➵ Chapitre 98

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A l'issue de notre escapade à Central Park, nous avions convenu d'enregistrer une cover de What A Time, puisque les gens présents autour de nous avaient semblé apprécier. Le lendemain, ce fut chose faite. C'était un peu brut, acoustique, mais beaucoup plus réaliste. La situation me paraissait irréelle ; il me semblait que quelque chose clochait tant je n'étais pas habituée à un tel calme autour de moi.

La liste de chansons était finalisée, et nous avions commencé à nous entraîner. Nous avions pris quelques chansons que nous connaissions déjà, histoire de ne pas en avoir vingt nouvelles à apprendre en si peu de temps. Je n'avais pris de nouvelles ni de Glenn, ni d'Eileen, si bien que j'avais presque oublié cette histoire. Presque.

Le fait que Luke m'ait confié ne pas éprouver quoi que ce soit pour elle aurait dû me rassurer, mais il n'en était rien. Je n'en demeurais pas moins inquiète. Pourtant, je ne pouvais pas contrôler les sentiments des autres. Au fond de moi, j'étais terrifiée à l'idée qu'il me laisse, encore, comme si suffisamment de personnes n'étaient pas déjà parties. D'ailleurs si elle était là, Solange m'aurait probablement étranglée.

Je jetai un coup d'œil à mes amis. Nous étions affalés sur la terrasse des parents de Mike, à essayer tant bien que mal de prendre un peu de couleur. Alors que je ne pensais qu'à me délasser dans une piscine d'eau glacée, Alice se racla la gorge :

— Alors... hum, j'ai eu une idée qui... Comment dire... est assez risquée.

— Tu as décidé de refaire de la chimie ? s'inquiéta immédiatement Luke, après s'être redressé

Alice partit dans un fou rire.

— Non, non, j'ai abandonné cette idée il y a longtemps. Pour la sauvegarde de l'espèce humaine, précisa-t-elle en plissant les yeux.

— Ah, me voilà soulagé, commenta Thomas

« Mike doit être content qu'il soit tout le temps avec nous » songeai-je en l'observant avec bienveillance. Il s'était aussi redressé en entendant Alice, l'air un peu hagard, et comme d'habitude, les cheveux verts dans tous les sens.

— Du coup, reprit Alice en détaillant Caitlin, j'ai pensé-...

— Tu as pensé ? l'interrompit Luke, taquin. Ça t'arrive ?

Alice le foudroya du regard.

— Visiblement plus qu'à toi, Blondie ! Bref, on a toujours fait des covers, interprété des chansons à notre façon. En quelque sorte, on a... on a toujours effleuré notre propre univers. Je veux dire, s'emmêla-t-elle en tapotant la table de ses doigts, on a jamais plongé tête la première dedans... Oh et puis mince, je suis nulle pour ça ! En gros, on n'a jamais joué une seule de nos chansons.

— Tu veux dire, commença Caitlin, impressionnée, que tu penses qu'il est temps pour nous d'avoir nos propres chansons ?

— Tout juste, appuya-t-elle, tandis que son idée s'immisçait peu à peu dans nos esprits.

Un peu bêtement, j'avais toujours songé que le jour où je jouerai et chanterai nos propres chansons, ça serait lorsque nous aurions signé un contrat avec un label, ou une maison de disque, si d'aventures nous en signions un un jour.

— Wiener disait toujours que ce que les gens voulaient voir, c'était ce qu'on apportait à la musique, poursuivit-elle. C'est peut-être le moment. Je sais qu'on a jamais vraiment composé tous ensemble, ni même écrit tous ensemble. C'est pour ça que j'ai conscience que c'est risqué, mais je me dis que quelque part, ça en vaut la peine.

— On pourrait en jouer une, oui, approuva Luke, en premier. Histoire de voir comment les gens réagissent. En plus, tu as totalement raison, et j'ajoute qu'on n'a pas encore trouvé notre style, pas vraiment, se corrigea-t-il.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant