31. Illusion

65 6 102
                                    

26 Juillet 1978


La fête battait son plein. Les vingt-neuf ans de Roger s'avérèrent très festifs. Le groupe était à Montreux et avait organisé une énorme fête pour l'anniversaire du batteur. Le décor était plutôt guindé comme en témoignait un immense lustre en cristal, ce qui détonnait un peu avec les invités qui arboraient des tenues très correctes mais sans plus.

Dominique, qui venait d'arriver en Suisse spécialement pour l'occasion, était un peu perdue au milieu de tous ces invités qu'elle n'avait, pour la plupart, jamais vus de sa vie. Par respect envers elle, chose rare, Queen n'avait rien fait de trop exubérant ou indécent.

Dominique commençait à se demander ce qu'elle faisait dans cet endroit où elle avait l'impression de clocher, ne se sentant pas à sa place. Mais elle aimait Roger plus que tout et elle se dit qu'elle se devait de faire cet effort pour l'anniversaire de son chéri.

La pauvre jeune femme se sentait un peu honteuse parmi les gens en tenues de soirée bien qu'elle ait sorti sa plus belle robe, elle craignait que cela ne suffise pas. Elle avait aussi très peur d'offrir son cadeau à Roger, bien que lui soit devenu riche, elle ne roulait pas sur l'or, et même les inconnus présents feraient probablement mieux qu'elle. Au bord de la crise d'angoisse, Dominique se fit sortir de ses pensées par un aimable serveur.

— Une coupe de champagne ?

— Oh Heu... Oui, merci beaucoup.

Elle accompagna sa phrase d'un sourire, mais ne porta pas le verre à ses lèvres, le regard perdue dans la foule, elle attendait. Soudain, des doigts effleurèrent son épaule, la faisant sursauter juste avant de se faire enlacer par l'homme à qui ils appartenaient.

— Dom'! Ça fait longtemps !

— Brian ! Dieu merci ! Je dois t'avouer que je commençais à désespérer de trouver Roger, dit-elle en ponctuant sa phrase par un petit rire nerveux auquel Brian répondit par un sourire chaleureux.

— Je comprends. Viens, il est par ici.

Dominique suivit le guitariste à travers la vaste salle remplie de monde.

Jamais elle n'avait vu tant de personnes ce qui l'intimida encore un peu plus. Ils déboulèrent dans une pièce relativement petite dans laquelle John, Veronica, Chrissie, Roger et quelques autres personnes qu'elle connaissait uniquement de vue attendaient. Cela semblait être la partie réservée aux connaissances les plus proches, mais elle ne prit pas plus de temps pour réfléchir à la question, pressée de retrouver son bien-aimé.

— Mon amour ! J'ai cru que je ne te trouverais jamais ! annonça-t-elle en se jetant dans ses bras.

Ils se séparèrent aux bouts de quelques instants, et Dominique se souvint de la coupe de champagne qu'elle tenait toujours en main, le liquide au même niveau que quand le serveur la lui avait donnée.

— Tiens. Je t'ai pris un verre.

— Merci, Dom'. Tu es super.

Et il lui donna un baiser sur la joue.

— C'est pour moi ? demanda-t-il en désignant du doigt le paquet que tenait Dominique.

— Ho! Euh, Oui ! Prends-le !

Tous les regards se tournèrent vers elle et la jeune femme se sentit rougir.

— C'est pas grand chose, j'espère juste que ce n'est pas trop décevant, baffouilla-t-elle.

— C'est parfait.

Et cette fois, il l'embrassa sur la bouche. Le baiser était très court et chaste. Cela avait quelque chose d'artificiel, le batteur s'efforçait de la complimenter mais il voulait juste rendre Freddie jaloux. Il l'embrassait si rarement que Dominique en était satisfaite.

— Freddie n'est pas là ? demanda-t-elle au bout d'un moment.

Le visage de Roger s'assombrit et les autres se crispèrent. Ce n'était visiblement pas un sujet à aborder.

— Enfin... Peu importe, baffouilla-t-elle avec un sourire nerveux.

Mais le mal était fait et son compagnon s'empressa de détourner le sujet.

— Et si on allait faire un tour dans la salle pour chercher le gâteau ?

— Excellente idée !

Le petit groupe déambula parmi les invités jusqu'au centre de la pièce où une immense pièce montée se trouvait à moins d'une dizaine de mètres du grand lustre de cristal. Les gens commencèrent à se rassembler pour assister à la découpe du gâteux probablement précédé d'un petit speech comme il était courant de le faire dans ce genre d'événement. Mais rien de tout cela ne se passa, des cris de surprise retentirent et toutes les têtes se tournèrent aussitôt dans la même direction : le lustre.

On pouvait y apercevoir Freddie qui y était suspendu. Il avait vaguement salué Roger et le groupe au début de la fête avant de s'éclipser passer toute la soirée avec Paul, le manageur avait passé son temps à lui servir des verres tout en veillant à ce qu'il ne manque pas de cocaïne et avait désormais mystérieusement disparu. Freddie observa tous les visages interloqués qui le fixaient avec une expression si horrifiée et choquée qu'ils auraient aussi bien pu assister à un meurtre, ce qui l'amusa grandement.

— Je n'ai vraiment pas pu résister ! déclara alors celui qui était l'objet de l'attention.

— Fred' ! Qu'est-ce que tu fous, putain ?! Descends de là immédiatement !

Roger était furax. Le chanteur venait de gâcher la fête en accaparant toute l'attention qui lui était pourtant réservée. Le comble était que ça ne l'étonnait même plus. Il attrapa Freddie par le col et l'emmena aux toilettes pour qu'ils puissent s'exprimer à l'abri des oreilles indiscrètes. Le batteur remarqua des traces de poudre blanche sur la tenue de Freddie ce qui répondit déjà à certaines questions.

— Putain ! Mec ! Pourquoi est-ce que...

Roger s'adoucit en voyant l'air coupable que prit le pianiste, semblable à celui que prennent les enfants après une bêtise, il semblait néanmoins ailleurs.

— Freddie... Qu'est-ce qu'il se passe ?

Il éclata en sanglots.

— Non... S'il te plaît, pleure pas. C'est Paul ? C'est lui qui t'a mis dans cet état ?

Les pleurs reprirent de plus belle ce que Roger prit pour une réponse affirmative.

— Fred'. Je vois bien que ça ne va pas, on le voit tous. Dis moi ce qu'il y a.

Le chanteur se calma au bout de quelques minutes et se mit à fixer Roger, il ressemblait à un enfant apeuré, ce qui était plutôt mignon. Le batteur lui rendit son regard dans un intense échange qui dura longtemps, mais l'éternité ne semblait être qu'une poignée de secondes pour les deux amants qui s'étaient tant manqués.

Freddie plaqua violemment ses lèvres contre celles de Roger avant d'enrouler ses mains autour de sa nuque. Ce geste était si soudain et inattendu que le batteur, complètement prit au dépourvu, ne sut réagir et se laissa faire, béa. Ça lui avait tellement manqué... Il ne réfléchit pas, et oubliant les conséquences, profita de l'instant qu'il prolongea par sa participation active.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et Roger dut, à son grand regret, prendre congé de Freddie. Le chanteur posa sa tête contre l'épaule du blond et ils restèrent ainsi dans le silence pendant quelques instants jusqu'à ce qu'il ne devienne pesant et chargé de question.

— Freddie...

Il s'était endormi contre Roger en l'espace de quelques secondes. Il ne se souviendrait probablement pas de ce qui venait de se passer, ce qui brisa le cœur de Roger. L'espace d'un instant, son âme-sœur semblait avoir compris que Paul était le problème et Freddie lui avait redonné l'espoir que leur amour n'avait jamais disparu.

Le blond prit Farrokh dans ses bras et le transporta jusqu'à la chambre qui lui était réservée en empruntant un passage sur lequel il n'y avait pas trop de monde. Roger le borda, et ne put s'empêcher de déposer un dernier baiser sur ses lèvres, avant de retourner à son anniversaire en luttant contre les larmes qui perlaient à ses yeux. Il ne voulait pas que ce baiser soit le dernier.






Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant