61. Suspicions Chimériques

43 3 24
                                    

Queen était en studio, ou du moins, Brian, John et Roger. Freddie se faisait désirer une fois de plus.

Alors que les deux musiciens à cordes s'impatientaient, Roger tapait frénétiquement du pied en regardant dans le vague. Brian et Deaky crurent qu'il partageait leur sentiment, mais il s'agissait en réalité de signes d'inquiétude et non d'agacement.

Le batteur aurait voulu attendre Freddie à leur domicile, mais ce dernier avait insisté pour qu'il parte devant, prétendant le rejoindre dans quelques minutes. Roger avait accepté, forcé de capituler devant l'insistance et la détermination du chanteur. Le plus dur pour lui était de savoir que son amant allait mal et que ce dernier l'avait forcé à partir pour ne pas l'inquiéter. Cela provoquait plutôt l'effet inverse.

— Non, mais j'hallucine ! s'exclama le guitariste en sortant le blond de ses pensées. Trois heures de retard !

— Je crois qu'il a battu son record, répliqua John dans un étrange mélange d'amusement et de consternation.

Après quelques minutes d'attente supplémentaire, l'astrophysicien faisait les cent pas à travers la pièce tandis que le bassiste jouait quelques accords. La porte s'ouvrit à la volée, dévoilant le musicien qui manquait à l'appel.

Il portait sa fidèle paire de lunettes aviator, sa veste en cuir et arborait son traditionnel air de défi. Mais Roger n'était pas dupe. Il remarqua que son sourire était un peu crispé et que la sueur humidifiait son front.

— J'ai manqué quelque chose ?

— Seulement trois heures de répète...

— Pardon mon chou, Morphée voulait me garder au lit.

— À quatorze heures.

— Il n'y a pas d'heure pour ce genre de choses, réplica-t-il avec un clin d'œil. I'm a sex machine ready to reload, termina le chanteur en entonnant Don't Stop Me Now.

Une lueur d'admiration brilla dans les yeux de Roger. Freddie gardait son humour et sa désinvolture malgré les épreuves qu'il traversait avec son amant.

— Bon, on attend quoi ? demanda Freddie pendant que les trois autres hommes présents dans la pièce le dévisageaient comme s'il était une apparition.

— Mais il se fout de nous ? Ce qu'on attend ?! Je ne sais pas moi ! Peut-être notre chanteur qui se pointe avec trois heures de retard ?!

— Quatre, chéri.

Brian était outré par l'attitude de Freddie, mais d'un autre côté, il l'aimait trop pur lui en vouloir et tout était déjà pardonné. Le guitariste attrapa aussitôt sa guitare qu'il tint contre son pull, prêt à jouer.

— Bon, on fait quoi ?

— Rejoue un peu ce que tu nous as fait hier, suggéra Farrokh.

Le pianiste n'était pas ponctuel, mais il se mettait au travail dès son entrée au studio.

Brian entama quelques accords sous l'oreille attentive de Freddie.

— Ça a du potentiel.

Le frontman s'installa à son piano et créa aussitôt une mélodie pour accompagner ce que le guitariste venait de jouer.

— Vous ne trouvez pas qu'il fait chaud ? dit-il ensuite.

Freddie retira sa veste pour laisser apparaître son débardeur. Les trois autres musiciens avaient revêtu des pulls en laine. Perplexe, John s'apprêtait à répondre au chanteur quand un fracas métallique se fit entendre.

Ils se retournèrent instantanément vers ce qui avait provoqué le bruit : la batterie. Roger affichait un sourire gêné qui sonnait horriblement faux en ne tenant plus qu'une baguette dans sa main gauche, la droite étant tombée sur la cymbale. Voir que l'amour de sa vie était toujours terrassé par la fièvre lui fit un choque.

— Désolé les gars, répondit-il distraitement en évitant de croiser le regard de son amant.

— Et bien Rog', que t'arrive-t-il ? demanda Freddie en le forçant à le regarder. Je crois bien que tu as besoin d'un tour de chauffe, clôtura-t-il avec un clin d'œil. Radio Gaga ?

Tout le monde acquiesça et ils débutèrent le morceau. Mais une fois arrivé au refrain, la voix de Freddie devint étonnamment rauque et cela alla en s'empirant. Au bout de quelques phrases supplémentaires, Roger s'arrêta de jouer d'un coup, bientôt suivi par Brian et John. Le blond se leva de sa batterie et quitta le studio sans dire un mot.

— Je crois qu'il vaut mieux s'arrêter là. Pardon les gars, j'ai eu une nuit un peu rock'n'roll. J'ai besoin de repos, j'imagine. Je ferai mieux la prochaine fois.

Désormais seuls dans le studio, Brian et John échangèrent un regard. Ils ne savaient pas que par "une nuit un peu rock'n'roll" Freddie voulait dire une nuit sans sommeil où la fièvre et les sueurs nocturnes s'affrontaient pour l'arracher aux bras de Morphée.

Les deux musiciens n'étaient pas stupides au point d'ignorer les maux de gorge de leur ami. L'idée qu'il soit malade leur effleura l'esprit, mais ils la chassèrent aussitôt. Freddie ne pouvait pas être malade. Pas Freddie Mercury. Pas leur ami. Non, c'était ridicule, ils se faisaient des films. Les musiciens quittèrent le studio à leur tour sans échanger un mot, trop occupés à chercher des éléments contrecarrant l'hypothèse de la maladie.

Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant