• CHAPITRE SOIXANTE-NEUF •

770 74 0
                                        

Trois jours qu'Aaron semble être au bord du précipice. Il ne se relèvera jamais : c'est la peur qui ne cesse de geindre dans mon esprit. Il va se laisser mourir et je suis bouffée par cette angoisse incessante qu'il ne surmonte pas cette épreuve.

Je n'ai pas lu le contenu de la lettre mais Aaron l'a fait. Depuis, ses yeux sont vides comme un corp inanimé. Il ne me regarde plus comme il le faisait avant. Il ne me regarde plus du tout.

D'ordinaire, je lis ses émotions, je les ressens autant que si elles m'appartenaient mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Je ne lis rien, je ne ressens rien. J'ignore s'il est triste, s'il est en colère, s'il est terrifié, s'il est tout à la fois. Je suis seulement spectatrice de sa chute sans pouvoir le rattraper.

Depuis qu'il est revenu de l'hôpital, c'est un silence de plomb qui règne dans la maison. Alors, le léger crépitement qu'émet la poignée de la porte d'entrée éveille aussitôt mes sens.

Rose et Christian atteignent le séjour en quelques foulées sans même me laisser le temps de me préparer à leur questionnaire.

Je suis déjà habillée pour l'enterrement et ma tenue composée uniquement de noir n'est pas très adéquate pour rencontrer ses beaux-parents.

— Rita ? s'interroge la mère d'Aaron alors qu'elle tient encore ses deux encombrantes valises entre ses mains.

Elle est toujours aussi souriante mais ses yeux cernés ainsi que le manque de maquillage qui orne d'habitude ses paupières trahissent son épuisement.

Son mari, quand à lui, a gagné quelques rides au coin du nez et aux extrémités des lèvres. Il parait tellement affaibli mais c'est loin d'être aussi prononcé que son fils qui se tient à quelques centimètres de moi.

— Toi aussi, tu as quitté le cocon familial ? continue Rose à mon attention. J'avais cru comprendre que Raphaël avait emménagé ici mais Aaron a oublié de mentionner que c'était le cas pour toi aussi.

— Euh... A vrai dire, ce n'était pas prévu, c'est juste que-

— C'est ma copine, me coupe Aaron d'une voix terne.

Si son intonation n'a rien de valorisant, je suis malgré tout heureuse qu'il s'en souvienne. Je suis sa copine et peu importe les événements que chacun de nous aura à endurer, je ne cesserait de l'être même si le voir ainsi me tue.

— Oh.

Elle semble étonnée mais pas opposée à notre relation pour autant. Christian se contente de hausser les sourcils.

— Tu peux annuler le mariage avec la bourge, lâche-t-il sèchement.

Ses parents semblent tout à coup gênés.

Tous deux s'approchent de l'îlot central, et Rose trouve réconfort dans les yeux de l'homme à ses côtés.

— A propos de ça... , commence-t-elle en posant une main sur l'épaule du père d'Aaron.

— Ce mariage était... faux. Nous n'avions pas l'intention de te forcer à épouser cette fille, avoue Christian d'une voix douce comme si celle-ci atténuerait la gravité de ses mots.

C'est quoi encore, cette connerie ?

Aaron, les yeux plissés, ne réagit pas face à cette révélation.

— On s'inquiétait que tu n'aies toujours pas trouvé celle avait qui tu allais passer ta vie, poursuit-elle.

Ses parents ont mis en scène un stratagème pour forcer leur fils à sortir avec quelqu'un. J'ignore ce qui est pire entre ceci et un mariage forcé mais c'est toujours ce même sentiment qui en découle : ils veulent contrôler sa vie comme s'il n'était qu'une marionnette.

Rita [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant