52 J -1

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Les souvenirs de la nuit qui me reviennent lentement à l'esprit sont entourés d'une épaisse brume. Je ne me souviens pas de tout en détails. Seuls les évènements majeurs m'apparaissent avec clarté. Je me souviens bien que je me suis retrouvée seule dans cette maudite chambre de palace pour affronter le manque. J'ai souffert une bonne partie de la nuit et j'en ressens maintenant les stigmates. Mon corps est endolori par d'intenses courbatures. Les spasmes et les tremblements qui m'ont secouée sans relâche étaient d'une puissance inédite. Quand ils ont fini par s'arrêter j'ai pu dormir un peu, mais j'ai été assaillie par de nombreux cauchemars.
Par chance, j'étais endormie lorsque William est arrivé. Je ne l'ai même pas entendu. Maintenant que le soleil se lève, je réalise que je suis dans ses bras. Il me serre avec plus de force que d'habitude comme pour me protéger. Mon état l'a probablement inquiété.

Finalement, je suis encore trop fatiguée et je me rendors en quelques secondes. La matinée se passe elle aussi dans le flou. Je me réveille puis me rendors plusieurs fois d'affilées.

- Bébé.

La voix de William qui murmure tendrement à mon oreille m'extirpe lentement de mon sommeil. Alors que j'essaie d'ouvrir les yeux, je sens ses doigts dessiner délicatement le contour de mon visage. Sa main est froide et me fait frissonner. Lorsque j'ouvre enfin les yeux, je plonge dans son regard inquiet. Je m'en veux de le mettre dans cet état, mais je sais que bientôt tout ira mieux. Quand ma crise sera passée tout cela appartiendra au passé. Je souris en ronchonnant pour lui demander ce qu'il veut.

- Tu veux que je fasse venir un médecin ?

- Non, dis-je d'une petite voix fluette. Par contre je meurs de faim. Le petit-déj est prêt ?

Mon estomac n'arrête pas de gargouiller et j'ai envie de dévorer des viennoiseries. Je suis sûre que ça me ferait un bien incroyable. Alors que je rêvasse à ce que je vais manger, je n'entends que William rire doucement avant de m'embrasser.

- Bébé, il est quatorze heures. T'as dormi comme une petite marmotte, mais vu que t'étais super mal hier soir, j'ai voulu te laisser dormir.

Quatorze heures. Je ne pensais pas qu'il était si tard. Je n'ai pas vu le temps passé. Il faut donc que je me lève rapidement pour ne pas accroître ses angoisses. Avec difficultés, je me redresse sur le lit et toute la chambre se met à tanguer comme si j'étais sur un navire en haute mer. Je fixe volontairement le fauteuil en face de moi dans l'espoir que mes vertiges cessent. Peu à peu ils s'estompent, mais je redoute de me lever. La force me manque et je sais que je vais avoir du mal à tenir debout.
Je pense que le plus dur est derrière moi, mais je n'en ai aucune certitude. Une crise de manque est insaisissable et toujours différente. On ne sait pas combien de temps elle va durer ni même si le moment le plus critique est déjà passé.

- Je vais à la douche, dis-je en m'étirant.

- Ça marche par contre je dois te laisser. Je donne un interview dans même pas trente minutes, faut que je file. Tu veux que je demande à Ibrahim de rester avec toi ?

Je secoue la tête pour lui dire non et cela se révèle être la pire des idées. La chambre se remet à tanguer avec plus d'intensité que la première fois. Tout tourne tellement violemment que je sens la nausée me gagner. Je prends une profonde inspiration pour cacher mon état et ne pas alarmer William.

- J'ai dû manger un truc qui est pas passé je crois bien. Mais t'inquiètes c'est rien. File.

- Je t'appelle dès que j'ai terminé et je passe le reste de la journée avec toi, dit-il en embrassant le haut de mon crâne.

Dès que j'entends la porte claquer, je me lève en courant pour aller vomir dans la salle de bain. Mon estomac est vide et donc rien n'en sort. Toutefois, les contractions sont si fortes qu'elles me plient littéralement en deux.

Quand elles cessent enfin, je me relève et file sous la douche. L'eau brûlante détend mon corps ce qui m'apaise un instant. Après mettre préparée en ce qui m'a semblé être de nombreuses heures, je téléphone au room service et commande des frites. Je les dévore d'une traite et le regrette immédiatement car la nausée me gagne à nouveau. Je décide donc de m'allonger devant la télé en attendant que ça passe.
Rapidement, l'ennui me gagne. Je passe d'une chaîne à une autre sans trouver un seul programme digne d'intérêt. J'ai besoin d'une activité pour ne pas penser au manque. Je parcours la suite de long en large, mais je ne trouve rien à faire. J'essaie finalement de me perdre sur Youtube puis sur les réseaux sociaux, mais je n'y parviens. L'angoisse me submerge progressivement jusqu'à ne plus être supportable. J'ai la drôle impression que les murs de la chambre se rapprochent soudainement et qu'ils vont finir par m'écraser. Ne supportant plus d'être seule dans cette pièce, j'enfile une veste puis glisse ma barrette dans mes cheveux avant de sortir de l'hôtel.

Seule dans les rues de Las Vegas, je erre comme une âme en peine à la recherche d'une activité. J'ai soudainement l'impression qu'il me manque quelque chose : mon sac. Je ne peux même pas aller dans un café ou bien même dans un casino pour passer le temps car je n'ai pas d'argent sur moi. Ça ne pourrait pas être pire. Je m'installe sur un banc d'où je peux voir le spectacle de la plus grande fontaine de la ville. Des touristes sont agglutinés avec leur téléphone pour filmer l'événement comme pour pouvoir dire qu'ils y étaient. Ils ne prennent même pas la peine de regarder avec leurs yeux car ils scrutent le spectacle à travers l'écran de leur téléphone. Tout cela est ridicule, mais semble normal. Le soleil se couche déjà et je n'ai toujours eu aucune nouvelle de William.

- T'as besoin de quelque chose, me demande un homme avec un sweat à capuche.

Je le regarde avec méfiance et passe en revue sa tenue et son attitude. Il a le regard fuyant et n'arrête pas de se retourner comme pour vérifier que personne ne le regarde faire. Même si je suis fatiguée, je suis capable de dire que c'est un dealer.

- C'est quatre-vingt dollars le comprimé.

Je le fixe un instant sans lui répondre. Je n'ai pas envie de lui parler, mais il ne semble pas décidé à partir.

- Je suis pas intéressée, finis-je par répondre. Et de toute façon j'ai pas d'argent !

Il regarde autour de lui avant de s'asseoir à côté de moi. Je devrais partir avant que la situation ne prenne une tournure défavorable, mais mon corps refuse de bouger.

- Je suis un mec arrangeant, ajoute-t-il à voix basse. Je pense que ta barrette peut faire l'affaire pour un comprimé.

J'ai beau être dans un état second, je sais qu'il veut m'arnaquer. La barrette que William m'a acheté est en or et même si je ne connais pas son prix, je sais qu'elle vaut bien plus que quatre-vingt dollars. Néanmoins, sa proposition retient mon attention. Je sais que si j'accepte, je me sentirai bien mieux. Je ne devrais pas, mais j'hésite longuement. Je retire ma barrette et la place au creux de ma main. Elle symbolise beaucoup de choses pour moi et principalement ma relation avec William. Je sais que si je la donne contre de la drogue c'est comme sacrifier notre relation, la faire passer au second plan et c'est la dernière chose que j'ai envie de faire.

- Je suis pas intéressée, dis-je en m'éloignant d'un pas lent mais déterminé.

Refuser sa proposition est la chose la plus courageuse que j'ai faite de toute ma vie. Je suis fière de moi et remets ma barrette dans mes cheveux. Je sais à cet instant que je suis en train de remonter la pente et que j'ai presque battu mon addiction. Le manque me tourmente encore, mais je me sens mieux qu'hier. Chaque seconde que je passe sans replonger est une victoire sur mes anciens démons. Alors que je rentre à l'hôtel, je reçois un message de William.

✉️ Rejoins-nous au club ! Désolé ça a été plus long que prévu, mais je me rattraperai ❤️

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Comme la veille, je m'installe aux côtés de William alors qu'il joue au Encore Beach Club. Je me sens mieux et ma victoire du jour m'a rendu enthousiaste. Je profite donc du show en me dandinant avec Tina. William nous regarde avec le sourire aux lèvres. Il semble ravi et rassuré de me voir dans cet état. J'ai l'impression que j'ai réussi à combattre mon addiction et que l'état dans lequel j'étais n'est plus qu'un mauvais souvenir. Malheureusement, il ne faut pas crier victoire trop vite et à ce moment précis, je n'ai aucune idée de ce qui m'attendra le lendemain.

Dans son univers - DJ SNAKEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant