Chapitre 34

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La vie est telle un vol d'oiseau : un commencement difficile à prendre, un long vol plané empli de péripéties et de divers problèmes à résoudre puis un atterrissage pouvant être tranquille comme ardu. C'était ainsi qu'on voyait l'existence à Zéphyr. C'était avec cette éducation que grandissait tous les petits Ajri : la vie était une chose complexe, mouvementée par différents flux qui te feront grimper vers les nuages ou descendre en piqué direction la terre ferme.

Néanmoins, Dongju n'avait pas grandi avec ce genre d'idéologie en tête. Ses parents, particulièrement sa mère, l'avaient certes prévenu qu'on rencontrait des épreuves lorsqu'on grandissait. Parfois on faisait face à des murs qui nous semblaient infranchissables, on bloquait sur des problématiques en réfléchissant de manière complexe alors que la solution était souvent simple : il fallait accepter. Hélas, aujourd'hui, le fils du Lotus n'arrivait pas à avancer. Ce mur n'était pas insurmontable, les pierres étaient incassables : l'obstacle était invincible pour le garçon et il ne pouvait pas accepter sa situation. Qui le pourrait ?

Allonger sur son lit, ses iris bruns ne quittaient pas le plafond de plâtre un seul instant, le prince se morfondait. Les journées paraissaient terriblement longues, la notion de temps n'existait plus pour le Son car il n'avait à disposition aucune horloge et ses volets étaient constamment fermés car le Tokësor ne voulait pas voir le paysage extérieur : étrangement cela lui donnait la nausée, le mal du pays d'après Wooseok. Son unique repère était ses plats laissés à l'abandon sur la table en bouleau que le domestique venait déposer plein et rechercher, intouché, au bout de quelques heures lorsque l'entièreté des mets étaient froids. Oui, Son Dongju se laissait mourir depuis plusieurs jours déjà.

Ses muscles commençaient à s'engourdir définitivement, ses articulations craquaient même s'il effectuait le plus minime des mouvements et sa tête tournait à chaque fois qu'il basculait son visage en direction de la porte afin de savoir qui entrait. Évidemment, c'était toujours la même personne qui pénétrait les appartements du jeune garçon royal : Kim Wooseok, son domestique et unique compagnon. Le servant essayait de converser avec son maître mais ce dernier ne prononçait que de faible grognement comme réponse ce qui donnait au garçon le sentiment qu'un simple mouvement de lèvres valait un effort considérable à Dongju.

« - Prince Son Dongju... Je... Vous êtes certain de ne pas vouloir manger, s'inquiéta le servant. Cela va faire une semaine que vous n'avez touché à aucun aliment et c'est à peine si vous avez bu un litre d'eau durant ce lapse de temps. À ce rythme vous allez mourir... »

Wooseok était réellement inquiet pour le garçon. Lui qui semblait si déterminé en face du Roi Kim, lui qui pétillait de rage et d'envie de se battre contre ce Tyran sanguinaire, lui qui tenait tête à cet homme irrespectable quelques semaines auparavant. Voilà maintenant une semaine qu'il se laissait partir, son corps ne faisant plus qu'un avec le lit puisque le matelas avait mémorisé la forme de sa silhouette squelettique. Comment était-il passé d'un tel opposé à l'autre ?

Le domestique se doutait qu'il s'était passé des choses, le Roi était venu à plusieurs reprises dans la chambre de son gendre afin d'avoir une « discussion » où le servant n'était point convié. Les premiers jours, aucun changement radical dans le comportement de Dongju, ce dernier était juste extrêmement colérique et souhaitait casser tout ce qui lui passait sous la main. Ce qu'il avait fini par faire le quatrième jour après son arrivée, un des vases de la chambre avait rejoint le sol dans une immense cacophonie s'harmonisant avec le profond « Putain » qui avait quitté les lèvres de Dongju.

Les morceaux de porcelaine s'étaient éparpillés sur le lambris, les petits amas de terre se mêlant aux bouts de céramiques tandis que les fleurs, à demi fanées, mourraient définitivement sur le sol. Wooseok avait dû nettoyer l'ensemble sous les excuses de son jeune maître qui s'en voulait pour son geste déplacé. À la suite de cela, ce genre d'épisode ne s'était plus passé, Dongju arrivait à se contrôler après chaque visite « amical » du souverain jusqu'à ce fameux jour, il y avait de cela une semaine.

Kingdom {Oneus}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant