33. Changement

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28 Mai 1980

Le groupe était en pleine répétition. Les quatre garçons étaient très concentrés, en train de jouer un morceau quand on les interrompit.

- Brian et Roger, vous n'êtes pas dans le rythme. John aussi est un peu à la traîne, d'ailleurs.

- Pardon ? demanda le guitariste qui refusait de croire ce qu'il venait d'entendre. Je crois qu'on ne t'a pas sonné.

Paul, qui était désormais manageur de Queen depuis deux ans, assistait assidûment à presque chaque répétition et n'hésitait pas à ajouter son grain de sel.

- Mais va te faire foutre, Prenter.

- Je dis juste que vous êtes incapables de faire votre boulot correctement. Vous êtes en décalage avec Freddie.

- S'il l'ouvre encore une fois, je le balance par la fenêtre !

- Mais bien-sûr ! Apprends-nous notre métier !

- En tant que manageur, je dis ça dans votre intérêt. C'est important de remarquer ces erreurs.

- J'en ai marre ! J'me casse ! Hors de question que je reste une minute de plus dans la même pièce que ce connard ! s'emporta Roger qui ne pouvait plus contenir ses nerfs.

Dans son for intérieur, Freddie souffrait. Ça lui faisait du mal que ses amis insultent son amant. Il ne comprenait toujours pas la lutte qu'il y avait au cœur du fossé qui les séparait. Freddie était au centre et ne voulait pas choisir de camp, la haine envers Paul étonnait le chanteur qui ne la comprenait pas. L'homme à la moustache aubrune n'était pas parfait, Farrokh le savait, mais il était persuadé de son investissement dans le groupe et de l'amour qu'il lui portait.

- Attend ! dit Freddie. Paul, chéri, c'est moi qui aie pris un peu d'avance sur la musique. Les autres jouaient parfaitement bien.

- Tu es bien trop modeste. C'est généreux de se dire en tort face à ces incapables.

Freddie fut surpris par cette remarque, mais il se dit que le plan affectionnel de Paul prenait le dessus sur le professionnel. Il croyait en lui, et le pianiste en était touché, d'un certain côté, il l'admirait même. Sa reconnaissance envers le manageur était infinie.

- Prenter ! Tu es viré !

- Roger ! Deux minutes, ça va s'arranger.

- J'en ai rien à foutre ! Je ne bosse plus avec cette ordure ! De toute façon, ça devait être temporaire et ça fait déjà deux ans qu'il est notre manageur et c'est beaucoup trop longtemps !

Paul ne put contenir son air choqué. Il n'était pas au courant de la temporalité de son emploi. Freddie, quant à lui, éprouvait une profonde colère envers lui-même. Il était convaincu que tout était de sa faute. S'il avait été plus concentré, s'il avait travaillé la chanson plutôt que de découvrir les paroles en jouant ; il serait resté dans le rythme, Paul n'aurait pas fait de remarque et la dispute n'aurait pas eu lieu d'être. Il s'en voulait énormément et comptait bien apaiser l'atmosphère orageuse.

- Chéri, tu veux bien nous laisser deux minutes ? demanda Freddie à Paul avec un grand sourire avant que ce dernier ne sorte.

- Freddie, commença Brian une fois le moustachu parti. Je ne sais pas quel type de relations tu entretiens avec Paul, mais il ne peut pas te trouver des excuses éternellement. On étouffe et je pense que Queen ne pourra pas subsister encore longtemps dans ce climat. Il doit quitter son poste.

- Vous êtes un peu dur avec lui. Il fait de son mieux pour nous aider.

- Non, Fred. Il fait de son mieux pour te mettre à la lumière en nous faisant de l'ombre.

- Non, vous faites erreur. Il veut juste le meilleur pour moi, et donc pour vous, Paul est un gars bien.

- Quoi qu'il en soit, on a convenu que notre collaboration avec Paul serait temporaire, et deux ans, c'est déjà bien. Une idée pour notre nouveau manageur ? demanda Brian en parfait médiateur pour laisser la situation sous son contrôle.

- Pas vraiment, non.

- Que pensez-vous de Miami ? suggéra aussitôt Freddie.

- Miami... Jim Beach, notre avocat ?

- Qui d'autre, chéri ?

- Pourquoi pas, dit enfin Roger pour exprimer son pertinent avis.

- C'est déjà notre avocat. Vous trouvez pas ça un peu risqué de confier autant de responsabilités à la même personne ?

- Brian, tu trouves pas ça un peu risqué de laisser Prenter être notre manageur ?

- Si, c'est vrai. Va pour Jim Beach.

- Miami !

- Si tu veux, Fred'. Miami.

Farrokh s'efforçait d'amuser la galerie, il ressentait le besoin de se cacher derrière son masque, de devenir Freddie Mercury, l'homme sans peur qui ne connaissait ni la faiblesse ni le doute. Le rôle qu'il s'était donné dès son plus jeune âge pour ne pas montrer la partie de lui qui connaît des moments de souffrance et de peine. Il refusait de montrer sa sensibilité qu'il se sentait obligé de cacher pour exposer une force imaginaire à travers des touches d'humour et d'absurdité. Personne n'avait jamais remarqué la supercherie, hormis Kashmira, sa sœur.

Le chanteur avait hâte de rentrer chez lui pour retrouver Paul et noyer la culpabilité dans l'alcool, la drogue et le sexe dans le cadre d'une autre nuit de débauche où son personnage prendrait complètement le dessus sur l'homme blessé qui se cachait à l'intérieur.

Désolé pour le gif, déjà que je me suis retenu de le mettre en média

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Désolé pour le gif, déjà que je me suis retenu de le mettre en média. Tout ce que j'ai trouvé de mieux, c'est une porte ! 😭 C'était si tentant... Je devais le faire !

Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant