Chapitre 55 : Sororicide

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Le vacarme avait laissé place au silence. Un silence de mort, pour ce royaume à la funèbre dénomination. Malgré ce retour au calme absolu, les tympans d'Ady vibrèrent avec violence et arrachèrent la jeune femme à l'inconscience paisible. Les paupières de la banshee s'écarquillèrent brusquement, pour dévoiler à l'air glacé et irrespirable, des yeux aux pupilles largement dilatées et injectées de sang.

Habité par une panique incontrôlable, Ady sauta sur ses pieds l'instant suivant. Elle abandonna derrière elle, le lit de gravats qui avait amortie sa chute. Il ne fallut pas plus d'une seconde pour que la douleur, endormie jusque-là, se réveille et inonde son corps. Submergée par une indescriptible souffrance, la jeune femme tomba à genoux. Dans le nuage de poussière et d'autres particules malsaines qui l'enveloppa, elle ne pu empêcher son cri de résonner.

La banshee sentit dans sa chair, la douleur de tous ses os brisés, la sensation insupportable de sa peau entièrement recouverte de la couleur violacée des ecchymoses.
— Je dois me relever, Aurore pourrait revenir... chuchota Ady, suffocante, autant à cause de la douleur que de la poussière omniprésente.

Les gémissements de la jeune femme s'élevèrent dans le grenier saccagé de Sélina. À la seule force de sa détermination, Ady redressa peu à peu le dos, remonta sur ses jambes. Elle ignora la douleur qui parcourrait la moindre de ses fibres. Bien qu'elle ne pouvait retenir ses membres de trembler, elle avança, clopinante, sur le parquet usé. Dans l'air sombre et troublé, elle marcha, d'un pas après l'autre en direction d'un point de lumière flou, perçant le mur de pierre épais.

Plus elle approchait de ce mur porteur, coupant la bâtisse en deux dans le sens de la largeur, plus son ventre se nouait et lui prédisait une sombre révélation de l'autre côté de cette paroi. La lueur terne et grisâtre qui se diffusait dans l'air saturé, était plus forte à chacun de ses pas, plus forte qu'elle ne devrait l'être, trop intense pour venir de l'autre côté du grenier comme elle s'en souvenait. Ady poursuivit sa progression. La fébrilité s'ajoutait à la douleur pour faire trembler la moindre fibre de son corps.

Le vent extérieur ne tarda pas à faire sentir son souffle glacé sur la peau de la banshee. Il emportait avec lui les particules irrespirables et libérait la vue de ce voile brumeux qui n'avait pas quitté la jeune femme depuis sa sortie de l'inconscience. Sur ses iris sombres, se dessinait lentement une vision d'apocalypse. Ce n'était pas le mur porteur qui enfermait cette partie du grenier, mais une partie de la charpente qui s'était affaissée.

L'épais mur de pierre, lui, était effondré pour toute sa partie centrale et ne culminait pas à plus de deux mètres à ses extrémités. Au-delà de cette limite en revanche, il ne restait plus rien de l'illustre demeure des sorcières de la famille de Sélina. Le bois de la charpente avait été pulvérisée, il n'en restait qu'une fine poussière, balancée par le vent entre les gravats. Les pierres s'étaient fendues en plusieurs morceaux pour la plupart, tandis que certaines semblaient même avoir fondue, avant de pleuvoir sur le sol.

La bâtisse ancienne, refuge d'Ady, n'était pas la seule à avoir subit des dégâts. Les arbres du terrain étaient déracinés et jonchait l'herbe rase. L'une des maisons voisines, de l'autre côté de la ruelle, avait également vue son coin nord-ouest se répandre sur l'ancienne petite place qui la bordait.

Ady avait beau plisser les yeux, forcer son regard, elle ne trouvait trace de sa sœur dans les décombres.
— Non, chuchota-t-elle. Aurore est peut-être déjà de retour dans le monde des vivants !
La banshee avança d'un pas de plus vers ce mur fait par la charpente et qui plongeait ensuite dans les entrailles de la demeure. Son pied se posait à peine, mais déjà le vieux parquet hurlait. Les planches cédèrent dans un grand cri et la jeune femme passa au travers du sol fragile.

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