51. Une vie difficile

53 4 24
                                    

Le groupe sortait d'une nouvelle répétition. Le travail était plus productif depuis le break, bien que quelques tensions subsistaient. John et Roger avaient déjà quitté le studio et il ne restait plus que Freddie et Brian.

— Brian. J'aimerais avoir ton avis, demanda Freddie en tendant timidement une feuille de papier pliée en quatre.

Le guitariste la prit et la déplia brièvement de sorte à jeter un coup d'œil.

— Bien sûr.

Il s'agissait d'une chanson, ou plutôt, des paroles. Le chanteur regardait Brian d'un air soucieux tandis que ce dernier parcourait les lignesmanuscrites avec émerveillement.

— Freddie... Je crois que c'est une des plus belles chansons que tu aies écrite.

Le texte parlait du désir d'amour sincère et de la difficulté de s'aimer au milieu de la société. Cela touchait Brian qui était heureux de voir que son ami reprenait enfin sa vie en main. Il n'ignorait pas que la personne concernée était Paul, il ne l'aimait pas, mais tout ce qui comptait était le bonheur de Freddie.

— Le problème, c'est que quelque chose ne va pas dans les paroles, dit le concerné.

— On peut y regarder ensemble si tu veux.

— Ça serait gentil.

Les deux garçons y passèrent une poignée d'heures et quelques semaines plus tard, on tournait le clip.

— Freddie, commença Brian. Cette chanson est une merveille. Le texte est très profond et tout, mais...

— Je sais, darling !

— Non, ce que je veux dire c'est... Est-ce que... Est-ce que tu veux vraiment porter cette cho... ce costume de... crevette géante en chaleur couverte d'yeux ?

Le chanteur s'esclaffa, au moins, il n'était pas vexé.

— Bien sûr, c'est exactement la tenue qu'il me faut !

Brian était profondément déçu, mais il n'en dit rien. C'était la chanson de Freddie, c'était lui qui décidait de tout au grand damne de ses camarades. Le guitariste était affublé d'une étrange tenue dorée aux larges manches et on l'avait muni d'une guitare-squelette. John, quant à lui, avait revêtit une tenue argentée à la mode moyenâgeuse et tenait une tête de licorne à la main. Roger était habillé dans une tenue similaire à celle de John à l'exception que celle-ci était noire avec des carreaux dorés. Il était également doté d'une immense fraise et de collants.

— C'est d'un ridicule, grommela-t-il.

À l'évidence, il ne voulait pas faire le clip. Une grande quantité de figurants étaient présents, eux aussi vêtus à la façon du Moyen-Âge et Freddie voulut faire un premier essai pour clarifier la mise en scène et les déplacements de tout le monde. Il indiqua l'endroit de départ aux autres musiciens. Les figurants, eux, avaient déjà été briefés. Freddie commença à chanter a cappella depuis le balcon et certains figurants s'empressèrent de descendre les escaliers. Le frontman se mit ensuite à danser, mais de façon moins élaborée que d'habitude à cause de son genou droit qui le faisait souffrir depuis sa mésaventure dans le bar. Il s'arrêta ensuite subitement.

— Brian ! À ce moment-là, tu montes sur le balcon avec la guitare dans l'étui et tu sors quand je lève les bras. Il y aura un noir à ce mouvement. Pendant ce noir, Roger et John, vous venez derrière moi lentement. On essaye ça.

Freddie recommença à chanter et danser et les autres suivirent ses indications. Durant le fameux noir, Roger ne put s'empêcher de faire connaître son avis auprès du bassiste.

— Ce passage a intérêt à être coupé au montage final, dit-il en marchant vers Freddie.

— C'est certain, répondit John en prenant bien soin de placer la tête de licorne devant eux pour tenter de les cacher.

S'en suivit une scène où le chanteur participait à un banquet en portant une perruque une prise sur deux. On pouvait apercevoir Roger en arrière-plan, la mine dépitée. On aurait dit que pour la suite du clip, lui et le bassiste marchaient aléatoirement dans le décor. Il y eut un autre noir durant lequel Brian brandit la guitare-squelette sur ordre de Freddie.

— J'en ai marre ! Ça sera sans moi. C'est complètement stupide ! s'emporta le blond.

— OK, c'est la pause, annonça alors Freddie.

Toutes les personnes présentes sur le plateau sortirent du décor à l'exception du batteur et du chanteur. Roger ne voulait à l'évidence plus continuer.

— Rog'! C'est juste une petite vidéo, on en a fait d'autres...

— Mais jamais d'aussi ridicules ! Tu ferais mieux de me couper au montage !

— On est un groupe ! Il faut qu'on nous voie tous les quatre !

— Et tu étais obligé de créer tout ce cirque au lieu de faire un truc normal ?!

Freddie était touché. Il avait mis toute son âme dans cette chanson, et cette vidéo, bien qu'énigmatique aux yeux des autres, représentait beaucoup pour lui. Seulement, même Brian semblait ne pas comprendre...

Roger aurait voulu que cette chanson parle de lui, mais peut-être était-ce inconsciemment le cas. La jalousie lui avait fait dire ce qu'il ne pensait pas. Il vit qu'il avait atteint la corde sensible et se rapprocha du pianiste pour percer ses dernières défenses.

Ils étaient très proches, leurs fronts se touchaient presque. Quand leurs yeux se croisèrent, impossible de dire qui de Roger ou Freddie était à l'initiative du mouvement, mais leurs lèvres se confondirent en un baiser. Peut-être était-ce les deux, ils désiraient cela depuis si longtemps. Mais la pensée de Dominique et de Paul vint vite briser leur preuve d'amour. Ils avaient tous deux promis fidélité à quelqu'un d'autre.

Les deux musiciens partirent en coulisse, du côté opposé l'un à l'autre, sans un mot. Ils voulaient faire comme si rien ne s'était produit.




https://youtu.be/uHP-qgzUVLM


Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant