Sorcellerie

Chapitre 4 : Condamnation à l'Oublie

Les grands yeux bleus de Sélina parcouraient avec passion les récits effrayants que comptaient H.P. Lovecraft dans l'une de ses nombreuses nouvelles. La jeune femme dévorait ces contes fascinants depuis que sa grossesse la retenait enfermée entre les murs de sa demeure, elle ne s'arracha de sa lecture qu'à l'approche d'Ady. La future mère adressa un large sourire à sa protégée désormais devenue grande.

— J'ai appelé Mélissa, comme tu me l'as conseillé, annonça la banshee. Elle va faire des recherches dans sa bibliothèque occulte.
— J'espère qu'elle trouvera des réponses à tes questions, entonna Sélina d'une voix douce.

La sorcière allait reprendre sa lecture, mais du coin de l'oeil, elle nota que la jeune femme avait autre chose à lui dire. Elle referma l'ouvrage et le posa sur la table basse.

— Je voulais m'excuser pour hier, poursuivit Ady, les yeux baissés. Je n'aurais pas dû proposer d'invoquer Élisabeth, c'est bien trop dangereux.
— Ce n'est rien, la rassura son amie. Je n'aurais pas dû réagir si durement non plus, mais j'ai eu peur.
— Je te comprends, moi aussi elle me terrifie.

On frappa alors à la porte.

— Qui ça peut être, s'étonna Sélina.
— Reste assise, je vais voir.

Ady gagna l'entrée en quelques enjambées et ouvrit la porte. Mélissa apparut dans l'encadrement de pierre beige.

— Je pense avoir trouver quelque chose, ça n'explique pas tout ce que tu m'as raconté, mais je pense que ça t'intéressera.
— Déjà ? s'exclama Ady l'estomac noué. Entre !

Les volutes de fumées blanches s'élevaient des tasses de thés posées sur la table en bois massif du salon et dansaient de l'allégresse de l'éphémère entre Sélina, la jeune serveuse du bar et Ady, pour finalement s'évanouir dans l'air. La banshee à la chevelure de la couleur de la neige, posait sur Mélissa, un regard dans lequel pouvait se lire son inquiétude.

— Je ne m'attendais pas à ce que tu fasse si vite, commença Ady, les mains nerveusement crispées.
— Je suis toujours ravie de pouvoir vous aidez, sans toi, je ne serais plus ici, je serais toujours dans les maudits souterrains de ce village, morte d'épuisement, si tant est que le froid ou la faim ne m'ait pas eu avant.
— Tu ne nous dois rien, chuchota Sélina en posant ses mains sur celle de la sorcière des sables. Et quand bien même, tu nous l'as déjà rendu cent fois.

Mélissa détourna le regard un instant, malgré les mains chaudes et réconfortantes de son amie, un frisson parcouru sa peau au simple souvenir de sa errance désespérée dans les tunnels humides qui serpentaient sous la surface du village.

— Assez parlé de ça, souffla-t-elle.
— Oui, dis-moi ce que tu as découvert, l'encouragea Ady en se redressant sur son siège pour ne pas manquer une seule de ses paroles.
— J'ai fait des recherches et j'ai trouvé un sortilège qui a les effet que tu m'as décrit. Ce sortilège se nomme Mémoria Damnationis, ce qui signifie, condamnation à l'oublie. Ce sort est extrêmement puissant, peu de sorcière sont capable de l'accomplir.
— Élisabeth l'était certainement ! gronda Ady, les mâchoires serrées, elle n'attendait qu'une chose, que Mélissa poursuive.

— Ce sortilège a pour effet d'effacer une personne, un événement ou un objet de toutes les mémoires, mais pas seulement, les mots occultes qu'il contient font disparaitre également toutes les preuves matérielles de son existence. Comme les photos, les effets personnels, les mentions de son noms dans tous les documents officiels.
— Qui Élisabeth a-t-elle pu effacer de nos mémoires ? interrogea Sélina avec un regard à Ady.
— Je ne sais pas, mais elle devait avoir une bonne raison. Ce rituel est hérité des anciens égyptiens, à cette époque, effacer toute mention d'une personne des murs des tombes ou des monuments étaient le châtiment ultime, bien plus cruel que la mort, car il privait le condamné du repos éternel et de la vie après la mort.
— Est-ce qu'il y a un moyen de rompre ce sort ? demanda la banshee pressante.
— Il y a toujours un moyen, mais...