Rita [TERMINÉ]

• CHAPITRE SOIXANTE-HUIT •

— Quand je suis revenue, ton téléphone n'arrêtait pas de sonner sur la table, nous explique Raphaël.

Je l'ai laissé en partant avec Aaron. Je n'imagine pas ce qu'il se serait passé si Raphaël n'avait pas pris l'appel. Marine était tétanisée, seule et je n'ai pas été là pour elle.

— J'ai fini par décrocher, poursuit-il en secouant la tête, encore déboussolé par les événements. Je comprenais à peine ce qu'elle racontait. Elle voulait partir. Qu'on vienne la chercher. Sa voiture était au garage ; enfin c'est ce que j'ai compris... Elle bafouillait. Elle pleurait puis, plusieurs fois, elle s'est arrêtée en chuchotant : « je crois qu'il est revenu ».

Marine se repose dans la chambre d'ami. Je n'ai pas osé lui demander les raisons de ses marques sur sa peau mais je crois l'avoir compris dès que mon regard s'est posé sur son corps. Elle était encore en état de choc lorsque je me suis agenouillée devant elle. Elle ne m'a à peine regardé alors je l'ai aidé à monter les marches jusqu'au lit où elle s'est endormie.

— Elle était seule quand tu es arrivé ?

— Ouais. Parterre contre le fauteuil. En la ramenant ici, j'ai voulu mettre de la glace sur ses hématomes mais elle refusait que je la touche alors je me suis posé près d'elle et vous êtes arrivés.

Aaron est assis à mes côtés, mon frère en face et, les garçons autant que moi, nous ne savons que dire.

Je refuse de penser aux conséquences si elle avait gardé le silence. Je ne sais pas depuis combien de temps ce cauchemar perdure mais n'avoir rien soupçonné me tue.

Il m'a juré l'aimer... Mais comment peut-on être le bourreau de celle que l'on est censé aimer ? Il m'avait juré l'aimer ! Et, pourtant, il l'a détruite, laissant son cœur comme seule preuve de son existence.

***

Ces derniers jours ont été très rudes pour mon esprit. Concilier ma relation avec Aaron sous les yeux scrutateurs de Raphaël, ma peur intense pour la santé mentale de Marine qui ne fait que se dégrader et mes angoisses vis à vis des examens le mois prochain, tout ça me donne le vertige.

Mon amie est restée enfermer dans cette maison mais sa conscience est à des milliers de kilomètres d'ici.

Je suis allée chercher ses affaires dans son appartement. Il était hors de question qu'elle y remette les pieds, aussi n'était-elle pas même en état de le faire.

Aaron a insisté durement pour m'y accompagner. Nous n'avons pas croisé Matt et pour son plus grand bien parce que, je le jure sur ma propre vie que j'aurais pu le tuer.

Marine refuse de porter plainte. Elle est amoureuse de lui en dépit de toute la douleur qu'il lui a infligé et, bien que je peine à le concevoir, je crois qu'elle désire finir sa vie avec lui.

Comme je le soupçonnais, ces coups ne sont pas les premiers. Les plus violents, certes, mais pas les premiers.

Cela a commencé lorsqu'ils ont aménagé ensemble. Ce n'était que des mots, des injures, des insultes puis la première gifle, le premier coup, le premiers bleu avant que le sang ne coule irrévocablement. Et malgré ça, elle est restée. Elle est restée parce qu'elle l'aime et qu'elle veut construire sa vie avec lui.

Elle a commencé à cacher ses marques comme elle le pouvait pour dissimuler le mal qu'il lui infligeait, pour le protéger. Elle continuait à l'aimer alors qu'il la battait de toute sa rage et elle continue encore désespérément à l'aimer bien qu'elle soit consciente que ce n'est pas sain.

Mais, si sa conscience en est convaincue, son cœur, lui, est encore accroché à cet espoir que tout changera. Qu'il changera.

Et, putain, ça me rend malade.