Chapitre 30 : Les Origines d'Éléonore [Partie I]

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Les doigts d'Alyce se refermèrent sur la main glacé d'Éléonore. Elle récita l'incantation, soudain sa vision s'obscurcit, face à elle se dressait un magnifique château de pierre blanche du début de la Renaissance. Une chaude nuit régnait, dans les jardins calme s'étendant devant l'imposante façade sculptée. La sensation n'était pas la même que lorsqu'elle avait utilisé la formule sur Théodore, cette fois elle ne voyait pas au travers des yeux de la vampire, mais était spectatrice de ce qu'il se passait.

— Il y a fort longtemps, je vivais dans un riche et puissant royaume dont mon père était le roi, commença la voix d'Éléonore dans sa tête. Ma mère est morte quelques années après ma naissance. Elle était si bonne et si douce avec moi, j'ai été dévastée par sa disparition. Mon père, lui, a été forcé de se remarié car il n'avait pas d'héritier mâle. Mais il a épousé une sorcière, une vraie une sorcière noire. Tu trouves que cela ressemble à conte pour enfant, mais attend la suite.

Une jeune femme d'une vingtaine d'années marchait sur le sol pavé de dalles de marbre le long d'une petite rivière. Derrière elle se dressait majestueusement les quatre tours et un bâtiment central qui formait le château. Éléonore, uniquement vêtue d'un large manteau de fourrure blanche traînant sur le sol, avançait d'un pas rapide sur le chemin désert en cette nuit sombre du solstice d'été. Quelques torches espacées de nombreux mètres éclairait faiblement le passage de la princesse. La tête baissée, les yeux humides, la jeune femme arriva au bout de l'allée. Devant elle, une petite barque de bois flottait sur l'eau brunâtre de la rivière. Son père était malade, très malade ses médecins ne lui donnaient plus que quelques jours à vivre.

Elle monta sur l'embarcation et rama, s'éloignant de la terre lentement. Porté par le faible courant, Éléonore guida la barque vers un petit bras d'eau, s'enfonçant dans la forêt. Les rives étaient boisées de saule pleureurs dont le bout des longues lianes en cascades trempaient dans l'eau. Les rayons argentés de la lune, qui se reflétaient sur les vaguelettes, faisaient scintiller les petites feuilles des arbres.

Au bout de ce passage étroit, la rivière s'élargissait formant un lac parfaitement rond avec en son centre un magnifique temple grec miniature d'à peine trois mètres de large. L'une des colonnes, celle qui faisait face au bras de la rivière, était la sculpture d'une femme, la mère d'Éléonore. Dans ses mains de marbre blanc, la reine défunte tenait une soucoupe où brûlait continuellement un feu. La jeune femme attacha son bateau à l'un pilier et alla se recueillir auprès de sa mère.

C'était l'endroit préférée de la reine durant sa courte vie et l'endroit où la princesse venait à chaque fois qu'elle n'allait pas bien. Elle se sentait proche de sa mère en ce lieu magique et inaccessible. Près d'une heure s'écoula sans qu'elle n'en ai conscience. D'un coup, son esprit fut tiré de sa rêverie par un bruit provenant de le forêt. Son regard se posa sur les bois sombres, mais elle ne parvenait pas à distinguer la moindre chose dans l'amas de végétation dense.

Éléonore prenait peur, elle détacha la barque du pilier en marbre et s'éloigna du petit temple. Elle n'avait fait que quelques mètres lorsque l'eau commença à crépiter autour de son bateau. Elle se penchait sur l'eau trouble, quand soudain, une main à quatre doigts palmées et terminé de longues griffes s'écrasa sur la rambarde de la barque. La pression fut si forte que l'embarcation chavira. Éléonore tomba dans l'eau verdâtre.

Sa vision brouillée ne distinguait que des formes sombres tournant autour d'elle, comme attendant que l'eau n'emplisse ses poumons pour la dévorer alors qu'elle sombrait. Tout à coup, des bras se serrèrent autour de sa taille et la tirèrent vers la surface. Éléonore croisa le regard d'un magnifique jeune homme, aux longs blonds ruissellant d'eau sous les rayons de la lune. Lui aussi l'a fixa durant de longues secondes, avant de la ramener vers le petit temple. Éléonore avait le souffle coupé, elle ne comprenait rien à ce qui lui était arrivé. Ils n'avaient pas besoin de mot pour se dire ce qu'ils ressentaient, un regard leurs suffisait pour savoir qu'ils éprouvaient tout deux le même amour pur et sincère.

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