19. Magnifico

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1 Septembre 1975

Le groupe avait enfin commencé l'enregistrement en studio. Brian, assez mal à l'aise, chantait les chœurs en grimaçant. Il avait fallu beaucoup de persuasion pour qu'il accepte de le faire. Freddie avait extériorisé une grande partie de sa rage envers les gens en écrivant la chanson en question : "Death on Two Legs". Les paroles étaient extrêmement acides et crues. Freddie lui-même les trouvait particulièrement violentes, mais justes. Elles lui avaient été inspirées des tous débuts du groupe. Quand le public se moquait de ses tenues de scènes, radotait sur son teint halé, lui lançait des choses au visage, ou à défaut de bien viser, sur ses amis. Mais bientôt, ce serait fini. Il savait que la chanson ferait des ravages, surtout sa mystérieuse dédicace à côté du titre, et il en jubilait déjà. Brian, en tant que gentleman, éprouvait beaucoup de difficultés à faire franchir des mots si durs de ses lèvres, mais lui aussi en avait bavé, et n'était pas vraiment contre le projet. Fred' voulait absolument que ce soit ce morceau qui ouvre l'album. Les autres, à part Roger qui adorait l'idée, le trouvaient trop excessif et la plupart avait même voulu modifier les paroles. Freddie le prenait vraiment très à cœur, il voulait absolument atteindre les plus hautes notes, et pour ça, il avait mis le son si fort qu'il avait la sensation que ses tympans explosaient un peu plus à chaque notes pour que le sang qui s'en écoulerait lui passe par la gorge afin d'être recraché en même temps que les cyniques paroles. (Peut-être un peu violent comme comparaison ? Si c'est le cas  désolé)

Les jours avançaient et Freddie réussit à convaincre le groupe d'enregistrer sa chanson, The Cowboy Song, rebaptisée Bohemian Rhapsody. Personne ne se sentait tout à fait sûr de vouloir le faire, mais le chanteur semblait si convaincu de sa création que lui en refuser la réalisation relevait de l'impossible. Il s'agissait d'un single opératique en trois parties tout à fait distinctes et aussi complexes les unes que les autres.

Farrokh observait son bien-aimé à travers la vitre du studio, une brosse à cheveux posée sur la console de mixage juste en face de lui, un pot de vernis fraîchement utilisé dans le fond de la pièce en témoignage de sa récente manucure. Roger, qui enregistrait le début des chœurs opératiques par lesquels il fallait commencer (leur complexité demandait beaucoup de place sur les bandes) chantait toutes ses tripes, et n'était pas au bout de ses peines. Il était toujours de corvée pour les falsettos, sa voix étant la plus aiguë. Freddie en attendait beaucoup de lui et s'il ne lui avait pas fait hurler des Galileo pendant des heures, il ne présentait pas la moindre petite exigence. Le batteur se plaignait constamment, ce qui était compréhensible, et le pianiste en voulait toujours plus.

Ils faisaient une pause de temps en temps, un roadie bien attentionné passait dans le coin à celle-ci.

— Quelqu'un veut un thé, un café ? demanda-t-il.

Presque toute l'équipe réclama l'une des deux boissons.

— C'est sympa mec, mais il me faut bien une bière pour me remettre de cette merde. J'en ai carrément une remontée testiculaire !

— Okay Rog'. Vous n'êtes pas vraiment sensé boire pendant les séances de travail, surtout le matin, mais je peux faire une exception pour toi, répondit son sauveur avec un clin d'œil tout en ricanant à la plainte du musicien.

— Freddie ? Paul ? Vous voulez quelque chose ?

Les deux hommes étaient en grande discussion et n'avait même pas remarqué la présence du roadie.

— Oui, merci. On va prendre un café.

— Ça roule, Paul. Fred'?

— Aussi ! répondit Paul à la place de ce dernier qui aurait préféré un thé.

Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant