Chapitre 20 : Voyage Mémoriel

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Un deluge de pluie frappait le village depuis plusieurs jours sans laisser de répit à ses vieilles fermes de pierre pour la plupart délabrés. Dans la sombre obscurité de la nuit, les phares d'une voiture éclairèrent la rue de la rivière, dont le goudron cabossé était inondé par le déversement torrentiel des eaux de pluie de tout le village.

Le véhicule à la peinture grise se gara dans la cour de la maison la plus basse du village. Un homme en sortit, il se protégea de la pluie en levant sa veste au-dessus de sa tête et se hâta vers le coffre de la voiture. À l'intérieur, plusieurs sac de course s'accumulaient, mais avant que l'homme ne puisse s'en saisir, il entendit des pas écraser les gravillons trempés dans son dos.

— Élisabeth ? s'étonna-t-il en découvrant à peine le visage de sa belle-sœur dans l'ombre que son parapluie formait sous la lumière du réverbère de la rue. Qu'est-ce que tu fais là ? Entre, ne reste pas sous cette pluie !
— Non, je ne veux pas entrer Orion, gronda la femme alors jeune.
— Qu'est-ce que tu fais là alors ?
— Je t'attendais.

Sans pouvoir l'expliquer Orion sentit tout son corps frémir à ses paroles.
— Pourquoi ? demanda-t-il les mâchoires serrées.
— Je n'irais pas par quatre chemin, je sais que tu n'es pas humain, dis-moi ce que tu es ! scanda-t-elle d'une grave voix menaçante.
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, répliqua-t-il en tâchant d'être le plus naturel possible.
— Ne me prends pas pour une conne ! scanda Élisabeth. J'ai compris votre petit manège, Albane n'a pas voulu accoucher à l'hôpital, parce qu'elle savait ce qui allait se passer avec Adélaïde, elle le savait parce que s'est déjà arrivée à Aurore. Ces filles ne sont pas humaines, mais elles ne sont pas des sorcières pour autant ! J'aurais dû m'en rendre compte à la seconde où je t'ai vu, tu es l'un de ces maudits loups ! Tu es l'un des sujets d'Olenne !

Les yeux d'Orion s'écarquillèrent d'effroi.
— Comment peux-tu connaitre ma mère ? clama-t-il le souffle coupé.
— Olenne est ta mère ? Donc j'avais vu juste... chuchota-t-elle le regard baissé. Espèce d'idiot ! Elle ne t'a pas mis en garde contre les unions entre les loups et les sorcières ? Et plus encore, contre leurs descendances !
— Ce ne sont que des histoires, des vieilles légendes qu'elle raconte pour nous garder bien en laisse dans son campement.
— Oh non, ce sont loin d'être des histoires, c'est la réalité ! gronda la sorcière, entre deux assourdissants coups de tonnerre. Il semblerait que tu ne sois pas en bon terme avec Olenne, tant mieux, ainsi elle ne m'en voudra pas de mettre un terme à tous cela !

Orion aurait voulu fuir, mais la main d'Élisabeth se serra brusquement autour de son cou. Les lèvres de la sorcière noire se mirent en mouvement, si faiblement qu'il était difficile de s'en rendre compte, mais suffisamment pour réciter une sombre incantation. La peau de la main d'Élisabeth se marbra de veine sombre sous la lumière du réverbère de la rue et la pluie ruisselante. La même obscurité teinta les vaisseaux sanguins du cou d'Orion, sa respiration se fit de plus en plus difficile et malgré ses tentatives pour se débattre, pour se transformer en bête, la vie le quitta peu à peu.

Au première étage de la demeure, Aurore fixait la terrible scène depuis la fenêtre de sa chambre, de là où elle était, elle ne pouvait distinguer que la silhouette d'une femme, enlacée de l'obscurité de la nuit.

— Je n'arrive pas à comprendre comment maman a pu pardonner Élisabeth ce qu'elle a fait ! gronda Ady, les yeux scintillants de tristesse et les poings serrés de rage après le récit de sa sœur.
— Elle n'a jamais rien su, la mort de notre père est passé pour une crise cardiaque. Quant à moi, je n'avais que six ans à cette époque, je ne comprenais pas moi-même ce que j'avais vu et je n'ai rien dis... Qui m'aurais cru de toute façon ? avoua-t-elle le regard baissé.
— Que s'est-il passé ensuite ? Cet incendie, qui l'a déclenché ?

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