la bouche de métro, après tout nous ne sommes arrivées qu'avant hier !

Je suivis Alice jusqu'à l'arrêt sous-terrain. Nous attendîmes quelques minutes, le cœur battant. Nous rentrâmes dans un wagon quelconque, et le trajet se déroula en silence. Mon coeur cognait si fort et baignait dans une telle angoisse que je n'entendis même pas l'annonce de notre arrêt. Mon estomac se tordait en tout sens. Alice dût me tirer par le bras, tellement j'étais à l'ouest.

   Hébétée, je regardai autour de moi, reconnaissant les lieux et me rendant compte avec horreur qu'il n'y avait plus que quelques minutes nous séparant du moment fatidique. Le temps doit s'écouler différemment sous terre, c'est impossible ! songeai-je, la gorge brûlante.

Alice me traîna par le bras dans plusieurs rues, son plan en main. Tête baissée, je m'efforçais de faire le vide dans mon esprit et de respirer lentement par le ventre. Je jetai un coup d'œil à mon poignet sur lequel je n'avais pas eu le courage d'attacher son bracelet. Alice s'arrêta abruptement.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant