Chapitre 42 : Ombres et Lumières

36 7 0
                                    

Regard immobile face à la lointaine fenêtre de son salon, Sélina guettait avidement chaque passage devant les grilles de fer forgées de la demeure familiale. Elle espérait voir le retour tant attendu de Rachel, d'Ady et des autres, sans que jamais ses espoirs ne soient récompensés. Seuls quelques téméraires villageois avaient osé sortir de chez eux en cet sombre matinée, non pas par le temps, mais par l'ambiance pesante, l'atmosphère inquiétante et malsaine. La sorcière les avait vus, petits points engoncés dans d'épais manteaux, leur pas avaient battu le pavé à grande allure.

— Jonathan, aide-moi à me lever, demanda la femme enceinte d'une voix douce, presque un souffle.
— Où est-ce que tu veux aller ?
— Pose pas de question, juste aide-moi ! clama-t-elle en tendant son bras gauche dans sa direction.

Le policier se leva de son siège et s'approcha du canapé. Il prit le bras de la sorcière d'une main et accompagna sa levé en passant son bras droit dans son dos.
— Merci, chuchota la jeune femme.

Sélina se défit des bras de Jonathan et avança d'une démarche pesante et lente, encombrée par son énorme ventre vers la fenêtre du salon.
— Fixer l'extérieur ne les fera pas revenir plus vite, entonna Mélissa depuis un fauteuil à côté du canapé. Puis tu ne devrais pas rester debout dans ton état.
— Je sais, mais je n'en peux plus d'attendre, de ne pas savoir si ils vont bien ou si ils sont déjà tous morts... répondit-elle en se tournant vers son amie
— On connait ce sentiment nous aussi, mais on ne peut rien faire, on doit avoir confiance en eux.

La sorcière reposa son regard sur la rue déserte. Illuminer par un froid soleil, l'imposante église de style romane se dressait toujours de l'autre côté de la voie goudronnée, son clocher bien accroché à son sommet malgré quelques fissures. Une lumière de néon blafarde traversait quant à elle les baies vitrées ternes et tachées du bar du village, que seul l'ombre vagabonde de Didier assombrissait le temps d'un bref instant.

— J'ai vraiment un mauvais pressentiment cette fois-ci... souffla-t-elle le regard dans le vide, repensant au cauchemars qui avait pris possession de son sommeil peu de temps auparavant.

Une grimace déforma brusquement le visage de Sélina alors qu'une violente contraction crispait le bas de son ventre. La jeune femme se plia en deux de douleur, elle s'appuya sur le plateau de bois massif de la table pour se retenir de tomber et serra les dents pour retenir un cri.

— Sélina ! cria Mélissa, se levant dans un même mouvement avec Jonathan.
— Viens te rassoir, lui proposa le policier en prenant le bras de la femme enceinte.
— Non, c'est bon, s'est passé, s'opposa Sélina d'une voix grave qui trahissait pourtant sa douleur.
— C'est la deuxième contraction que tu as en peu de temps, il est plus prudent que tu te reposes, insista Mélissa.
— Je suis juste inquiète et le bébé le ressent, souffla-t-elle tout bas.

La sorcière se dégagea de l'étreinte du policier et traversa le salon pour rejoindre la bibliothèque qui en habillait l'un des murs.
— Essaye de la faire s'assoir, moi je vais lui préparer une infusion pour la détendre, chuchota la serveuse à Jonathan.

Mélissa tapota l'épaule du policier pour lui donner du courage et s'éloigna vers la cuisine.
— Oui bien sûr, c'est à moi de faire faire à Sélina ce qu'elle n'a pas décidé de faire, pendant que madame fait chauffer de l'eau... bougonna-t-il tout bas.

Le jeune homme prit une profonde inspiration et rejoignit Sélina près de l'imposant meuble rustique bondé de livre.
— Je crois qu'il n'y a en plus aucun que tu n'as pas lu.
— Non, c'est vrai, avoua la sorcière. Mais je ne perd pas espoir d'en trouver un qui m'aurait échappé.
— Tu sais, même sans pouvoir, Rachel a de la ressource, il ne lui arriva rien. Puis elle n'est pas seule, ils sont cinq alors que Charlotte est seule.
— Je ne suis pas sûre que les forces penchent tant que ça dans leur faveur.

SorcellerieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant