Chapitre 14 : Surveillance

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Les doigts de Sélina se serrèrent autour de son crâne, dissimulés sous sa longue chevelure blonde. Toutes l'anxiété contre laquelle elle luttait depuis qu'elle avait obtenu les dossiers de l'enquête, la submergèrent brutalement. La respiration essoufflée, le cœur battant à toute vitesse, la femme enceinte avait l'impression que le plafond allait s'effondrer sur elle, que la terre allait s'ouvrir pour l'engloutir dans ses abysses sombre.

La jeune sorcière se leva vivement, elle fit quelques pas dans la pièce tout en prenant de grandes inspirations. Peu à peu, le tourbillon d'émotion qui prenait place en elle s'atténua, sans disparaître, mais lui permettant tout de même de réfléchir clairement.

— Réfléchit Sélina, se chuchota-t-elle à elle-même. Il n'y a aucune banshee dans le village, autre que Ady et il est certain qu'elle n'est pour rien dans ces agressions, elle n'était même pas présente dans le village lors des deux premières, puis quand bien même, jamais elle ne ferait de mal à qui que ce soit... Comment une banshee aurait pu entrer dans les maisons des deux dernières victimes, toutes les ouvertures étaient fermées et aucune trace d'effraction n'a été retrouvée. Je vois pourquoi les autres semblent penser à Charlotte, cela expliquerait comment l'agresseur est entré ainsi que l'obscurité qui enveloppe les agressions, mais je ne pense pas que ce soit elle non plus, c'est quelqu'un d'autre, autre chose, je le sens, souffla-t-elle en s'arrêtant devant la fenêtre du salon donnant sur la rue.

Le bleu regard de Sélina balayait la grande rue du village et les toitures irrégulières, empreint d'une insidieuse crainte, d'une angoisse comme elle n'en avait encore jamais ressenti à l'égard de ses précédents ennemis.

***

Le soleil abandonnait lentement le village de campagne à la nuit et à son obscurité glacée et inquiétante, que le faible éclat blafard d'un mince croissant de lune, ne parvenait à rendre plus supportable. La douce pénombre s'installait dans la chambre de Reyna, dont la vitre de la fenêtre était voilée de buée. À la délicate lumière blanche de la lampe de chevet, les visages d'Ady et de Reyna se dévoilait au milieu des draps.

— J'arrive pas à croire qu'on a passé toute l'après-midi dans ces draps, ça a paru si rapide, souffla Reyna, dont les doigts caressaient délicieusement l'épaule de la banshee.
— J'aurais aimé que ça dure toute la nuit aussi, mais je dois partir... murmura Ady, son sombre regard plongé dans celui tout aussi sombre de la protectrice des insectes.
— Je sais, ce que tu as à faire est bien plus important que le reste.
— Merci, susurra la banshee.

Ses doigts glissèrent sur le visage de la jeune femme d'origine vietnamienne et dégagèrent une mèche de ses cheveux noirs derrière son oreille. Ady resta obnubilée par le magnifique regard rieur de Reyna, mais elle parvint tout de même à s'arracher aux draps et à se vêtir à la hâte.
— On s'appelle, lança-t-elle avant de quitter la chambre et de s'engouffrer dans la nuit froide.

Ady frappait le goudron de la rue de la rivière de ses pas pressés. Elle remonta la voie cabossée qui conduisait aux rives du violent cours d'eau, arriva sur la place de l'église au bord de laquelle se dressait l'immeuble de Mélissa.

La jeune femme entra de le bâtiment ancien rénové, sans s'apercevoir du regard que posait sur elle, Aurore, depuis l'ombre aussi sombre et profonde que le néant, que lui offrait l'imposant bâtiment religieux.

— Désolée de te t'embêter encore, tu es surbookée avec tout nos problèmes et Sélina qui ne peut pas s'en occuper, déclara Ady en entrant dans l'appartement de la serveuse.
— Non, ce n'est rien, j'aime bien rendre service, je ne vois pas ça comme un fardeau, mais comme une chance de pouvoir aider grâce à mes dons. C'est ce pour quoi la sorcellerie existe après tout, malgré toute les évolutions au cours du temps, la volonté première était de soigner, d'aider, ou de protéger ce qui en avait besoin.
— Malheureusement, certaines adeptes n'ont voulu que s'accaparer toujours plus de pouvoir, sans aucune considération pour ceux qui les entourent...
— On va tout faire pour réparer ce qu'Élisabeth t'as fait.
— Merci, avant qu'on commence, est-ce que le rituel que vous avez fait hier à permis de savoir si l'ombre était toujours présente en Charlotte ?
— Et bien, oui, il semblerait que l'ombre soit toujours là, en revanche, je ne peux pas dire si l'ombre a déjà pu prendre le dessus sur elle et la faire commettre ces agressions.
— Donc, on est encore au même point, on a aucune idée de qui on doit combattre.
— Non, confirma-t-elle. Mais on va trouver, qui que ce soit, il prend de plus en plus de risque et il finira par faire une erreur.
— Je l'espère.

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