64. Triste Tableau

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Freddie et Roger étaient installés côte à côte dans le fauteuil, ne sachant que faire de leur journée. Le chanteur était fort amaigri par son traitement. Roger souffrait de le voir ainsi, mais il ne disait rien. Freddie ne voulait ni compassion ni pitié, simplement continuer comme si de rien n'était.

— Roger ?

Le concerné tourna la tête vers lui.

— Tu ne veux pas qu'on sorte ? On ne va tout de même pas rester enfermés ici toute la journée alors qu'il y a une vente de tableaux à Londres.

— Freddie... Tu es sûr que tu veux sortir ?

— Arrête de faire comme si un coup de vent pouvait m'emporter ! Je ne suis pas encore mort !

Roger éclata en sanglots. C'était trop dur pour lui et il se demandait comment son bien-aimé faisait pour être aussi fort. Le batteur voyait l'amour de sa vie se dégrader de jour en jour ; ça lui était insupportable. Il voulait juste rester avec son mari le plus longtemps possible, mais il savait que le temps leur était compté et que chaque seconde valait de l'or.

Le blond voulait faire durer leur amour en protégeant le chanteur. Il comprenait que ce dernier n'ait pas envie de se sentir surprotégé, mais il souffrait atrocement de le voir réagir ainsi. Farrokh n'était peut-être pas aussi fort qu'il se voulait ; après tout, il restait un être humain avec des sentiments. Bien qu'il refoulait ceux-ci en les transformant en colère.

— Pardon, chéri. Pardon. Je suis désolé, je ne voulais pas...

La phrase resta en suspens car s'il l'avait continuée, il se serait mis à pleurer lui aussi. Et il était hors de question que Roger le voit comme ça. Il lui causait déjà trop de peine. Freddie serra son amour dans ses bras jusqu'à ce qu'il se calme. Il était déjà pardonné, évidemment. Comment Roger aurait-il pu lui en vouloir ?

— On va aller à cette vente de tableau, dit le batteur remis de ses émotions.

— Merci.

Roger le regarda avec des yeux disant : "tout ce que tu voudras tant que tu peux éprouver des désirs" mais il ne le formula pas à voix haute, il n'avait même pas conscience d'émettre ce genre de pensées.

Les deux amoureux se mirent en route et arrivèrent bien vite à la galerie d'art. Il y avait des peintures de tous les styles possibles et imaginables, connus et inconnus, colorés et ternes, tristes et joyeux.

Les deux musiciens passèrent devant les œuvres d'un artiste spécialisé dans la représentation de pique-nique en plein air, devant des toiles reproduisant à merveilles la grâce des danseuses de ballet, devant des tableaux abstraits.

Freddie s'arrêta devant l'une d'elles. On pouvait apercevoir des formes géométriques mêlées de courbes dans un contraste de couloir froides et chaudes à dominance de bleu et de jaune. Freddie regarda la peinture avant de déclarer à Roger d'un air philosophique sans détacher ses yeux de l'œuvre :

— Les femmes sont comme les peintures modernes. Tu ne peux pas les apprécier si tu as essayé de les comprendre.

— C'est bien vrai !

Ils échangèrent un regard complice et éclatèrent de rire. Cela faisait du bien de passer un moment tous les deux en oubliant leur malheur.

Freddie poursuivit sa découverte de la galerie, avançant jusqu'à ce qu'une autre toile retienne son attention. Elle représentait un jeune homme assis à son bureau, une plume à la main, sans doute en train de rédiger une lettre. Ce qui retint l'attention de Freddie était en vérité son visage : ses traits exprimaient une grande tristesse comme il ne l'avait jamais vue représentée. Ce garçon, qui devait être gouverné par Louis XIV ou par Charles 1er, pouvait très bien écrire une lettre à son amant pour lui annoncer une terrible nouvelle qui mettrait leur couple en péril, quelque chose d'aussi terrible que la peste ou  n'importe quelle autre maladie mortelle de l'époque.

La peinture pouvait raconter mille et une chose, mais peu importait son histoire, ça lui parlait. Le pianiste sentit les larmes lui monter aux yeux face au talent de l'artiste. Il songeait à acheter le tableau quand un flash l'éblouit. Il se retourna brusquement et vit un photographe à trois mètres de lui.

— Vous n'avez pas le droit ! Je refuse qu-

Un autre flash coupa sa phrase. D'autres photographes arrivèrent, suivis d'un torrent de journalistes.

— Freddie !

— Freddie, les rumeurs sont-elles vraies ?

— Mr Mercury, êtes-vous atteint du SIDA ?

— Freddie !

— Freddie !!!

La clameur des journalistes devint bientôt si forte qu'il ne pouvait plus entendre intelligiblement ce qu'ils disaient. Et ce n'était pas plus mal. Les flashs l'éblouissaient et il avait mal à la tête. Il se sentait en déséquilibre. Comme s'il se noyait dans une piscine et qu'il essayait en vain de garder la tête au-dessus de la surface.

Roger vit sa détresse et accourut pour le prendre par l'épaule et l'emmener loin du vacarme. Sauf que les journalistes les suivaient. Freddie reprit ses esprits et accéléra le pas. Roger le lâcha pour sauver les apparences. Ils pouvaient voir la sortie. Freddie dévala les marches. Il y était presque. Plus que cinq marches. Mais dans la précipitation, sa cheville se tordit et il tomba au sol. Une pluie de flashs et de question le paralysa. Heureusement, Roger le releva quelques secondes plus tard avant de se retourner, furax, vers leurs assaillants.

— Il ne répondra à aucune question ! Foutez le camp !

Les cris et les flashs redoublèrent d'intensité et le batteur raccompagna Farrokh jusqu'à la voiture.

— Putain de journalistes ! s'exclama Roger une fois au volant.

— Si ce n'était que ça... répondit Freddie en repensant au tableau qu'il n'avait pu acheter.

Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant