- Adrienne !
Immédiatement, je reconnais la voix qui crie mon prénom alors même que je ne l'ai pas entendue depuis des années. Une étrange sensation m'envahit et j'ai dû mal à l'expliquer. Les sonorités de la voix et des mots me sont si familières que j'ai l'impression de les avoir entendues hier.
- Adrienne !
Mon père ne crie plus. Il hurle. Je sais qu'il est en colère car sa voix est encore plus rauque et plus grave que d'habitude. Ses pas se rapprochent. Pour me protéger, je me suis cachée dans l'armoire de ma chambre. C'est hypocrite de parler de chambre car en réalité ce n'est qu'une pièce humide et délabrée dans une maison en ruine que nous squattons depuis plusieurs mois. Quand mon père ouvre la porte avec fracas, mon cœur se met à battre à vive allure et j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Ma cachette n'est pas sûre car il la connaît. Je ne vais pas pouvoir lui échapper et cette prise de conscience me fait pleurer. Les larmes inondent mes petites joues. Je place alors une main sur ma bouche pour étouffer ma détresse. Si mon père l'entend il va devenir encore plus furieux.
Soudainement, les portes de l'armoire s'ouvrent et je suis éblouie par une vive lumière blanche. Mon père m'attrape violemment par le bras pour me faire sortir de ma cachette. Mes yeux s'habituent peu à peu à la lumière et je découvre mon père en état de manque. Son corps tremble et des spasmes contractent à une allure irrégulière ses bras et ses jambes. Il ne contrôle plus son corps qui réclame sa dose. Quand il est comme ça, ses nerfs sont à vifs et la moindre contrariété peut le faire devenir violent. Je me mets alors en boule sur le sol pour parer les coups qui m'attendent.
- C'est toi qui as pris ma drogue ?
Ce n'est pas une question. En plein délire paranoïaque, il est persuadé que je lui vole ses affaires et que je complote contre lui. Je ne sais même pas comment il ose m'accuser de cette manière alors que je n'ai que sept ans. J'hésite à répondre car peu importe ce que je vais dire, ça ne lui ira pas.
- Adrienne ! Hurle-t-il en me donnant un coup de pied dans le dos.
Son coup n'est pas fort, mais il me procure une douleur intense qui irradie tout mon corps. Il vient de frapper sur une de mes côtes qu'il a brisée quelques jours plus tôt.
- Non, finis-je par répondre d'une voix apeurée.
Ma réponse ne lui convient pas et il se met à grogner comme une bête féroce. Je tremble dans l'attente du châtiment qu'il va m'infliger. D'une main sûre, il attrape mes cheveux et me force à me lever. Une fois debout, il plonge ses yeux injectés de sang dans les miens et je ne ressens plus que de la terreur face à cet être qui n'a rien d'humain.
- Elle est où alors ?
Sa voix est caverneuse. La panique m'empêche de répondre. Il me jette alors avec vigueur sur le parquet. Mon corps déjà meurtri heurte le sol dans un vacarme assourdissant. La douleur est puissante, mais je ne me plains pas, je ne crie pas et je ne pleure pas. Je refoule toutes mes émotions car je sais que ne pas réagir reste toujours la meilleure des solutions.
- C'est maman qui l'a prise.
Je murmure ces mots car je sais qu'accuser ma mère reste la pire des options. Néanmoins, je ne sais pas mentir et révèle la vérité à mon père. Ma mère est encore plus accro à la drogue que lui et elle passe son temps à prendre ses doses dès qu'il a le dos tourné. Je ne suis qu'une enfant innocente dans cette histoire, mais mes parents rejettent la faute sur moi. J'imagine que c'est plus simple pour eux. Cela leur évite de faire face à leur addiction.
- Ta mère ?
Il ne me croit pas, comme d'habitude. Cette dernière apparaît alors dans la pièce. Ses pupilles sont dilatées à cause de la forte quantité de drogue qu'elle a prise. Elle est totalement défoncée et ses bras sont couverts de traces de piqûres. Mes parents ne prennent pas de simples comprimés. Ils se piquent quotidiennement avec des seringues. Ils ont besoin de drogues dures. Ils ont besoin de mettre le poison directement dans leurs veines.
- J'ai rien fait, dit-elle d'une voix lente et éraillée. Cette gamine c'est une putain de menteuse ! Tu le sais bien qu'elle passe son temps à mentir. Il faut la corriger !
Un sourire sadique s'affiche sur le visage de mon père. Je le soupçonne d'apprécier les coups qu'il m'inflige tous les jours. Sauvagement, il m'attrape par les cheveux et me traîne sur le parquet froid et humide de la chambre.
Lorsque j'ouvre brusquement les yeux, j'ai besoin de plusieurs minutes pour reprendre ma respiration. Je suis tremblante, haletante et complètement paniquée. Je prends alors peu à peu conscience que tout cela n'était qu'un cauchemar. Ce terrible souvenir d'enfance n'était pas revenu hanter mes nuits depuis des années. En état de choc, je sors du lit pour aller me rafraîchir le visage. L'eau fraîche me calme, mais les images de mon enfance ne veulent pas quitter mon esprit. Ne supportant plus de les voir, je décide de prendre mon dernier comprimé d'amphétamine. Je ne vaux pas mieux que mes parents. Voici la phrase qui résonne en vain dans mon esprit pendant que les molécules commencent à apaiser mon corps et mon esprit. Le plus discrètement possible, je retourne dans le lit.
- Ça va bébé ?
En entendant la voix douce et soucieuse de William, je m'effondre en sanglots. Immédiatement, il me prend dans ses bras et essaie de me rassurer. J'ai besoin de me confier à lui. Je ne supporte plus de garder mon passé secret.
- Mes parents étaient... De véritables monstres, dis-je en sanglotant. Ils ne m'ont jamais aimé. Je... J'ai aucun souvenir de bons moments avec eux, aucun souvenir de gestes affectueux. Mais ça c'est pas important, j'aurais pu vivre comme ça. Le problème c'est... Qu'ils étaient violents physiquement, mentalement, verbalement. Mon père était le pire des deux. J'aime pas en parler parce que je revois toutes les images de ce qu'ils m'ont fait subir et ça me fait du mal.
William me sert plus fort contre lui comme pour me protéger. Il embrasse tendrement mon cou avant de poser sa tête sur son épaule. A cause de l'obscurité, je ne sais pas comment il a pris cette première confession. Mais lorsque je sens une de ses larmes rouler sur ma peau, je comprends qu'il est touché par mes paroles.
- C'est pour ça qu'on t'a placé ?
Sa voix est tremblante et je me sens alors coupable de lui faire porter ce fardeau avec moi. Je n'ai pas envie de le bouleverser avec mes terribles histoires. Je ne peux pas lui dire que mes parents étaient des toxicomanes qui m'ont aussi rendu accro, et je peux encore moins lui avouer que j'ai replongé. Je regrette de lui avoir fait cette révélation. Le voir pleurer à cause de moi est une condamnation qui me détruit plus que tout le reste.
- Oui, finis-je par dire dans un murmure.
Nous restons silencieux, enlacés dans les bras l'un de l'autre tandis que la culpabilité me ronge intérieurement. Que je lui dise la vérité ou que je la cache, je ne ferai que le blesser.
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Dans son univers - DJ SNAKE
FanfictionAdrienne rencontre DJ Snake lors d'un festival de musique électronique. C'est le coup de foudre, mais elle n'ose pas y croire. Elle n'est qu'une jeune étudiante rêvant de devenir avocate et lui un des plus grands DJs de la planète. Réussira-t-elle à...