Chapitre 66

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« - Dongju. Dongju... DONGJU ! »

La voix de Geonhak s'éleva dans les profondeurs de la nuit, ses yeux grisâtres étaient cernés et ses traits tirés par une fatigue extrême. Son corps semblait à bout, il peinait à se maintenir en position assise tant ses bras tremblaient sous son poids. Les prunelles tremblantes de peur, la gorge serrée, les sueurs froides liées à son cauchemar firent frissonner le prince qui sentait ses larmes dévaler ses joues : jamais de sa vie il n'avait été aussi dévasté.

La pièce était plongée dans le noir, le silence était omniprésent tandis que l'aura du Roi Kim était omnipotente même dans les ténèbres nocturnes. Le père du garçon n'était pas dans la pièce mais Geonhak arrivait tout de même à ressentir son oppression, les filets d'air semblaient lier ses poignets et ses chevilles mais aussi son cou. L'oxygène peinait à passer sa trachée tant l'angoisse l'étouffait : son cauchemar semblait bien trop réel.

« - Dongju... »

Baissant ses yeux vers ses mains pâles et osseuses, le prince crut discerner des traces sanglantes sur ces paumes, ce qui lui rappelait son acte de la semaine passée. Les tremblements s'intensifièrent, sa poitrine devint horriblement douloureuse forçant le garçon à se recroqueviller dans l'espoir que cela puisse atténuer ses maux.

Un son de désespoir quitta ses lèvres tandis qu'un flash-back s'imposa à lui. C'était un petit garçon innocent qui avait des cheveux châtain clair avec quelques mèches blondes, ses yeux étaient bleu polaire et sa peau mate. De frêles ailes percées ses maigres habits de lin ocre et son plumage était d'une blancheur parfaite montrant la pureté de ce petit Ajri.

« - Pardon... »

Couinant de plus en plus fort, le noble se mit à supplier plusieurs excuses à cet enfant dont il avait ôté la vie contre son gré. Enfin, avait-il montré une réelle résistance ? S'il avait été plus fort. Si son esprit était mieux entraîné à combattre la manipulation mentale. S'il avait émis une résistance avant de se faire injecter sa dose quotidienne de souffrance. S'il était une meilleure personne, peut-être qu'il aurait pu sauver ce gamin.

« - Je suis un monstre... »

Tout se déstructurait autour du Ajri. Le monde tournait, la nausée montait, son esprit bouillonnait de pessimisme et le garçon courut subitement vers sa fenêtre qu'il ouvrit vivement. Les larmes dévalaient ses joues creuses pour longer sa mâchoire carrée puis, lorsque Geonhak arriva sur son balcon, le vent vint cueillir ses perles salées pour les emporter au loin.

Le souffle froid lécha son épiderme ce qui le fit légèrement frissonner surtout qu'il ne portait qu'un t-shirt fin et un short. Son torse bascula au-dessus de la rambarde au premier haut-le-cœur et il eut simplement le temps de serrer la protection avec ses mains avant que la première gerbe finisse par sortir.

La tête roulant de l'enfant, la flaque de sang s'agrandissant au fur et à mesure que le liquide vital quittait son petit corps et ce regard... Ces yeux pétrifiés dans un sentiment d'effroi et d'abandon. Pourquoi n'avait-il pas pu reprendre le contrôle ? Il aurait dû réagir ! Il aurait dû le protéger ! Il aurait dû le sauver ! Mais non. Il l'avait tué car son père lui avait ordonné de le faire.

Les dernières heures nocturnes de Geonhak se passèrent sur ce petit balcon, vomissant de temps à autres la maigre alimentation qu'il ingérait tout en sanglotant entre deux haut-le-cœur : c'était exténuant.

Parfois, il avait l'impression de voir le corps de Dongju à la place de celui de sa pauvre victime et cela le mettait encore plus mal. Que devenait son amant ? Allait-il bien ? Qu'est-ce que son père lui faisait subir ? Tant de questions plongeant davantage le Ajri dans le flou tout en lui rappelant sordidement sa situation : il était prisonnier, son mari aussi tout comme ses amis. S'il voulait les sauver alors il devait obéir, c'était ce qu'il lui avait dit.

Kingdom {Oneus}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant