Chapitre 28 : Conscience Tardive

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Le dos de Sélina s'appuya contre le meuble de la salle de bain. Les yeux clos et recouverts par ses mains, la sorcière se laissa lentement glisser contre les portes de bois jusqu'à se retrouver en boule sur le sol. Le carrelage froid que sa peau rencontra fit frissonner son être tout entier. Elle resta ainsi, tremblotante comme une fillette, haletante au rythme de ses sanglots.

Pourquoi était-elle la seule à voir un visage machiavélique à chaque regard adressé à Aurore. Et si rien de tout cela n'était vrai et si elle s'était trompée ? Peut-être avait-elle seulement peur de cette inconnue, vivant sous le même toit qu'elle et son bébé.
— C'est seulement dans ta tête, c'est seulement les hormones de grossesse qui te rendent paranoïaque, se répétait-elle pour finir par y croire.

Ses tourments prirent fin rapidement, mais pas de la manière dont elle l'aurait espéré, pas en les surmontant, mais remplacer par une douleur encore plus insupportable. Sélina sentit une crispation dans le bas de son ventre, une nouvelle vague de contraction l'assaillit. D'abord localisée dans son ventre, la brulante douleur inonda son corps tout entier en un instant.

Un grondement pathétique jaillit des lèvres de la femme enceinte, elle referma aussitôt la bouche pour ne pas laisser s'échapper un autre son. La douleur était toutefois si forte, ses lèvres se retroussèrent, ses dents se refermèrent sur ce lambeau de peau et le serra jusqu'à laisser leur empreintes et même faire perler quelques gouttes de sang. La bouche emplie du goût ferreux de l'hémoglobine, Sélina parvint à se calmer après quelques instants et s'employa à faire les exercices de respiration qu'on lui avait enseigné.

La douleur faiblit peu à peu dans les veines de la sorcière. La peau transpirante, Sélina s'arracha à la gravité qui maintenait son corps lourd au sol. Elle ouvrit le robinet d'eau froide au débit maximum et passa sa tête sous le flot d'eau glacé. Elle ne ferma le robinet qu'au dernier moment, pour reprendre sa respiration. La jeune femme chercha sa serviette à l'aveugle et y plongea son visage trempé.

Elle ne retrouva la vue qu'à ce moment et constata avec stupeur comment l'apparence qu'elle voyait se refléter dans le miroir était éloigner de ce qu'elle y avait vu depuis des années. En quelques mois, elle semblait avoir vieillit d'une décennie, des rides apparaissaient désormais au coin de ses yeux et sur front, ses cernes n'avaient jamais été aussi marquées, ses paupières tombaient sur des yeux qui ne lui avait jamais semblé autant enfoncé dans leur orbites.

— Je croyais que les femmes enceintes resplendissaient grâce aux hormones, moi j'ai plutôt l'impression que je dépéris, commenta-t-elle, d'une voix éraillée.

De petit pas en petit pas, Sélina abandonna la salle de bain et se risqua dans les escaliers. Les marches recouvertes de parquet étaient hautes et la pente abrupte, il lui était tous les jours plus difficiles de les emprunter et ce malgré la rampe qu'elle serrait constamment dans sa main.

Sous la lumière jaunâtre du plafonnier poussiéreux de la cuisine, Rachel tournait une cuillère en inox dans le café fumant. Un tourbillon s'était formé au centre de la tasse, toute la pellicule mousseuse de la boisson s'y était accumulée. Dès l'arrêt de son mouvement, le vortex faiblit et la mousse doré nappa de nouveau la surface noire du café.

L'ancienne nymphe posa la cuillère sur la table et saisit la grande tasse par la anse. Elle approchait le breuvage fumant aux vertus excitantes de ses lèvres, mais avant d'avoir pu prendre sa première gorgée, les escaliers de la demeure grondèrent. Rachel tourna la tête vers l'entrée et fixa la pièce. D'autres grincement retentir, mais bien plus espacés qu'ils auraient du l'être.

La reine de la forêt abandonna la tasse de café fumante sur la petite table ronde de la cuisine et rejoignit l'entrée. Elle n'avait pas fait un pas, qu'elle pouvait entendre une respiration essoufflée en provenance des marches les plus hautes. Sans surprise, Sélina se dévoila tout en haut, fermement agrippée à la rampe en bois, mais essayant de descendre les marches d'une manière incertaine.

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