57. Retrouvailles

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Roger se réveilla et, quand il vit Freddie dans ses bras, sourit. Il était rassuré que ce soit réel et pas seulement un rêve sur le point de s'estomper. Le batteur l'embrassa sur le front et Freddie s'étira avant de se blottir contre lui.

— Je t'aime.

C'étaient les premiers mots qu'ils s'échangeaient depuis la répétition de la tournée. C'étaient les plus beaux mots du monde.

— Moi aussi, je t'aime, répondit Roger.

Un silence s'installa. Le blond n'avait pas oublié que Freddie avait refusé de faire l'amour la veille. Au fond de lui, il savait pourquoi. Cependant, il refusait d'y croire avant d'en avoir la confirmation. C'était plus fort que lui, l'espoir subsistait.

— Freddie...

Le concerné tourna la tête pour fuir son regard. Roger se dit qu'il valait peut-être mieux amener le sujet en douceur.

— Que s'est-il passé ? Avec Paul ?

— Je me suis simplement rendu compte que c'était un bel enfoiré et qu'à cause de lui...

Le chanteur laissa sa phrase en suspens. Roger put sentir toute la rancœur que son amant avait accumulée en lui au cours des années de leur séparation. Freddie ne semblait pas prêt à se confier sur tout ce qu'il avait vécu dans ses derniers tourments et il préféra changer de sujet.

— Et toi ? Avec Dominique ?

— Cette femme est un ange. Elle ne méritait pas ça... Dominique est partie, de son plein grès, parce qu'elle a vu qu'on s'aimait. Et le pire dans tout ça, c'est qu'elle n'est même pas en colère ! Elle ne m'en veut pas, alors que j'ai détruit sa vie !

— Bien sûr que non ! Tu n'as pas détruit sa vie ! Elle a fait ça par amour.

— Amour que je n'ai pas su lui donner en retour !

—  Je crois qu'on est bien placé pour savoir que l'amour, c'est loin d'être facile...

Roger posa sa main sur celle du chanteur et osa affronter son regard.

— Freddie... J'ai besoin de savoir ! Est-ce que tu....

— Je l'ai attrapé. Le SIDA.

— Freddie, je...

— Non ! Si tu commences à être désolé, à me plaindre, ou pire, à m'assommer avec ta compassion, c'est du temps qu'on perd. Et du temps, j'en ai pas. Je veux passer absolument chaque seconde de ce qu'il me reste avec toi. Je veux consumer tout le temps qu'il me reste dans la flamme de notre amour. Je veux qu'on s'aime comme s'il n'y avait pas de lendemain. Il n'y en aura peut-être pas... Parce que je vais mourir. Bientôt. Dans dix ans. Dans quatre ans. Dans une semaine. J'en sais rien ! Ce que je sais, c'est qu'on n'a pas de temps à perdre avec ces conneries ! Je t'aime ! Et il est hors de question que je voie des larmes sur ton visage alors que je vais épuiser mes dernières forces à essayer de te rendre heureux. Jusqu'à la fin !

Roger était en sanglots. Son corps était secoué de tremblements, son teint livide, ses yeux débordaient de larmes dont le sel avait fait naître des stries rougeâtres dans la cornée et ses joues étaient humides ainsi que sa nuque. Il se cramponna au torse de Freddie et enfouit sa tête dans son cou. Il avait honte d'être aussi fragile face à l'homme qu'il était persuadé être le plus fort de la Terre.

Freddie lui caressa le dos et le serra contre lui. Il ne pleurait pas. Il ne pouvait pas pleurer. Pas devant Roger. Il ne pouvait pas lui faire encore plus de peine, encore plus de douleur. Il devait être courageux. Pourtant, sa voix avait vacillé pendant sa déclaration. C'était la première fois qu'il évoquait la proximité de sa mort à voix haute. Et ça faisait mal. Il ne voulait pas mourir. Mais bon, ce n'était pas comme s'il avait le choix. L'idée d'abandonner Roger, de ne plus pouvoir le serrer dans ses bras lorsque le moment viendrait, lui était insurmontable. Il faillit craquer lui aussi, mais il tint bon. Freddie caressa délicatement le visage de son amant et lui releva le menton.

— Ne pleure pas, s'il te plaît. Ça ne sert à rien. Et puis, je n'en vaux pas la peine...

Freddie repensait à sa rencontre avec Paul, à la manière dont il avait réussi à le séparer de Roger, à son aveuglement, à sa stupide confiance envers ce manipulateur. D'une certaine manière, c'était sa faute et il n'avait que ce qu'il méritait.

— Je t'interdis de dire un truc aussi stupide ! Bien sûr que tu en vaux la peine ! Tu es l'homme le plus fort, le plus gentil, le plus attentionné, le plus courageux que j'ai jamais rencontré ! Et je t'aime, imbécile ! Et puis, c'est ma faute... Si je n'avais pas quitté le café comme une furie à notre dernier rendez-vous...

— Oh et puis merde ! On ne va pas chercher à se rejeter la faute. C'est du passé, il faut aller de l'avant !

— Pas si vite ! Tu ne t'en tireras pas comme ça ! Freddie, tu es quelqu'un d'extraordinaire.

— Évidemment que je le suis ! J'ai eu un petit coup de mou, mais c'est bon. Je suis retapé !

Roger lui répondit par un sourire. Après tout, il avait raison. C'était le passé. Le blond entoura ses bras autour de Freddie et l'embrassa.

— Ça m'avait manqué...

— À moi aussi.





Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant