Kingdom {Oneus}

Chapitre 8

Le front perlé de sueur, la chaleur des cuisines du palais Ajri était étouffante même pour Youngjo qui ne cessait de haleter tout en peinant à respirer le lourd oxygène. La température environnante devait aisément dépasser les quarante degrés Celsius, les pauvres servants mourraient de chaud dans leur épais uniforme blanc alors que des traces de transpirations apparaissaient sous leur bras et dans leur dos.

Le serviteur de Geonhak zigzaguait péniblement entre les cuisiniers, étrangement peu sensible à l'étouffante atmosphère, cuisinant divers sautés de légumes tandis que des poissons gras rôtissaient sur des broches à quelques mètres d'eux. Le peuple de l'air était pesco-végétarien, c'est-à-dire qu'ils se nourrissaient uniquement de produits marins et végétariens. Ces Hommes, mi-oiseau mi-humain, raffolaient des baies et graines mais leur péché mignon était le thon.

Youngjo avait dû s'habituer à ce nouveau régime alimentaire lors de son arrivée au Royaume puisque, là où il vivait, la consommation de viande était une chose très commune et la chair animale était présente dans son assiette une fois par jour. Ce changement d'habitude alimentaire l'avait fait beaucoup maigrir dans un premier temps, surtout que son statut de domestique ne lui permettait pas d'accéder aux meilleurs mets. Le poisson était un aliment réservé aux personnes de classe sociale plutôt élevée ou moyenne tandis que les plus pauvres restaient sur un régime plutôt végan.

Le pauvre servant souffrait de nombreuses carences à cause de cette privation alimentaire forcée à cause de son statut de domestique un peu... particulier. Son organisme recevait rarement des aliments contenant du fer et les protéines étaient une chose bien rare faisant que le jeune homme souffrait d'une anémie ferriprive depuis quelque temps. Effectivement, le taux d'hémoglobine dans le sang du garçon avait drastiquement diminué et son teint était devenu de plus en plus crayeux au cours des années. C'était ce dernier détail qui avait titillé la curiosité de Geonhak en plus du fait que son ami avait, il y avait de cela quelques mois, commencé à souffrir de perte de connaissance.

Cela avait été une tannée de convaincre le médecin royal de diagnostiquer l'état de santé de Youngjo, le jeune prince avait dû faire jouer son côté autoritaire afin d'avoir le dernier mot obligeant l'homme de science à ausculter le servant. Le bilan avait été la carence en fer provoquant une anémie bien installée chez le domestique. La nouvelle avait légèrement secoué Geonhak qui craignait de l'état de santé de son ami et, pendant plusieurs jours, il était devenu une véritable mère poule en obligeant son petit protégé à manger des éléments chargés en fer. Le prince était même allé jusqu'à acheter de la viande rouge de manière anonyme au Royaume de Gaïa afin de remettre sur pied Youngjo.

« - Bouge de là toi ! Tu me gênes ! »

Perdu dans ses pensées, le pauvre domestique à la chevelure couverte de reflets flamboyants ne vit pas le cuisiner Ajri le pousser brusquement car il était, apparemment, dans sa zone de travail. Youngjo, déboussolé, bascula en arrière sous le choc tout en faisant voler les assiettes de porcelaine qu'il portait à bout de bras. Son équilibre perdu, il manqua de peu de se fracturer le crâne contre l'un des fours solaires de la cuisine. Hélas, il eut moins de chance pour ce qui était des plats qui retombèrent sur lui et le sol dans un fracas cacophonique. Les morceaux de céramiques vinrent s'enfoncer principalement dans la paume de ses mains ainsi que l'épiderme de ses avant-bras puisqu'il s'agissait des rares zones non-recouvertes de tissus. Le coton blanc de son haut se tâcha bien vite de pourpre tout comme le carrelage des cuisines qui fut parsemé de gouttes carmin à la colère du Chef cuisiner.

« - Mais qui nous a donné un domestique aussi nul ! Tu ne peux pas faire attention, la fiente ? Tu as vu ce que tu as fait ? Toutes les assiettes sont brisées !

- De... Désolé, gémit douloureusement Youngjo tout en s'agenouillant difficilement.

- Tes excuses je n'en ai rien à cirer ! Tu as intérêt à nettoyer tout cela et vite ! Et, crois-moi, on va te tirer les plumes pour ta bêtise. »