Love Cannot Die

43. Passion

Le groupe était réuni en studio. Deaky cherchait de nouvelles idées pendant que Brian, Roger et Freddie n'étaient présent que de corps, l'esprit ailleurs.

John ne trouvait rien, il n'arrivait pas à se concentrer, ses pensées se tournaient automatiquement vers Veronica qui portait son quatrième enfant. Les trois autres ne cherchaient pas réellement l'inspiration, trop occupés à penser à leurs albums solos.

C'était la deuxième fois qu'ils se voyaient sans qu'aucune proposition musicale ne voie le jour. Était-ce la fin de Queen ?

— Bon. Les gars, vous êtes avec moi ? demanda le bassiste au bout de sa patience

— Oui, répliqua Roger d'un ton désintéressé avec insolence.

— Ouais, soupira John. Ça fait des semaines qu'on ne fout plus rien, commença-t-il en se levant de sa chaise. On reste assis autour d'une table sans rien faire parce qu'on n'accorde plus autant d'importance à la musique. Queen est en train de mourir.

— Donne lui un baiser, ça la réveillera peut-être, rétorqua Freddie avec humour pour l'exaspération de son interlocuteur.

— Je suis sérieux. Depuis quand le reste passe avant la musique ? Elle est où l'époque où nous étions quatre pauvres musiciens sans un sou qui donnaient tout pour la musique ? L'époque où on vivait dans un taudis sans chauffage pour économiser et enregistrer un album ? L'époque où nous dédions chaque instant de notre vie, chaque seconde, à la musique ? L'époque où on se surpassait pour faire découvrir de nouvelles sonorités et où on travaillait la même chanson pendant des mois pour arriver à la perfection ? L'époque où rien ne comptait plus que le groupe ?

La voix de John faiblissait. Les trois autres avaient légèrement baissé les yeux, coupables, ne voulant pas accepter la vérité. Des larmes montaient aux yeux du bassiste qui aimait son groupe. Alors que Freddie croisait son regard, il reprit son monologue.

— Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui on y arrive plus ? Pourquoi on reste planter là à se tourner les pouces ? Pourquoi on s'amuse plus en composant tous les quatre dans un garage comme au bon vieux temps ?

— Peut-être qu'on a besoin d'un break ? suggéra le chanteur.

— C'est peut-être bien de se séparer pour retrouver notre passion pour la musique, chacun de son côté, l'appuya Roger.

John ressentait une profonde détresse, il n'en croyait pas ses yeux. Comment Freddie pouvait-il renoncer à l'œuvre de sa vie pour un projet solo ? Le pianiste était l'homme le plus passionné que John ait jamais pu rencontrer au cours de sa vie, et même lui voulait faire une pause. Il ne put s'empêcher d'accuser Paul. Ce n'était plus le Freddie qu'il avait rencontré en mille neuf cent soixante-dix depuis sa rencontre avec Prenter. Il y était forcément pour quelque chose.

— Donc, si je comprends bien, vous avez de l'énergie et de la passion à consacrer à votre carrière solo, mais pas à Queen ? Le groupe qui représente toute notre putain de vie ! résuma John fou de rage.

— Parfois, il faut voir plus grand.

— Plus grand ? Grand comme le fric qu'ils te donnent ? T'es payé combien pour faire ça, Freddie, hein ?

— C'est pas important. Ce qui est important, c'est qu'on a besoin d'une pause. J'ai déjà signé le contrat, de toute façon, c'est trop tard.

— Et toi, Roger ? Pourquoi tu tiens tant à ta propre carrière ? Le groupe ne te suffit plus ?

— J'ai besoin de m'épanouir, de faire de la musique comme je l'entends. Et tu te demandes encore pourquoi on a perdu la passion ? Queen a toujours été un frein à la créativité ! Vous n'avez jamais reconnu le potentiel de mes chansons à leur juste valeur...

— Et toi Brian ? Dis quelque chose, l'incita John la gorge serrée, le suppliant presque.

Mais le guitariste ne répondit rien.

— Alors, plus personne n'en a plus rien à foutre de Queen ? demanda le bassiste.

Il ne reçut aucune réponse. Personne ne voulait admettre de vouloir abandonner le groupe quelque temps. Bien sûr, on ne reforme pas un groupe à quarante ans, ce n'était pas une séparation. Mais les musiciens avaient besoin de se ressourcer à l'essentiel, loin de l'industrie musicale et de la célébrité qui les bouffaient de l'intérieur.

John ne comprenait pas leur réaction et partit en claquant la porte, à bout de nerf. Les prochaines semaines allaient être dures pour tout le monde.