Chapitre 27 : Annoncement

82 13 0
                                    

Ses paupières battaient lentement sur ses pupilles à la vision brouillée par une étrange lumière. Ses mains glissèrent sur le sol avant qu'elle ne se fige. Ce n'était pas le carrelage glacé du salon qu'Ady sentait sous ses doigts, mais un tapis de feuilles mortes, de mousse et de terre humide. Sa peau frissonna, ses épaules, seulement couverte d'un haut rayé étaient enlacées par un froid mordant. Sa vision s'éclaircit enfin. Elle était dans la forêt, mais tout y était en noir et blanc, tout y était sombre et terne. La banshee se releva lentement, un nuage de vapeur blanche s'échappant de ses lèvres. Il ne lui fallut que quelques secondes pour distinguer l'imposante silhouette du grand chêne, trônant au centre de la clairière. Elle s'approchait doucement lorsque son regard remarqua la présence d'un homme dressé face à l'arbre. Restant dissimulé derrière les arbres entourant l'étendue herbeuse, elle observa l'inconnu vêtu d'une longue cape de mousse, lever les mains devant lui. Un nombre incalculable de champignons de toutes sortes émergèrent alors de terre tout autour du grand chêne.
— Ça suffit Fungos, lança la voix grave et terrifiante de Morrigan se tenant de l'autre côté de la clairière, entouré d'Arachnyd, d'Ellacus et de Valentin ou du moins le protecteur qui le contrôlait, mais dont elle ne connaissait pas le nom. On ne peut pas tuer cet arbre, nous avons besoin de l'énergie surnaturelle qui coule sous son écorce, reprit-elle en s'approchant d'un pas.
Les mains du jeune homme se baissèrent lentement...
— Ady, réveil-toi ! s'écria la voix de Luna qui avait rejoint le salon.
La jeune femme émergea lentement de sa vision et plongea son regard dans celui de sa petite amie.
— Qu'est-ce que tu as vu ? demanda Sélina inquiète.
— Morrigan, elle a créé un nouveau protecteur... souffla Ady en tournant son menton vers la sorcière.
— Non, c'est impossible ! Rachel m'a dit que Silvaya ne pouvait pas contrôler un autre corps ! s'écria-t-elle.
— Ce n'était pas elle que j'ai vu, s'en était un autre, Morrigan l'a appelé Fungos. Il a recouvert le sol de champignons...
— En réalité ce n'est pas si impossible que cela, intervint Luna. D'après les livres que j'ai pu consulter, lorsque l'un des protecteurs n'est plus jugé comme digne de sa fonction par les trois autres et le souverain de la forêt, ceux-ci peuvent créer une autre source de pouvoir et ainsi un nouveau protecteur. Mais pour cela, il faut que le remplaçant soit plus puissant que l'ancien protecteur...
— Je crois que je comprends ce que Morrigan est en train de faire, souffla Mélissa.
— Parle, l'encouragea Sélina.
— Les champignons qu'Ady a vue se rependre sur le sol ne sont que la partie immergée de l'iceberg. En dessous, sous la terre s'est rependu le mycélium. Pour schématiser l'on pourrait dire que c'est comme les racines des champignons, mais en réalité c'est un réseau bien plus complexe. Ce réseau permet aux champignons de se nourrir, de se reproduire et même de communiquer. Mais là, je pense que cela va plus loin, le mycélium de ces champignons doit asphyxier les racines du grand chêne et aspirer son pouvoir...
— Morrigan ne veut pas tuer l'arbre, elle l'a dit elle-même, intervint Ady.
— Le chêne, en plus d'être l'une des sources de pouvoir de la forêt, s'est nourri du sang des sorcières pendants des années. Tant que l'arbre sera en vie, Rachel vivra, souffla Sélina quelque peu rassuré.
Son regard azur se posa sur le visage endormi de sa meilleure amie.
— Luna, tu peux aller chercher Derek, je vais avoir besoin de lui pour porter Rachel jusqu'à sa chambre.
— Je vais rentrer chez moi. Puisqu'il y a une nouvelle source de pouvoir à trouver, je suppose que vous voulez une pierre de plus, proposa Mélissa.
— Oui, merci beaucoup, répondit Sélina en la regardant partir.

Les pas pressé de Jeanne frappèrent le sol pavé de la petite place s'étendant devant la modeste maison de ville qu'elle habitait. Son regard se posa sur la pancarte de plastique indiquant la mise en vente de sa maison. À la lueur du seul lampadaire éclairant la façade de la bâtisse, elle découvrit l'inscription tagger sur la surface scintillante. Tarré était inscrit à la bombe noire sur le panneau posé sur le rebord de la fenêtre du rez-de-chaussée. Jeanne jeta violemment la pancarte sur le sol. Elle passa une main dans ses cheveux secs, aux racines grisonnantes malgré son relatif jeune âge. Elle s'apprêtait à enfoncer sa clé dans la serrure de sa porte lorsque les bruits de pas de quelqu'un s'approchant retentit derrière elle.
— Qui êtes vous ? s'écria la femme en se retournant.
Émergeant de l'obscurité de la place, une jeune femme apparue sous son regard fatigué.
— Mon nom est Charlotte, répondit-elle d'une voix assurée. Je vous attendais Jeanne, j'ai beaucoup entendu parler de vous et de ce que vous avez vécu.
— C'est vous qui avez fait ça ? Ça vous amuse de faire souffrir les autres ! s'emporta-t-elle en pointant la pancarte gisant sur les pavés.
— Je n'ai rien à voir avec ses abrutis analphabètes qui vous harcèlent. Je suis comme vous, je sais ce qu'il se passe dans la forêt.
— Vous ne savez rien jeune fille et vous feriez mieux de rentrer chez vous avant qu'il ne soit trop tard.
— Il est déjà trop tard ! Mon meilleur ami a été massacré par un monstre dans ses bois. Je sais ce que vous avez vu, ce loup énorme qui vous a attaqué et laissé pour morte sur le bord de la route.
— Je ne me rappelle de rien ! répondit-elle sèchement en serrant les dents.
— Si vous vous rappelez, peut-être pas les images, peut-être pas les mots, mais vous vous rappelez la terreur que vous avez ressentie cette nuit là.
— Que voulez-vous ?
— Je veux révéler au monde ce qu'il se passe ici. Je veux que tout le monde sache ce dont nous avons été témoins ! J'ai déjà trouvé deux autres personnes comme nous. La femme d'un homme qui a été tué dans cette forêt alors qu'il campait avec ses amis d'enfances et le frère de l'un d'eux. La police dit qu'ils se sont entretué, qu'ils se sont battus à mort, mais ça n'a aucun sens, quelques choses les a massacrés. Nous avons toutes les deux vues quels monstres peuplent ses bois maudits, peut-être pas le même, peut-être y'en a-t-il encore d'autres...
— Qui nous croirait ? Tout le monde me prends déjà pour une folle.
— Nous trouverons des preuves, ensemble. Il y a des gens qui tentent de cacher ce qu'il se passe réellement, je les ai rencontré. Nous devons mettre un terme à tous ces mensonges !
— Je... je sens encore l'odeur chaude et putride de l'haleine de ce monstre, les grognements sourds s'échappant de sa gueule. Ça me hante toute les nuits et m'empêche de dormir. Je n'ose plus sortir de la journée de peur de voir le regard plein de mépris des autres...
— Ce temps où vous deviez vous cacher est révolu, rejoignez-nous !
— J'accepte, s'exclama Jeanne en serrant la main de Charlotte.

Son regard azur se perdait dans le lointain horizon où naissait les premiers rayons du soleil. Une larme scintillante coulait sur la joue de Sélina.
— Je ne suis pas encore morte, tu sais... souffla Rachel tout bas en émergeant du profond sommeil dans lequel elle était plongée.
Un sourire fugace apparue sur le visage de la sorcière. Sélina détourna son regard de la grand fenêtre de la chambre et vint s'assoir sur le bord du lit.
— Je ne te laisserais jamais mourir, chuchota-t-elle en plongeant ses yeux dans ceux de la nymphe.
Rachel sentait au plus profond d'elle que ce n'était pas des paroles en l'air, elle était sérieuse.
— Est-ce que tu sais ce qu'il t'est arrivé ? reprit Sélina.
— Je... je ne sens plus la puissance presque illimitée qui coulait dans mes veines. Je me sens si faible, fit-elle en se redressant sur son lit.
— Morrigan a créer un nouveau protecteur pour te remplacer. Il s'appelle Fungos et il s'en est prit au grand chêne, il a absorbé son énergie pour être plus puissant que toi.
— Je vais mourir alors, lorsque le chêne n'aura plus d'énergie je... commença en baissant la tête.
— Non, cela n'arrivera pas ! la coupa la sorcière en posant une main sur son épaule. La forêt ne peut pas se passer du chêne et de l'énergie qu'il a tiré du sang des sorcières mortes à ses pieds et Morrigan le sait. On va l'arrêter, libérer Émilie, Pauline et les autres et tu vivras encore une longue vie.
— On ne peut pas la battre, elle est trop puissante...
— Elle est peut-être puissante, mais elle ne peut pas nous tuer. Sans les protecteurs, elle ne pourra rien contre nous.
Les deux amies s'enlacèrent comme si c'était la dernière fois. Des pas pressés frappèrent le parquet du palier en se dirigeant vers la chambre de Rachel.
— Sélina ! s'écria Luna. On a découvert quelques choses qui pourraient tout changer. Il faut affaiblir les sources de pouvoirs de la forêt au plus vite !

La lumière de l'aube perçait à peine l'obscurité de la nuit enlaçant de ses bras l'épaisse forêt. Le lourd silence pesant sur la clairière où se dressait le petit campement fut brisé par les craquements des coquilles des milliers d'œufs beiges tachetés de noirs des corbeaux. Les protecteurs entourèrent Morrigan pour assister à ce spectacle étrange. Sous les regards fasciné des quatre protecteurs, les coquilles craquèrent aux rythmes des croassements suraigües s'échappant du monticule d'œufs. Alors qu'ils s'attendaient à voir s'extirper des débris beiges de petits corbillats, ils furent surpris de voir en faites des corbeaux adultes jaillirent et s'élancer vers le ciel.
— Comment est-ce possible, souffla Aprum les yeux écarquillés.
— Ce ne sont pas des corbeaux ordinaires, mais un peuple millénaire d'homme ayant la capacité de se transformer en corbeaux. Ils n'y a pas de femme, ils ne vieillissent pas, mais ne peuvent se reproduire. Lorsque l'un d'entre eux meurt après un combat, les autres brûlent son corps, pour que de ses cendres ils renaissent plus nombreux et plus forts.
— C'est vous qui avez créer ses abominations ! s'écria Arachnyd.
— Non, je ne connais pas leurs origines. Après que ma propre mère ai interrompu mon rituel, privé de la capacité de tuer et bannit de mon village, je me suis réfugié dans une vieille forteresse abandonnée au sommet d'une colline rocheuse inhospitalière. C'est là que je les ai rencontré. Ils étaient bien moins nombreux, bien plus faibles. Je me suis proposée de devenir leur chef, j'avais besoin d'eux pour exterminer les Félis Noctis et eux de moi pour les diriger. Mais pour cela j'étais trop... humaine. Je devais devenir comme eux, meilleure qu'eux même, du moins en partie, ce que j'ai pu accomplir grâce aux pouvoirs que j'avais reçu de mon rituel.
— C'est pour cela que vous vous nourrissez de cœur, souffla Ellacus.
— L'immortalité n'est pas quelque chose que l'on obtient facilement. Mais assez parlé, maintenant que nous sommes au complet, il est temps d'attaquer.

Assombrissant le ciel matinal au dessus du village, une marrée noire de corbeaux envahissant les cieux empêchaient les rayons du soleil d'atteindre le sol goudronné. Morrigan émergea fièrement de l'obscure forêt, suivit par les quatre protecteurs. Elle leur adressa un regard sans même un mot, ils savaient quoi faire. Fungos s'avança le premier et tendit les bras devant lui. Le goudron craqua bruyamment alors que la végétation s'engouffrait dans les fissures de la route, les agrandissant encore. La première maison du village fut rapidement ensevelie sous un épais manteau de mousse et de champignons avant de s'effondrer avec fracas. D'un geste, Arachnyd envoya une nuée d'insectes et d'araignées prendre possession de la bâtisse en ruine. D'un simple regard, Ellacus fit émerger une source d'eau cristalline du sol tandis que de nombreux animaux se massèrent derrière Aprum
Allongée somnolente sur le canapé du salon, Ady se réveilla en sursaut, le corps trempé de sueur.
— Nous devons appeler Jonathan, il faut faire évacuer le village immédiatement ! s'écria-t-elle.

Hello, je voulais juste vous dire que Vampire's Horde, le spin-off sur la nouvelle vie d'Alyce est posté !!! J'espère que ça vous plaira ;)

SorcellerieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant