Chapitre 3 : Soif

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Le soleil terminait lentement sa course, illuminant le village de ses derniers rayons rougeoyant en foudroyant les quelques nuages éparses se noyant dans le ciel. La demeure familiale se retrouva plongé dans l'obscure étreinte de la nuit lorsque Sélina et Ady rentrèrent enfin de la forêt. Dès leur arrivées Luna et Jonathan s'empressèrent de venir à leur rencontre.
— Vous êtes rentrée ! Rachel n'est pas avec vous ? demanda la jeune femme aux longs cheveux de la couleur du charbon.
— Rachel n'est plus elle-même, sa partie nymphe a prit le contrôle de son corps, répondit la sorcière froidement.
— Quoi ? Comment c'est possible ?
— La mort de Charles l'a dévastée, elle ne pouvait plus résister, commença Ady.
— Ça a sûrement un lien avec ce dont Alyce nous avait parler, les protecteurs de la forêt. Si seulement elle était encore là, elle saurait comment faire...
— On peut faire des recherches nous aussi, je suis sûre qu'ils en parlent quelques part dans tout les livres qu'il y a ici, se proposa Luna comprenant la douleur de perdre un être cher.
— Merci, souffla Sélina touché par l'attention.
La sorcière était encore épuisée, elle tomba dans les bras de Jonathan, serrant fort le jeune homme contre elle.
— Alyce n'est pas rentrée ? demanda-t-elle dans un chuchotement.
— Tu veux dire si Théodore à ramener son corps ? répondit-il troublé.
— Oui... c'est ça...
— Non, mais la nuit vient à peine de tomber. Il va arriver, j'en suis sûr...
Sélina enfuit son visage dans le cou de son petit ami, quelques larmes coulant de ses grands yeux bleus.
— Tu devrais aller te reposer, tu es épuisée.
— Non, je veux être là quand Théodore arrivera.
— Je viendrais te prévenir...
— Non ! le coupa-t-elle fermement. Je reste ici et j'attends.
— C'est toi qui décide...

L'obscurité régnait désormais dans l'imposant mausolée de pierre avec l'extinction dans un nuage de fumée de la dernière torche. Un froid glacial s'ajoutait à l'absence totale de lumière, mais cela ne dérangeait pas Alyce, ne la dérangeait plus depuis qu'elle c'était réveillé en vampire. La nuit et le froid étaient désormais parties d'elle. Ses yeux, plongés dans le regard de Théodore allongé face à elle sur la pierre de marbre, voyaient comme en plein jour, pourtant rien n'existait à part lui. Sa peau ne sentait pas la morsure du froid, mais les douces mains du vampire, ses doigts glissants délicatement sur ton son corps qui la faisait frissonner.
— La nuit est tombée, je le sens... chuchota-t-elle comme déçu, regrettant la disparition du soleil.
— Avant que tu ne rentres chez toi, il faudrait peut-être que je t'apprenne à te nourrir.
— Ah, j'avais oublié que je devrais boire du sang à présent.
— Tu sais, tu n'es pas obligé de faire du mal à ta proie. Si tu ne prélèves que la quantité de sang dont tu as besoin et que tu lui efface la memoire ensuite, elle n'aura conscience de rien.
— Allons-y !
Alyce déposa un baiser sur les lèvres de Théodore et se leva toujours vêtue de la robe blanche de cérémonie au large décolleté et maculée de sang. La jeune femme arrangea ses très longs cheveux blonds dont quelques mèches c'étaient éclaircies, certaines étaient même devenues blanches, pour cacher les taches pourpres. Ils sortirent ensemble, main dans la main du caveau. Le village était désert, sombre et silencieux en cette nuit froide. Le couple déambula dans les rues à la recherche d'une proie sans jamais croiser âme qui vive.
— Il n'y a personne, ce n'est pas grave je n'ai pas soif, rentrons chez moi, lança Alyce lassé de parcourir les ruelles.
— Crois moi, il ne faut pas que tu rentres chez toi avant de t'être nourris. Tu ne ressent peut-être pas la soif, mais elle est là, dans ta gorge, dans ton ventre et quand tu t'en rendras compte il sera trop tard, tu ne pourras plus te contrôler. Tu pourrais blesser ou même tuer quelqu'un.
— Vraiment ? Ça sera comme ça à chaque fois ? Je... Je ne pensais pas que devenir une vampire ferais de moi un monstre sanguinaire.
— Pour toi je suis un monstre ?
— Non ce n'est pas ce que j'ai voulu dire...
— Pourtant c'est ce que tu as dis, rétorqua-t-il en lui tournant le dos.
— Mon amour, je suis désolée. C'est nouveau pour moi, je pensais que je pourrais me contrôler, contrôler ma soif comme tu le fais si bien, chuchota-t-elle en enroulant ses bras autour du torse du vampire et en posant sa tête sur sa nuque.
— Tu le pourras avec le temps, mais pour l'instant il faut que tu sois prudente, que tu ne laisses pas la soif de sang être trop forte.
Alyce embrassa langoureusement Théodore, il était tellement attentionné avec elle depuis qu'elle était revenue d'entre les morts. Il était tellement beau sous les rayons argentés de la lune, ses cheveux blonds se balançant légèrement au grès du vent, ses yeux verts animés d'un véritable amour.
— J'ai repéré une proie autour de nous, à toi de la trouver, lui lança-il.
— Quoi ? Il n'y a personne, comment veux-tu que je fasse ?
— Ferme les yeux et écoute ! lui répondit-il.
La vampire s'exécuta, les paupières closes elle se concentra sur les sons que ses oreilles percevaient. Elle entendait le vent faire trembler les branches des arbres, siffler sous les toits des vieilles maisons, les battements d'ailes des oiseaux nocturnes chassants de petits rongeurs. Puis un cœur, un pouls fort et au rythme soutenu. Elle réouvrit les yeux, braqua son regard perçant vers la petite maison que sa future victime habitait.
— Là ! Il y a quelqu'un dans cette maison, je dirais un homme d'une trentaine d'années. Il est seul et la fenêtre de sa chambre n'est pas fermée.
— Tu es très douée, la félicita-t-il impressionné.
Alyce s'élança, elle bondit au-dessus du muret de pierre délimitant le jardin et sans faire le moindre bruit, se jeta sur le rebord de la fenêtre du première étage. Elle regarda rapidement à l'intérieur, sa proie, conforme à la description qu'elle en avait faite, venait de quitter la pièce. Elle en profita pour s'introduire dans l'habitation. Le trentenaire était un touriste venu profiter du calme du village à cette saison et était seulement vêtu d'un jogging. Il remontait les étroits escaliers un grand verre d'eau à la main. Après avoir éteint la lumière du couloir, il passa sa main libre sur l'interrupteur de la chambre, mais l'ampoule ne s'alluma pas. Il appuya de nouveau, mais la pièce restait désespérément plongée dans le noir. Un souffle d'air glacé atteignit son corps, fit frissonner sa peau, s'hérisser les poils de ses bras et de son torse. Son regard se posa sur la fenêtre grande ouverte sur la nuit. Il s'en approchait pour la fermer lorsqu'une ombre passa derrière lui, si vite qu'une légère brise lui caressa le dos. Il se retourna instantanément, les muscles bandés, prêt à se battre contre l'intrus, mais il n'y avait personne. Il relâchait ses muscles lorsqu'il sentit des mains froides passer dans son dos, lui tenir fermement les épaules. Il ne pouvait plus bouger alors que des lèvres fraîches se posaient dans son cou, que deux canines pointues se plantaient dans sa peau. La bouche d'Alyce se remplissait d'un délicieux sang chaud, gorgée après gorgée, elle ne pouvait s'arrêter, elle ne pouvait libérer sa proie de ses mâchoires malgré les gémissements plaintifs de l'homme.
— Alyce stop ! intervint Théodore. Tu as bu assez de sang, tu dois le lâcher maintenant !
La jeune femme le regarda dans les yeux, elle lutta, aussi fort qu'elle le pu contre cette part animal, sauvage qui ne voulait que ce délecter du sang jusqu'à ce qu'il n'y en est plus une gouttes dans le corps de sa proie. Elle parvint enfin à desserrer ses mâchoires et poussa le pauvre homme.
— C'était trop dur, j'ai cru que je n'arriverais pas me contrôler, que j'allais le tuer... souffla-t-elle en tombant dans les bras de son petit ami.
— Mais tu l'a fais, tu as réussi. Les prochaines fois ne seront pas aussi difficile.
— Je ne suis pas sûr d'avoir envie de recommencer.
— Tu n'auras pas le choix, maintenant tu es une vampire...
— Il faut que tu apprennes ça aux servantes que nous avons sauvé également.
— Je sais, mais le village est bien trop petit pour autant de vampire, il va falloir partir. Je possède un hôtel particulier en ville, j'avais pensé qu'on pourrait peut-être s'installer là-bas...
— Quoi ? Tu veux qu'on parte ? Qu'on quitte le village ?
— On ne sera pas si loin que ça, puis c'est pour protéger les habitants d'ici.
— Euh, je dois en discuter avec ma sœur...
— Je sais, efface ses souvenirs et rentrons chez toi.
Alyce se retourna vers sa proie, le jeune homme les fixait le regard apeuré, un filait de sang coulant sur son torse.

La poignée de la porte de la demeure familiale s'abaissa. Alyce entra seule, préférant que Théodore l'attende à l'extérieur. Elle s'avança dans la petite entrée, tout était calme, personne ne semblait réveillé. La vampire allait monter à l'étage quand elle entendit la respiration de sa sœur dans le salon. Elle entra dans la grande pièce, Sélina dormait profondément sur le canapé. Elle avait du l'attendre des heures. La jeune femme s'approcha, bien que ses yeux étaient rougies par les larmes, le visage endormi de la sorcière semblait serein, apaisé. Alyce allait avancer sa main pour la réveiller, mais elle s'arrêta, se figea. Elle ne pouvait pas faire ça, elle ne pouvait lui infliger cela. Elle se retourna et sortie de la maison avant de tomber en larmes dans les bras de Théodore.
— Qu'est ce qu'il se passe ? Sélina n'était pas là ?
— Si, mais... elle dormait, je... je n'ai pas eu le courage de la réveiller...
— Pourquoi ?
— Je ne peux pas lui faire ça, peut-être que c'est mieux qu'elle me croit morte, comme ça je ne pourrais pas la décevoir encore...
— Ne dis pas ça, ta sœur t'aime et elle t'aimera toujours quoique tu fasses, j'en suis sûr.
— Non, on va faire comme tu as dis, on va partir en ville avec les autres vampires, commencer une nouvelle vie. C'est mieux pour tout le monde si elle pense que je suis morte, si tout le monde le pensent, fit-elle le corps tremblant.
— Alyce ? C'est vraiment toi ? s'éleva la voix de Sélina dans son dos. Je ne peux pas y croire, tu es en vie... reprit-elle en posant ses mains sur sa sœur comme pour vérifier que ce n'était pas une illusion et la prenant dans ses bras. Ta peau... elle est si froide...
— Théodore a dû me transformer en vampire, sinon je n'aurais pas survécu.
— Rentres, on parlera à l'intérieur.
— Je vous laisse vous retrouver, je vais aller voir comment vont les servantes que nous avons libéré.
Les deux jeunes femmes s'installèrent sur le canapé.
— Je n'arrive pas à croire que tu es en vie, que tu es là devant moi...
— Théodore a sentit que j'allais faire ce sacrifice, peut-être même avant moi, mais il n'était pas sûr alors il a préféré ne rien dire. Il a mélangé quelques gouttes de nos sang à un verre de vin, mais ça n'a pas été suffisant. Je serais quand même morte si Cristal n'avait pas donné sa vie pour me permettre de poursuivre...
— Cristal ? Pourquoi a-t-elle fait ça ?
— Je ne sais pas... Les autres ne sont pas là ?
— ... Jonathan, Ady et Luna dorment, mais pas Rachel...
— Où est-elle ?
— Lorsqu'on est entrez dans le manoir, on a trouvé le corps de Charles. Rachel ne l'a pas supporté, elle c'est enfuie dans la forêt. L'esprit de la forêt qui se fait appeler Silvaya a profité de sa détresse pour prendre le contrôle d'elle. Je pense que ça a un lien avec les protecteurs de la forêt dont tu nous avais parlé, j'espérais que tu saurais comment l'a ramener à nous.
— Je pense avoir un plan, mais avant laisses-moi allez me changer. Je porte cette robe depuis le sacrifice et elle pleine de sang...
— Oui bien sûr, vas-y.
Alyce se leva, sourit à sa sœur et se dirigea vers les escaliers.
— Alyce attend !
— Oui ?
— Rachel, enfin Silvaya a dit quelque chose...
— Qu'est-ce qu'elle a dit ? répondit-elle en se stoppant nette, en évitant de croiser le regard de sa sœur.
— Elle a dit que... que tu avais tué Charles...
— Quoi ? Je... J'aimerais pouvoir te dire que c'est faux, mais je ne me souviens pas de ce qu'il c'est passé après mon entrée dans le manoir... Je me rappel juste de mettre réveillé dans le caveau.
— Je vois...
La vampire disparut derrière la cloison. Elle monta les marches en un clin d'œil grâce à ses nouveaux dons et n'eu pas besoin d'allumer la lumière pour rejoindre sa chambre. À peine la porte de la pièce plongée dans le noir se referma, Alyce s'effondra sur le dur parquet. Elle avait gardé la face devant Sélina et Théodore, mais elle ne pouvait plus faire semblant. La culpabilité était trop grande...
— Menteuse... résonna une voix douce comme un souffle.
— Qui est là ? s'écria Alyce en balayant la pièce du regard.
— Meurtrière... souffla a nouveau la même voix.
— Montrez-vous ! cria-t-elle en allumant la lumière.
— Tu n'as pas compris, ricana la voix. Je suis dans ta tête.
— Élisabeth...

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