• CHAPITRE CINQUANTE-NEUF •

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« — Raphaël ? »

Pourquoi t'appelles sur le téléphone d'Aaron ?

Dans quel pétrin me suis-je encore fourrée ?
J'aimerais lui retourner la question : pourquoi répond-il au téléphone d'Aaron ?

Mais ceci écarterait toutes mes chances d'effacer les soupçons.

— J'ai essayé de te joindre sur le tien mais je suis tombée sur ta messagerie.

Ma voix ne déraille pas, ne tressaute pas. Ma voix exprime ces mensonges avec la sincérité d'une vérité.

En espérant qu'il n'aille pas vérifier.

Autrement, j'élaborerais un nouveau mensonge auquel il ne pourra que croire. Parce que ce sont dans mes gènes, dans ma chair. Mes mensonges offrent l'espoir d'une vérité quand je le décide. C'est moi qui tiens les rênes. Je fais croire ce que bon me semble.

Et c'est ce qui me plait.

Mon téléphone est mort depuis deux jours.

— Je voulais qu'on se parle un peu. On ne discute jamais tous les deux. Tes cours, ta vie, je ne sais rien de tout ça. Tu ne me dis rien.

L'art que je maîtrise le mieux : retourner les situations à mon avantage. Faire des reproches pour faire taire les interrogations à venir.

Comment ai-je eu le numéro d'Aaron ? Cette question a certainement parcouru son esprit mais je l'ai devancé. Et il a oublié. Parce qu'il s'en veut.

C'est vrai, comment peut-il laisser sa petite sœur ignorer tout de sa vie ? Comment peut-il la laisser sur le banc de touche ?

Il s'en veut. Même s'il assurerai le contraire. Il s'en veut.

Je ne connais presque plus rien de lui parce qu'il a grandi loin de moi. Où est-ce moi qui ai grandi loin de lui ? Peu importe. Il reste un gentil garçon, loyal, serviable et empathique.

C'est ce dont je me serre indûment pour arriver à mes fins.

Aaron ne connaît pas ou très peu la personne sournoise que je peux être parce qu'avec lui, mon esprit se calme. Je ne ressens pas le besoin de le tromper pour obtenir ce que je désire parce que je l'ai déjà.

Je pourrais en dire autant de toi, réplique-t-il, amusé.

Je ris. Touchée.

S'en suit alors le long monologue de nos deux vies palpitantes. Rien de très intéressant pour être répété.

Tandis qu'il me conte la manière dont son coach le maltraite durant les entraînements, je perçois une deuxième voix à l'autre bout du fil.

Mon attention décroche aussitôt pour se tourner vers ce timbre rauque qui me captive tant.

Mon dieu Aaron, si tu savais à quel point tu me rends folle.

Tu parles à qui ? s'étonne le brun, dissimulant plutôt bien son agitation.

Raphaël éloigne le téléphone de lui mais je parviens toujours à entendre leur conversation.

Avec ma sœur.

— Tu peux me la passer ?

A quoi il joue ?

Pourquoi ? demande mon frère aussi dérouté que moi.

Mais pas pour la même raison.

Passe- la moi, je te dis, répète Aaron.

— Non. J'ai pas envie.

Rita [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant