Chapitre 44 : Chrysanthème

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Un sifflement aigüe résonna douloureusement dans le crâne de Rachel, quelques instants seulement après la détonation de l'ultime tonnerre grondant. La jeune femme sentit avec appréhension le vieux couvent s'éprendre de terribles tremblements. Conséquence des secousses, une large fissure couru à ses pieds, des brèches s'ouvraient de toutes parts, dans les murs et au sol.

Les iris bruns clairs de l'ancienne nymphe croisèrent le regard émeraude de Pauline, ils y régnaient la même terreur, le même sentiment que la fin était proche que dans son cœur. Dans un ultime élan, les deux jeunes femmes essayèrent de se rejoindre, mais le sol se déroba sous leur pieds et les entraîna, elles et les autres protecteurs, dans le chaos sombre et assourdissant qu'était désormais le couvent.

Le champ de vision de Rachel se troubla d'un brouillard grisâtre fait de poussière. Ses amis furent engloutis en quelques secondes seulement dans l'air opaque et elle se retrouva seule, tombant à toute vitesse dans le tourbillon mouvementé. Elle ne pouvait les voir, mais elle sentait les blocs de pierre la frapper, les éclats de bois venir s'enfoncer dans sa peau bleuie et faire couler son sang.

Brutalement, la reine de la forêt heurta de pleine face un froide surface dure. Son bras gauche, mis en avant, se brisa dans un craquement terrible tout aussi déchirant que le hurlement de douleur qui suivit. Le cri d'agonie se tût toutefois aussitôt après avoir commencé, lorsque le visage de Rachel frappa à son tour ce palier en pierre. Le nez de la jeune femme cassa à son tour et inonda sa bouche et sa gorge de sa propre hémoglobine brulante.

Malgré la souffrance, l'ancienne nymphe chercha dès le premier instant à se relever sur cette corniche qui avait stoppé sa chute, mais à son tour, celle-ci céda sous le poids des étages supérieures et s'affaissa dans un grondement sourd. La chute vertigineuse reprit, privée de tous repères visuels, Rachel n'avait aucune idée de la hauteur à laquelle elle se trouvait, ni ce qui attendait sa chute au sol.

Sous ses paupières closes, scellés par des larmes, la jeune femme revoyait passer devant ses yeux tous les instants de sa vie, sa seconde chance dans ce monde, gâchée par son aveuglement face à Aurore, sa sourde oreille aux avertissements répétés de Sélina.

Avec la même violence qu'une poignée d'instant plus tôt, Rachel toucha terre au milieu d'un buisson épineux. Durant quelques secondes, elle n'osa ouvrir les yeux, de peur que le sol s'effondre de nouveau sous elle, mais surtout que ce qui l'entoure ai perdu ses couleurs et sa chaleur par la simple présence de vie. Ses paupières battirent enfin, mais pour lui dévoiler une vision bien pire encore, l'air trouble s'assombrissait dangereusement jusqu'à accoucher d'un pan de mur tombant sur elle.

— Tout cela ne serait pas arriver si j'avais cru en toi, chuchota-t-elle rapidement. J'espère que tu me pardonneras un jour, adressa-t-elle à sa meilleure amie avant que le mur ne s'affaisse complètement et engloutisse les alentours d'un peu plus de poussière grisâtre.

***

Le froid soleil des derniers jours de l'automne, éclairait d'une triste lumière les yeux rougis de Sélina, fixés dans les iris foncés de Mélissa.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle, un goût de sel aux lèvres.
— On a vu un orage se former au-dessus de la forêt... c'est difficile d'en être sûre, mais il est possible que les éclairs aient frapper le couvent.
— Non ! hurla la sorcière. Je ne veux pas croire qu'ils soient morts, je ne peux pas ! Ils ont pu survire, ils ont pu se mettre à l'abri.
— Je l'espère aussi, de tout mon cœur, chuchota Mélissa. Mais ça ne change rien, on ne peut rien pour les aider, alors qu'on peut encore te sauver !
— Je ne les abandonnerais pas, peu importe le mince espoir qu'il nous reste ! clama Sélina la voix éraillée par le chagrin.

Les larmes inondaient les joues de la femme enceinte comme jamais elles n'avaient ruisselées sur sa peau. Jonathan prit place à côté d'elle et sans prononcer un mot, la serra fort dans ses bras. Le jeune homme faisait tout pour retenir ses larmes et être le pilier dont Sélina avait tant besoin, sans parvenir à empêcher quelques perles d'eau salée de tomber sur la nuque chaude de la sorcière.

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