Chapitre 1 : Le Sacrifice

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La lune semblait s'être absentée de cette sombre nuit, le village ne méritait pas que ses rayons argentés caressent les murs de pierre des bâtisses anciennes. Les gouttes de pluie battaient bruyamment le sol goudronné de la grande rue du petit village, habituellement déserte en cette heure et par ce temps. Ce soir là n'était pas un de ces soirs que l'on pouvait qualifier d'habituels. Thérèsa, le visage marqué par de profondes rides apparues au fils de ses longues années de vie, parcourait la rue d'un pas pressé. Abritée sous un grand parapluie noir, elle portait dans son autre main un imposant sac en cuir, ainsi que ce qui semblait être une cage à oiseau recouverte d'une couverture sombre.

La démarche pressée, mais ralenti par ses lourds bagages elle se dirigeait vers l'église. Elle entra par une petite porte dérobée, autrefois utilisée par le curé qui vivaient là. Elle prit soin de vérifier que personne ne la suivait ou ne l'observait avant de refermer la porte grinçante derrière elle. Thérèsa se délesta de son parapluie et de son épais manteau sombre, puis s'avança derrière l'autel, là où habituellement les prêtes prennent place. La vieille femme était entièrement dans l'obscurité, mais cela ne semblait la déranger. Du moins au début, puisque une fois la cage posée à l'extrémité gauche de l'autel, Thérèsa fit un geste de la main, allumant ainsi toutes les bougies présentent dans l'église. La luminosité restait faible, mais suffisante pour y voir sans peine.

Thérèsa retira la couverture de la cage, laissant apparaître aux lueurs vacillantes des cierges, un magnifique corbeau couleur nuit. Il resta immobile, ne bougea ni ne fit aucun bruit pendant que ça propriétaire vidait son sac. Elle en sortie un large récipient peu profond, une fiole contenant une poudre rougeâtre, une grande bouteille d'eau bénite, mais également un calice en argent massif et un couteau à la lame acérée. Thérèsa remplie le récipient de l'eau bénite puis ouvrît la fiole. Elle fit tomber quelques flocons de poudre dans sa main et s'approcha du corbeau.

— Pardonnes-moi, lui demanda-t-elle dans un murmure.

Elle souffla les grains poussière rougeâtre en direction de l'animal qui s'effondra aussitôt, raide mort sur le sol de sa cage. Thérèsa plongea la dépouille de l'oiseau dans l'eau. Le récipient étant peu profond une grande partie de son corps dépassait, mais la vieille femme continua. Elle se saisit de l'un des cierges et en fit couler la cire sur les plumes noires du corbeau. Celui-ci semblait fondre sous la chaleur des gouttes. Petit à petit, l'oiseau de mauvaise augure se liquéfia totalement et les deux fluides se mélangèrent.

Thérèsa prit le couteau. Elle plaça la lame tranchante dans sa paume, la serra fermement contre sa fine peau parsemée de tache de vieillesse rousse et la retira d'un coup sec. Le sang jaillit de la plaie. La vieille femme approcha sa main ensanglantée du calice et laissa les gouttes de sang rouler sur sa peau avant de tomber dans le récipient d'argent.
Les nombreuses cicatrices marquant la peau de sa paume laissaient penser que ce n'était pas la première fois qu'elle s'adonnait à se genre de mutilation. Une fois le verre de métal rempli d'un tiers, Thérèsa cautérisa sa blessure avec la cire d'une bougie. Malgré la douleur qu'elle ressentait, elle ne laissa transparaître aucune trace de souffrance.

Elle vida enfin le calice dans le récipient, libérant une vague d'énergie qui souleva ses longs cheveux gris. Elle récita une incantation dans une langue ancienne, probablement du latin et entra dans un état de trans. Ses yeux se révulsèrent, elle fut prise de convulsions de plus en plus violente, ses ongles se plantèrent dans l'autel de pierre faisant saigner l'extrémité ses doigts. Les flammes des bougies se mirent à grandir de tel façon qu'elles touchaient presque le haut plafond voûté de l'église.

La trans de Thérèsa devenait de plus en plus impressionnante. Elle s'éleva de plusieurs mètres dans les airs. Les lourdes cloches de bronze se mirent à résonner entre les murs de pierre du vieil édifice, lorsque tout à coup les portes s'ouvrirent dans un énorme fracas. Une forte bourrasque de vent éteignit d'un seul coup tout les cierges et fit retomber Thérèsa au sol.

La vieille femme sortie aussitôt de sa trans, désorienté. Elle se releva péniblement du fait de ses articulations douloureuses, devant s'appuyer sur l'autel pour ne pas retomber. Face à elle une silhouette sombre, une ombre s'avançait lentement. Il était impossible de distinguer de qui il s'agissait dans la pénombre, ni même de déterminer si c'était un homme ou une femme. Pourtant Thérèsa semblait parfaitement savoir à qui elle avait à faire.

— Tu arrives trop tard, le sort de protection a déjà été lancé ! Tu ne pourras pas accomplir ton odieux dessein, scanda Thérèsa en buvant d'une traite tout le contenu du récipient.

Ses yeux se mirent à briller. Son corps se souleva à nouveau. Elle libéra une importante quantité d'énergie surnaturelle allant jusqu'à des centaines de mètres de là. Les cinq croix qui entouraient le village se chargèrent de cette énergie et furent enveloppés d'un halo de lumière blanche. Relié entre elle, ces croix formaient un pentagramme protecteur sur le village avec l'église en son centre. Le pentagramme liant les sculptures religieuses de pierre ou de métal, s'estompa lentement, mais son pouvoir restait actif.

***

L'obscurité nocturne reprit ses droits, enveloppant à nouveau l'église de ses bras sombres. La silhouette grondait si fort que les épais murs de pierres commencèrent à trembler. Des nuages de poussière tombèrent du plafond ancien. L'ombre noir leva une main, aussitôt tous les bancs se soulevèrent dans les airs. D'un autre geste, la silhouette envoya les assises de bois sombre en direction de Thérèsa. Ils s'écrasèrent avec force contre l'autel et le mur se trouvant derrière.

La pauvre femme, cachée derrière l'autel, reçu des éclats de bois pointus ne la blessant que légèrement. Elle se leva d'un coup et envoya la silhouette au plafond. Y restant piégé suffisamment longtemps pour que Thérèsa puisse s'enfuir.

Elle ressorti de la même façon qu'elle était rentré, mais ne perda pas de temps à récupérer son parapluie ou manteau. Elle courut comme jamais elle n'avait couru dans sa longue vie. La pluie battait encore plus fort sur le sol bétonné et les frêles épaules de la vieille femme. Elle se savait pourchassée, mais ne voulais regarder derrière elle.

Elle n'était plus très loin de sa demeure, d'être sauvé lorsqu'elle trébucha et se retrouva à terre. Elle tenta de se relever, mais une force l'en empêcha et la tourna sur le dos. La silhouette réapparue, elle était fièrement dressée au dessus d'elle. Thérèsa fut saisit par le col et soulever, elle sentit la lame perforer sa peau, entrer dans sa chair tout près de son cœur, mais le coup ne l'a tua pas, ce n'était pas encore le moment, la silhouette avait une dernière chose à faire d'elle.

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