Chapitre 6 : Réminiscence

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La pluie faisait entendre le grondement sourd de son violent déversement sur les étroites ruelles goudronnées du petit village de campagne. Quelques terribles éclairs de foudres venaient fendre le sombre ciel nocturne d'une lumière blafarde et répondait, de son cri monstrueux, aux hurlements douloureux d'Albane.

À l'intérieur de la maison surplombant le cours de la rivière, les gémissements d'Albane résonnaient entre les épais murs, arrachés à sa gorge par les douloureuses contractions que lui donnaient son accouchement. La porte de la chambre s'ouvrit brutalement sur Élisabeth. Les perles de pluies ruisselaient encore de son épais manteau en laine et de ses gants de cuirs que l'empressement lui fait oublié d'enlever à l'entrée.

— Merci d'être venu... souffla Orion.

Il se détourna du bas du lit pour rejoindre le chevet d'Albane et lui tenir la main.
— Pourquoi m'avez-vous appelé moi ? Vous auriez dû aller à l'hôpital, clama froidement la sœur de l'accouchée.

Albane et son compagnon échangèrent un regard coupable, sans pour autant apporter de réponse à la sorcière. Un hurlement provoqué par une nouvelle contraction empêcha Élisabeth d'insister. La femme, alors au milieu de sa vingtaine, retira son manteau et ses gants et se prépara à recevoir le bébé.

Orion avait placé tout ce dont elle pouvait avoir besoin sur la couverture du lit, il ne fallait plus qu'attendre que l'enfant pointe le bout de sa tête.

Le tonnerre gronda dans le ciel du petit village à l'instant même de la naissance de l'enfant d'Albane et d'Orion. Élisabeth enveloppa la petite créature d'une couverture chaude et l'accueillit avec un léger sourire, mais se signe de réjouissance s'évanouit aussi vite qu'il était apparut. Aucun cri n'émergea de la gorge de la petite fille, aucun mouvement n'anima son corps frêle.

Élisabeth leva des yeux désolés et humides vers sa sœur.
— Elle... elle est morte née, peina-t-elle à annoncer. Vous auriez dû aller à l'hôpital...
— Non, il y a encore un espoir, clama Albane, les doigts serrés autour du poignet d'Orion.
— Albane, il n'y a aucune chance... voulue la raisonner la sorcière.

Comme pour lui donner tort, des pleurs se firent entendre de la bouche du bébé. Orion prit sa fille des bras d'Élisabeth et l'apporta à la mère aux yeux emplit de larmes. La sorcière restait immobile, hébétée par ce qui venait de se passer sous ses yeux. Cette enfant était née morte et pourtant, elle était désormais en vie et gigotait.

— Comment est-ce possible, chuchota-t-elle tout bas. L'enfant d'une sorcière et d'un humain ne peut naître ainsi, à moins que... Qu'est-ce que tu es ? gronda Élisabeth, de féroces yeux braqués sur Orion.

Le jeune père n'osa supporter le regard de cette femme et encore moins répondre à sa question.

— Élisabeth, répondit Albane à sa place. Merci d'être venue nous aider à mettre au monde notre petite Adélaïde. Nous t'en sommes extrêmement reconnaissant, mais désormais nous avons besoin de nous reposer. Nous t'expliquerons tout le moment venu.

La sorcière posait un inquisiteur regard sur Orion.
— Bien, dit-elle simplement de ses mâchoires crispées.

Élisabeth reprit son manteau de laine et ses gants en cuir et quitta la chambre. Elle fermait seulement la porte derrière elle, lorsqu'elle découvrit une petite fille de six ans, dressé devant le battant et tremblante de tout son être.

— Aurore, qu'est-ce que tu fais debout à cette heure-ci ? Tu devrais être dans ton lit.
— Mais j'ai entendu maman crier, gémit l'enfant les yeux apeurées.

Élisabeth se laissa aller à un sourire et se mit à genou pour être au niveau d'Aurore.
— Ta maman va très bien, ce soir elle a mis au monde ta petite sœur, Adélaïde. Retourne te coucher si tu veux être en forme pour la rencontrer demain matin.

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