Chapitre 22 : Ancien Foyer

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Sous les rayons grisés d'un soleil voilé par d'épais nuages, autant inquiétant que menaçant, les pas d'Ady écrasaient les gravillons qui recouvraient le petit chemin qu'elle empruntait. Elle approchait d'une vieille maison, en contrebas du village, d'une ruine, qui pourtant n'était pas si ancienne que cela. Les pierres des quelques murs encore debout, étaient toujours noircis de suies, après le terrible incendie qui avait ravagé l'habitation, une dizaine d'années auparavant.

Ces ruines inhospitalières et déjà reconquises par une végétation touffue, cette maison, était autrefois celle de la mère et du beau-père d'Ady. C'était ici, entre ses murs, dont ils ne restaient plus que des gravats noirâtres et une terre noire de cendres, qu'elle avait passé les dix premières années de sa vie, les dix plus belles et insouciantes années de sa vie.

Depuis la catastrophe, elle n'était jamais retourner sur cette terre. Voir sa maison, si belle auparavant, n'être plus qu'un champ de pierres, avait toujours été trop douloureux pour elle. Mais malgré tout, elle savait que son foyer était là, il n'avait peut-être pas la même apparence, mais était toujours là, à quelques mètres d'elle et cela lui suffisait.

Désormais, les choses étaient différentes. Si elle acceptait de partir avec Luna, elle ne pourrait plus venir se recueillir ici, si jamais elle en ressentait le besoin. Cette idée lui paraissait bête, après tout, en plus de dix années, c'était la première fois qu'elle venait. Et pourtant, elle ne pouvait, que difficilement, concevoir de s'en éloigné.

Ses larmes chaudes vinrent humidifier son sourire, sur son visage où se mêlaient nostalgie et espoir. Elle poursuivit son chemin à l'intérieur de la ruine. Ne restait debout, qu'une partie de la façade et le mur du fond, le reste était écroulé au sol et recouvert de mousse et de longues herbes. Elle s'assit sur un bloc de pierre, le regard dans le vague. Dans le silence, elle pouvait entendre le grondement du courant rapide de la rivière, s'écoulant pourtant bien plus bas dans les gorges qui brodaient le sud du village, mais qui résonnait entre les falaises.

C'est alors que de sombres pensées l'assaillirent. Elle réfléchissait depuis des heures à ce que représenterait pour elle de partir avec Luna, alors même qu'elle n'avait aucune certitude que cette dernière serait un jour libéré du grand chêne. Elzéar était leur seul avantage contre Athénaïs, mais il les avait abandonné, probablement pour se joindre à la cause de son fils. Ady réalisait peu à peu qu'elle ne reverrait peut-être jamais sa petite amie.

Ses joues envahis de larmes, elle se leva pour fuir cet endroit trop chargé en émotion. Mais alors, un rayon de soleil perça le ciel nuageux et alla faire scintiller quelques choses, moins d'un instant, au milieu des gravats. Intriguée par cette étrange reflet dans les décombres, Ady s'approcha. Elle découvrit, à moitié ensevelie sous la végétation, une ancienne poupée en porcelaine.

— Aurore ! s'exclama-t-elle, reconnaissant immédiatement le jouet de son enfance.

La jeune femme s'agenouilla sur le sol, elle dégagea les quelques pierres qui recouvrait la poupée et la sortie de terre. Le jouet de porcelaine était dans un état quasi parfait, malgré tous ce qu'il avait dû vivre.

La poupée avait de grands yeux clos, un petit nez fin et de belles lèvres orangées sans expression. Elle était vêtue d'une robe rose, abîmée par les intempéries, et arborait de longs cheveux coiffés de deux tresses, qui sous la couche de crasse terreuse, dévoilait une couleur blanche. Cette observation étonna Ady, car dans son souvenir, bien que lointain, ni les yeux, ni les cheveux de la poupée n'était ainsi. Toutefois, elle n'y prêta pas plus attention, cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait pas vue, elle pouvait se tromper.

En un instant, toutes les craintes d'Ady disparurent de son esprit et elle fut plongé dans ses souvenirs.

Elle se revoyait, enfant, courir dans cette maison, en tirant sa poupée Aurore par la main. Elle se remémorait ses conversations interminables avec l'objet inanimé le soir, avant de dormir, ainsi que ses jeux de rôle, qu'elle trouvait maintenant ridicule.

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