➵ Chapitre 74

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    Je marchais dans Paris. Il faisait beau, le ciel était un vaste océan s'échouant sur les immeubles sablés et le vent salé haletait. Il flottait comme un air de vacances. Mais, septembre était déjà installé depuis trois semaines. Les nuits se rafraîchissaient, on ne parlait plus de soirs bleus d'été mais de soirs orangés tombants. L'année avait déjà démarré sur les chapeaux de roue. Dernière année n'allait pas sans rythme élevé et une forte dose de stress, mais ça ce n'était un secret pour personne.

   La musique, les textes, avaient toujours été mon catharsis, quelque chose à quoi me raccrocher. Quelque chose de fort qui me transcendait.  Pourtant, on ne pouvait pas dire que c'était vraiment le cas en voyant mes piètres performances et mes notes dans ladite matière atteignant péniblement une moyenne acceptable. Pourquoi n'ai-je pas les mêmes résultats qu'avec M. Ginsique ? C'est mon père qui doit être content...

Quand j'ai demandé à M. Wiener ce que je pouvais faire pour mieux réussir et m'améliorer, il m'a littéralement ri au nez. Merci pour vos conseils, Monsieur. Si vous me mettez 11 après une performance, il doit bien y avoir une raison, non ? D'autres ont 18, quelle est la différence entre ma performance et la leur ? Expliquez-moi mon problème, que je puisse le régler.

— Laisse tomber, Alice, soupirai-je, en rentrant dans le studio. Je suis irrémédiablement dans la moyenne ; jamais je ne m'en sortirai. Je suis simplement invisible. Il faut de tout pour faire un monde, et je dois me rendre à l'évidence : je ne suis pas faite pour ça !

— Arrête, me gronda la jeune fille, ce n'est pas si terrible ! Tu t'en sors ! Tu as toujours eu assez pour passer, et puis si ce n'était pas pour toi tu aurais déjà été virée.

— Peut-être qu'ils n'osent pas tout simplement, grognai-je, dans ma barbe

— Si on était dans un groupe, je n'ai aucun doute sur le fait que ce serait toi la drama queen, rétorqua ma meilleure amie

— Je n'exagère pas, râlai-je, butée. Wiener s'est moqué de moi quand je lui ai demandé des conseils pour m'améliorer !

— Oui ! Certes. Mais moi, ce que je vois, c'est qu'au moindre petit truc, tu remets tout en question et évoque la possibilité d'abandonner. Ce n'est pas comme ça que ça marche ! Ça se saurait si tout tombait tout cuit dans les mains.

— Facile à dire, grommelai-je, un peu comme un hérisson qu'on aurait réveillé en pleine hibernation

— Allez, me réconforta-t-elle en me frottant le bras, un peu de courage ! Ça viendra, j'en suis sûre. Tu trouveras bien à un moment pourquoi ça ne se passe pas bien, affirma-t-elle en relevant la tête. Et puis, ce n'est que le début de l'année. En plus, tu as une marge de progression, c'est cool.

— Mh, tu n'as pas tort. Je vais un peu vite en besogne, finis-je par capituler, je vais aller réviser un peu. J'ai colle de maths demain.

— Encore ? se récria-t-elle, tu ne fais que ça depuis le début ! Ménage-toi un peu...

— Alice, la coupai-je, je vais bien. J'ai juste encore du travail.

C'était faux bien-sûr. Ma meilleure amie m'observait d'un œil qui voulait clairement dire « ça va pour cette fois ». Je la laissai là où elle était pour poser sur mon bureau le livre de philosophie que j'étais allée chercher à la librairie.

Désireuse de me laver les mains, je poussai la porte de la salle de bains. Les larmes aux yeux, je me laissai tomber contre la porte. Deux larmes brûlantes roulèrent sur mes joues tandis que mes mains tremblaient. En soit, cette journée n'avait pas été si terrible. Mis à part un désastreux passage au tableau en physique.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant