Chapitre 1 : Aurore

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— Tu... tu es... enceinte ? peina à articuler Jonathan. Comment ?
— Tu sais comment on fait les bébés ! rétorqua Sélina d'une voix grave, les doigts serrées autour d'une tasse de thé fumante.
— Bien sûr, reprit-il sèchement. Je voulais dire comment ça a pu arriver ? Tu étais très prudente quand on était ensemble.
— Eh bien, commença-t-elle, incapable de regarder le jeune homme dans les yeux. Après la mort de Rachel, le retour et le départ d'Alyce, j'étais... J'avais juste besoin de réconfort et je n'ai pas pensé aux conséquences, chuchota la sorcière.
— Est-ce que c'est pour ça que Derek est parti ?

Sélina baissa les yeux un instant pour poser un regard sur la tasse de thé qui lui faisait face.
— Non, il n'est pas parti pour ça, il n'est pas au courant...
— Tu ne lui as pas dis ?
— J'ai essayer de l'appeler, plusieurs fois, mais il ne me répond pas. Avoir été attaqué par les ombres a vraiment marqué son esprit.

Rachel posa ses mains sur celle de sa meilleure amie.
— Tu dois lui dire Sélina, Derek a le droit de savoir que tu es enceinte, c'est son enfant aussi, opina-t-elle d'une voix douce.
— Je sais et je ne veux pas lui cacher ça, mais il commence tout juste une nouvelle vie, libéré de Morrigan, de Miysis, de moi... souffla la jeune femme les mains plongée dans sa chevelure blonde. Je ne veux pas lui enlever cette liberté qu'il attendait depuis si longtemps.
— Tu ne peux pas savoir pour lui, continua Rachel.
— Je ressayerais de l'appeler, mais je ne peux rien s'il ne répond pas, ce n'est pas le genre de chose que l'on annonce dans un message.

Les mains de Jonathan, nerveusement posés sur la table du salon, ne cessaient de se joindre, de se tordre et de s'éloigner l'une de l'autre.
— Donc tu vas le garder... dit-il tout bas.
— Il est encore tôt pour se projeter vraiment, mais après les dernières années que nous avons vécu dans ce village damné, toutes les épreuves, tous ceux que nous avons perdu... Cette grossesse est la première chose positive qui arrive ici, je ne la vois pas comme un accident, mais comme un signe du destin, un signe que l'obscurité s'est enfin dissipé de notre ciel.

Les bleus yeux de Sélina pouvaient lire sur le visage du policier qu'il attendait toujours une réponse à la déclaration qu'il venait de lui faire. Malgré son désir de lui répondre, elle ne parvenait à mettre ses pensées en ordre dans son esprit encombré de tant de nouvelles préoccupations.

— Je suis désolée Jonathan, tu comprendras que ce n'est pas le moment pour moi d'entamer une nouvelle relation... finit-elle par avouer, honteuse de faire souffrir ce jeune homme si cher à son cœur.

En dépit de tous les efforts que faisait Jonathan pour masquer sa peine et sa déception, celles-ci transparaissaient dans ses pupilles scintillantes à la lumière du lustre du salon.
— Je... Je vais vous laisser, vous devez avoir mieux à faire, lâcha-t-il, dévasté.

Le jeune homme se leva de table et s'engouffra dans l'entrée avec la vivacité du désespoir.
— Jonathan, attends ! l'arrêta Sélina, avant qu'il ne s'enfonce dans l'obscurité nocturne du village.
— Non, ne dit rien... dit-il tout bas. J'ai compris, tu ne m'aimes pas autant que moi je t'aime. Intensément, infiniment...

La porte de l'entrée se referma dans un douloureux claquement dans le dos du policier. De scintillantes larmes naquirent aux creux des yeux azurs de Sélina. Jonathan avait tort, la belle jeune femme l'aimait elle aussi de tout son cœur, de toute son âme, mais il y avait un autre être qu'elle aimait encore plus, un être dont la vie commençait tout juste à grandir dans son ventre.

***

La lune se cachait derrière de sombres nuages de pluie, dans le ciel nocturne du petit village de campagne. Les perles, tombées de la céleste voute obscure, s'abattaient avec force sur les vieilles maisons de pierre, qui avait vue sept mois s'écouler depuis l'annonce de la grossesse de Sélina. Une unique silhouette bravait les intempéries dans la sombre nuit. La pluie ruisselait sur la toile de son parapluie noir et accompagnait de sa musique, le rythme de ses pas sur le goudron de la rue principale.

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