36. Péché

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31 Avril 1980

Freddie étant parti en Suisse pour des raisons qui lui échappaient, Paul se retrouvait seul. Il continuait de vivre sa vie en invitant des inconnus à faire la fête chez lui et le chanteur, et il sortait fréquemment. Il se demandait néanmoins pourquoi Freddie était parti. Il ne comprenait pas, mais ne pensait pas être la raison de son départ.

Le moustachu faisait tout pour que Freddie se sente parfaitement bien, il y consacrait tous ses efforts depuis maintenant quelques années. C'était lui qui avait veillé à ce que la réalité n'affecte pas trop le pianiste en le coupant du monde, lui qui faisait en sorte qu'il ne soit jamais seul, lui qui avait consacrés tous ses efforts pour que Freddie soit connu de la scène gay, lui qui lui avait permis d'échapper à ses problèmes avec la drogue. Paul avait tout fait pour être au plus proche de Freddie et lui fournir une attention toute particulière en s'occupant de lui : il avait atteint son but.

Depuis son adolescence, c'était ce dont il rêvait. En étant sobre, ça lui arrivait souvent de se rappeler pourquoi il en était là aujourd'hui.

Cela remontait à l'époque où il n'était qu'un jeune adolescent catho comme beaucoup d'autres, et il vivait encore à Belfast. À l'époque, il était déjà très sociable et invitait beaucoup d'amis chez lui en douce. Ses parents étaient des gens assez stricts et éprouvaient le besoin d'approuver toutes les fréquentations de leur fils, ceux qui ne correspondaient pas aux critères passaient par la fenêtre de la chambre du jeune Paul. Il lui semblait que ses parents avaient du flair, car pratiquement tous ces garçons qui devaient venir clandestinement entretenaient une liaison plus qu'amicale avec lui.

Mais un jour, ça ne se passa pas comme prévu. Paul se dirigeait vers la fin de son adolescence, presque adulte et il avait commencé des études supérieures bien qu'elles ne lui réussissent pas. À cette époque, le jeune homme n'avait pas encore de moustache et coupait ses cheveux auburn très courts. C'était le début d'une soirée comme une autre, Paul était en train de s'apprêter dans sa chambre en attendant son amant du moment pour lequel il voulait se faire beau, et ne s'attendait pas à ce que la suite des évènements soit décisive pour son avenir et bouleverse sa vie à jamais.

Le garçon était venu avec quelques minutes de retard suite à quelques imprévus dont Paul se souvenait encore : la mère du jeune homme faisait le souper dans la cuisine et il avait dû attendre qu'elle aille aux toilettes pour pouvoir s'éclipser discrètement, ensuite, il avait croisé le père de Paul dans l'allée et avait dû se cacher derrière un buisson en attendant qu'il parte avant d'enfin pouvoir escalader la façade de son amant.

Les deux jeunes hommes avaient à peine pris le temps de se dire bonjour. Cela faisait trop longtemps qu'ils n'avaient pas eu de contact et tout deux languissaient depuis des semaines rien qu'à l'idée d'en avoir. Ils s'étreignirent pendant de longues minutes avant de s'embrasser langoureusement.

À bout de souffle, ils brisèrent le baiser quelques secondes plus tard en souriant et pouffant. C'était la première fois que l'autre garçon, Dick embrassait quelqu'un. Paul commençait à avoir l'habitude, mais ça lui faisait plus d'effet qu'à l'accoutumée. Aujourd'hui, il regrettait souvent cette sensation qui s'était dissipée avec le temps.

Dick le regarda intensément et Paul sembla voir une flamme s'allumer dans son regard, il ne l'avait jamais vu si heureux. Dick se jeta soudainement au cou de Paul en enroulant ses mains autour de sa nuque pour un autre baiser encore plus passionné que le précédent. Celui-ci dura de nombreuses minutes en se brisant une seconde de temps à autres pour que les deux garçons puissent reprendre leur souffle. Leurs langues exploraient mutuellement leurs bouches et Dick commença à déboutonner la chemise de Paul en caressant son torse et en le palpant de ses mains, toujours envoûté dans l'interminable baiser qui semblait avoir l'éternité devant lui.

Paul attendit quelques minutes avant de ne s'occuper à son tour de la chemise de son amant qu'il ouvrit plus sauvagement que lui, arrachant presque les boutons. Il poussa Dick qui trébucha sur son lit en rigolant et Paul recolla ses lèvres aux siennes tout en dirigeant ses mains vers la braguette du garçon qu'il s'apprêtait à ouvrir quand la porte s'ouvrit.

Il se détacha de Dick et tourna instantanément son visage blanchi par la peur et la surprise. Cela devait être sa mère qui était venue le chercher pour le souper comme d'habitude, il n'avait pas pensé à regarder l'heure. Mais il s'agissait de son père. Contre toute attente, c'était lui qui était venu le chercher. Il avait fallu que ça tombe ce soir-là alors que ça n'arrivait jamais.

Dick ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passait et souriait bêtement au père de son amant qui s'approchait. Celui-ci saisit la ceinture de Dick qui pendait sur le coin du lit et le frappa avec. Dick poussa un gémissement de douleur et resta figé jusqu'à ce qu'un nouveau coup de sa propre ceinture ne vienne tinter sa peau de bleu et de violet.

Il réagit enfin et attrapa sa chemise qui perdit deux boutons dans l'élan, avant de ne s'enfuir en courant, poursuivi par le père de Paul. Les larmes montèrent aux yeux de ce dernier qui devait bien vite les sécher et trouver une explication digne de ce nom qui expliquerait pourquoi il était torse-nu à défaire la braguette d'un garçon également torse-nu en écartant l'homosexualité qu'il ne pouvait assumer. Il n'eut même pas deux minutes avant que son père ne revienne dans sa chambre lui asséner une gifle monumentale.

— Que faisais-tu avec ce garçon ? demanda-t-il d'un ton particulièrement sec. Pourquoi tu l'embrassais, hurla-t-il en lui donnant une autre gifle encore plus violente que la précédente.

— Je.. Je... Je voulais.. juste essayer, mentit Paul complètement terrifié.

— C'est un horrible pêché ! une autre gifle vola. Dieu a créé l'homme et la femme, ce n'est pas pour repousser la nature en expérimentant des choses ignobles !

Ce qui c'était passé ensuite restait flou dans la tête de Paul, il se souvenait juste avoir reçu une pluie de gifles et la suite avait été si terrible qu'il avait préféré l'oublier. Mais il savait que sa mère l'avait emmené à l'église se confesser le soir même.

Il se souvenait aussi que c'était à ce moment-là qu'il avait enfin trouvé sa voie. Il était persuadé que son père préférerait qu'il meure plutôt que de le laisser être qui il était. Alors, Paul s'était juré de vivre de son homosexualité et avait fait ses valises pour migrer à Londres dès le lendemain. Le jeune homme était bien décidé à montrer à son père qu'il allait devenir quelqu'un malgré le fait qu'il soit gay, et même grâce à ça.

Quand il a vu Freddie Mercury au Ten Bells pour la première fois, il a eu une révélation. C'est à ce moment qu'il a compris qu'il devait exaucer ses moindres désirs et entamer une liaison avec lui en espérant rendre le chanteur suffisamment heureux de l'avoir à ses côtés, pour lui aussi, bénéficier de son argent et de sa célébrité. Il avait trouvé le moyen de devenir quelqu'un et il comptait bien s'occuper de Freddie ; c'était l'homme qu'il devait aimer.

Lui et Paul pensaient s'aimer, mais en réalité, ils n'étaient pas amoureux. Ils n'avaient ressenti de sensation semblable qu'au contact de Roger et de Dick. Cependant, ils ne semblaient pas près de s'en apercevoir de si tôt.

Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant