Chapitre 39 : Sombre Place

38 6 2
                                    

Tel le grondement du tonnerre en plein cœur d'une nuit jusque-là paisible, la porte d'entrée de la demeure de Sélina claqua brusquement à en faire trembler les épais murs de l'illustre bâtisse. La douce chaleur de l'intérieure enveloppa les épaules de Mélissa et de Reyna et réchauffa leur peaux glacées par l'air de cette fin d'automne.

— Des traces de Charlotte dehors ? demanda Rachel en se levant du canapé sur lequel elle était assise avec Sélina.
— Non, aucune, ni de personne d'autre d'ailleurs, le village est absolument désert, répondit Reyna. Il semblerait que la brume obscure qui recouvre la forêt a dissuadé les villageois de sortir de chez eux.
— Ils commencent enfin à prendre conscience des dangers du monde dans lequel nous vivons... opina l'ancienne nymphe.
— Où sont passés les autres ? demanda Mélissa alors qu'elle reprenait sa place à la table du salon, un grand bol rempli de sable posé devant elle.
— Pauline et Tyméo sont montés à l'étage voir Valentin et Jonathan prend une douche.
— Et Aurore ? intervint Reyna, balayant la pièce du regard.

Rachel resta silencieuse un instant et regarda autour d'elle.
— Euh... Je ne sais pas où elle est, peut-être dans sa chambre.

Depuis le canapé du salon, les bleus iris de Sélina fixèrent Mélissa avec tant d'insistance que la sorcière des sables ne pu l'ignorer. Les mots n'étaient pas nécessaire pour comprendre ce que la femme enceinte sous-entendait, mais la serveuse du bar ne voulait y croire. Ce n'est que de longs instants plus tard, que la voix de Rachel l'arracha à ses réflexions troublés.

— Mélissa, tu vas pouvoir retrouver Charlotte avec ce sable ?
— Oui, répondit-elle d'une voix hésitante en détournant brusquement son regard de Sélina. Mais pour que ça marche il faut que je purifie une partie du sable. Tu aurais de l'eau bénite et un grand bol ou un saladier en verre ? Ah et il me faudrait un cierge aussi.
— Très bien, je vais te chercher ça.

Rachel disparue en un instant dans l'embouchure de la cuisine. Au fond du salon, Sélina tenta de se lever du canapé, mais ses bras fins et tremblants ne furent pas suffisamment fort pour la soulever de l'assise et la firent retomber sur le cuir brun matelassé. Témoin de la scène quelque peu pathétique, Reyna se hâta de rejoindre la femme enceinte et l'aida à se lever.

— J'en ai marre d'être aussi énorme, je suis bonne à rien...
— Arrête, tu t'apprêtes à faire la plus belle chose qui soit, donner la vie !
— Je ne suis pas sûre que ce soit très judicieux de faire naître un petit être innocent dans le monde dans lequel on vit.
— Ne dit pas ça, on va arrêter Charlotte, la libérer de cette ombre !
— Quand bien même on y arriverait, à quelle prix y parviendrons-nous ? Et qu'est-ce qui nous frappera ensuite ?

Reyna resta sans voix face au pessimisme de son amie, jamais elle n'avait entendu de telles paroles dans la bouche de la sorcière. Depuis qu'elle avait rejoint le groupe, c'était Sélina le pilier, c'était Sélina qui donnait aux autres la force de surmonter les obstacles sur leur chemin.

Sélina retira son bras des épaules de la protectrice et prit place à la table, face à Mélissa. Rachel ne tarda pas revenir de la cuisine, son retour convainc Reyna de s'assoir elle aussi. L'ancienne nymphe déposa devant la sorcière des sables, un saladier en cristal, le verre à la transparence légèrement blanchie par le plomb, était décoré sur sa parois extérieur de motifs géométriques ciselés dans la matière. Une bouteille en verre rejoignit le récipient, celle-ci arborait sur l'une de ses face, une vierge opalescente en relief.

Rachel contourna la table afin de rejoindre le vaisselier et y prit une bougie et une boîte d'allumettes.
— Merci, entonna Mélissa. Commençons maintenant, nous avons déjà perdu suffisamment de temps.

La sorcière des sables retira précautionneusement le bouchon de la bouteille, évoquant une colombe stylisée et versa une généreuse quantité d'eau sacrée dans le saladier. Par poignée, elle plongea dans le récipient cristallin, le sable devenu blanc dans bol en terre et s'arrêta lorsqu'il ne resta plus que le fond devenu noir charbon. Elle reversa alors le contenu restant sur la table. Un minuscule monticule aplati se forma devant elle.

SorcellerieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant