Kingdom {Oneus}

Chapitre 45

Dans un coin du palais de Zéphyr s'empilaient des dizaines et des dizaines de feuilles de papiers tachés d'encre formant diverses phrases qui ne seront lu par personnes. Ces textes formaient des lettres confessant un certain mal être, un manque profond, une tristesse sans fond. Hélas, personne ne les lirait puisqu'un Ajri s'apprêtait à les brûler. Ces mots écrits tard le soir sous la lueur d'une faible chandelle allumée, ces feuilles destinées au prince Son Dongmyeong allaient trouver refuge dans ce foyer flamboyant sans que Dongju, l'expéditeur, ne puisse le savoir. Du moins, il se doutait du destin funeste de ces écrits, il n'avait jamais reçu de retour de son frère après tout.

Le feu détruit les preuves en les réduisant à l'état de poussières grisâtres qui sera éparpillées sur les terres du peuple de l'Air comme source d'engrais. Jamais Dongmyeong ne saura pour le désespoir de son sosie ou pour son cœur hurlant à l'aide car il était emprisonné entre quatre murs. Enfin, à l'exception d'aujourd'hui.

« - Es-tu prêt ?

- Oui, je le suis ! »

Dongju jeta un dernier coup d'œil à son apparence, l'image qu'il reflétait sur le miroir lui plaisait plutôt. Sa chevelure platine, qui avait gagné quelques centimètres, était nouée en une haute queue de cheval très élégante tandis que son visage avait été légèrement maquillé afin de lui donner bonne mine puisque son séjour au château avait laissé des traces sur sa peau. Ce fut seulement en baissant ses prunelles sur sa silhouette que le prince Son remarqua ses clavicules trop saillantes et il se sentit obligé de réajuster le col de son haut finement brodé afin de camoufler ses os. Il avait tant maigri, c'était si effrayant. Comment allaient-ils réagir en le voyant arriver de la sorte ?

« - Tout ira bien. »

Geonhak s'était approché de son mari, son corps vêtu d'habits prestigieux se reflétait au côté de la silhouette affinée du prince du Lotus et le plus vieux se mit à sourire doucement à son cadet. Les yeux du noble de l'Air s'affinèrent, la commissure de ses lèvres se redressèrent et Dongju se surprit à analyser ces détails qu'il commençait à connaître sur le bout des doigts : déchiffrer son époux était devenu un jeu d'enfant. Leurs heures passées à s'entraîner les avaient légèrement rapprochés, le plus jeune avait cessé d'en faire voir de toutes les couleurs à son mari qui était une victime comme lui, et puis, Seoho avait confessé certaines choses au sujet de son frère.

Fixant une dernière fois cette image, le Son se surprit à trouver qu'il allait bien avec Geonhak et que ce reflet d'eux ensemble était agréable à observer. Le nez du plus petit se retroussa adorablement tandis qu'il ne put cacher son rictus amusé, ce qui décocha une expression perturbée de la part du Ajri.

« - Allons-y. Je ne voudrais pas que nous arrivions en retard au Royaume d'Aral. Et puis, Dongju s'approcha de l'oreille de Geonhak pour lui susurrer quelques mots, j'ai hâte de sortir. »

Le plus vieux sourit en ouïssant ce petit secret et il tendit son bras à Dongju afin qu'il puisse s'y accrocher alors qu'ils s'enfonçaient dans les couloirs uniformément blancs du palais Ajri. Sur le chemin vers la salle des téléporteurs, les domestiques et gradés dévisagèrent les jeunes époux qui semblaient irradiés de bonheur tout en affichant cet « Amour » que beaucoup répugnaient. Un couple homosexuel, les habitants du palais n'arrivaient toujours pas à se remettre de la nouvelle et personne ne comprenait pourquoi le Roi Kim en personne avait mis en place ce mariage. Était-il devenu malade ? Deux hommes ensemble dans l'incapacité d'enfanter, c'était de la pure folie pour les Ajri qui étaient si conservateurs.

Le duo princier ignorait tout du long les regards haineux des fermés d'esprits. Dongju était trop heureux de fuir ce maudit château pendant quelques heures et Geonhak avait bien trop l'habitude de recevoir une telle haine : les garçons étaient dans leur bulle et personne n'arriverait à l'éclater. Arrivant au téléporteur, déjà programmé afin d'arriver dans le palais Bymehet, les serviteurs du couple princier saluèrent les deux arrivants tout en souriant doucement.