27. Seul

81 8 76
                                    

9 Juillet 1977

Il était tard. Freddie se sentait seul, très seul. Il venait de croiser Paul dans le couloir, ce dernier sortait, abandonnant Freddie à sa solitude en lui donnant, en guise de seule consolation, un sachet de cocaïne. Le chanteur avait besoin de lui, ce soir-là plus que jamais. Et pourtant... Paul aussi le laissait. Ce soir, il n'y avait pas de fête, pas tout un tas d'invités inconnus pour lui tenir compagnie et lui apporter du plaisir. Ce soir, il n'y avait que lui et sa solitude, pas de grandes soirées pour lui apporter consolation et réconfort. Ce soir, il avait pour seul refuge le petit sachet que Paul venait de lui laisser.

Mais il n'en voulait pas. La drogue ne lui suffisait plus, peu importe la quantité qu'il prenait, il serait toujours en manque. En manque de Roger ? Il avait si envie de remonter le temps pour passer à nouveau ne serait-ce qu'une nuit avec le batteur. Il s'en voulait, il n'y avait pas un jour sans qu'il ne se dise qu'il aurait pu en être différemment le soir de sa séparation avec Roger. Ses dernières paroles tournaient en boucle dans son esprit "vire Paul". Après tout, il venait de l'abandonner lui aussi.

Ses pensées, aussi justes soient-elles  changèrent bien vite de sens. Il se dit que Paul avait juste besoin de s'amuser un peu pour décompresser, il ne devait pas toujours être facile à vivre et Paul faisait tant pour lui. Mais il n'était pas tout à fait convaincu...

Une larme coula le long de sa joue, ses yeux se tournèrent aussitôt vers le sachet de poudre blanche, automatiquement et il se répéta qu'il n'en prendrait pas ce soir. Il avait beau faire tous les efforts du monde, son infinie tristesse revenait toujours à l'assaut, encore plus sombre et plus ardemment que jamais. Il avait besoin de parler à quelqu'un, d'extérioriser tout ça, mais il n'y avait personne.

Puis, il regarda autour de lui et il le vit, traînant au milieu de la pièce. Le pianiste s'approcha de lui et s'installa sur le tabouret, prêt à se confier en toute honnêteté sur les touches du clavier. Il se trouvait face à son piano, et commença à jouer d'une façon si naturelle qu'on aurait dit qu'il connaissait déjà la chanson. Il entreprit une intro très sophistiquée, digne des plus grands cabarets de jazz. Il poursuivit cette magnifique mélodie en y ajoutant des paroles qui lui venaient directement du cœur, sincères.

— Another party's over, and I'm left cold sober. Baby left me for somebody new.

(Une autre fête de finie, et je suis resté sobre. Mon chéri m'a laissé pour quelqu'un d'autre.)

Il pensait si fort à sa solitude et à Roger qui devait être en train de faire l'amour à Dominique. Il en souffrait en silence. Ça lui faisait énormément de mal, mais ce soir, il ne prendrait pas de drogue. Il voulait tenir bon.

— I don't wanna talk about it, want to forget about it.

( Je ne veux pas en parler, je veux juste oublier.)

Une autre larme coulait, un autre regard vers le sachet, il était sur le point de craquer. Il aurait tout donné, à ce moment, pour oublier Roger.

— Wanna be intoxicated with that special brew.

(Être enivré par ce breuvage spécial.)

Paul aussi devait bien s'amuser. Freddie avait l'impression que sa vie allait et venait, le soutenant et l'abandonnant, le mettant en confiance et le faisant douter. La seule chose qui restait vraiment stable était sa consommation quotidienne de drogue et d'alcool.

— So come and get me. Left me. Get in that seeking feeling.

( Donc viens et prends moi. Laisse moi. Entrer dans cette sensation de malaise.)

Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant