Kingdom {Oneus}

Chapitre 28

La musique résonnait sur les murs ornés de bannières des deux Royaumes unis : le blason Tokësor était plutôt triangulaire avec, en haut, une fleur à cinq pétales orangées et l'entièreté de la partie basse était composée d'une plaine herbue fleurie de plantes orangées. Celui de Zéphyr, quant à lui, était plus arrondi, dans des teintes bleu ciel et blanches avec deux ailes déployées trônant en son centre. Enfin, l'emblème possédait trois flèches se croisant en un point afin de mettre en valeur le talent d'archer des Ajri.

L'élégante décoration mise en place par Sebastian faisait son effet sur les invités, ces derniers ne cessaient de s'ébahir en face des compositions florales si particulières et des tablées si bien dressées et pensées. Chaque personne prit place en prenant la chaise qu'on leur avait dédié, tout avait été minutieusement réfléchi afin que les nobles conservateurs ne puissent pas se mêler aux classes plus basses ou que des rivaux ne soient pas trop rapprochés : les domestiques avaient tout fait pour éviter qu'un conflit finisse par éclater durant le repas. Le seul risque de dispute se trouvait au niveau de la tablée royale où l'ambiance était pesante voire électrique.

En effet, le Roi Kim faisait face à celui Son et tous deux ne cessaient de se dévisager : l'un souriant malicieusement tout en jouant avec une boule d'air dans le creux de sa paume tandis que l'autre rongeait son frein en sentant des racines percer le carrelage à ses pieds. Le souverain de Zéphyr était rusé et maraud, pour ne pas dire que Monsieur Son trouvait que celui en face de lui était un salopard de première. Les Reines, quant à elles, tentaient vainement de temporiser leur mari bien que Dame Son ne fût pas au mieux de sa forme à cause de sa vision précédente mais, en tant que bonne comédienne, elle réussissait brillamment à tromper tous les invités sur sa condition physique et mentale pitoyable : seul son mari n'était pas dupe.

« - J'espère que votre fils se plaira au château et que ses habitudes Tokësor ne perturberont pas trop nos serviteurs, lança le Roi de Zéphyr afin de titiller un peu les deux parents. Vous savez bien que nos cultures sont très différentes.

- Dongju ne sera pas le seul à devoir fournir des efforts, grinça des dents le Roi. Vous devez accepter notre culture et notre manière d'agir. Vos domestiques doivent s'adapter à sa manière de vivre : c'est la base d'un bon personnel de maison. Du moins, normalement.

- Sous-entendez-vous que mes servants sont de piètres qualités ?

- Moi ? Jamais je n'oserais, Roi Kim. Mais comme vous le dites, nos cultures sont différentes, peut-être que nous ne traitons pas nos domestiques de la même manière dans nos Royaumes. »

Le regard de monsieur Son se changea pour devenir plus insistant tout en sous-entendant certaines choses : les rumeurs se diffusaient vite et elles traversaient les mers. Les informations concernant le traitement des domestiques du Palais Ajri n'étaient pas très roses, au contraire : maltraitance, sanction stricte voire inhumaine, conditions de vie déplorables, trafic d'êtres humains, morts précoces... Zéphyr était un Royaume camouflant de sombres secrets derrière les murs de son château, beaucoup d'évènements sordides se déroulaient en son sein. Il arrivait que certaines langues Ajri finissent par se délier de temps à autre, hélas, ceux qui témoignaient finissaient toujours par disparaître soudainement : leur existence étant effacée de tous les registres officiels.

Le Roi Kim serra son poing, ses doigts se refermèrent sur sa sphère aérienne la brisant en des dizaines de flux venteux qui vinrent gracieusement entourer son poignet. Les iris gris foncé de l'homme s'assombrirent davantage jusqu'à devenir entièrement noir ce qui fit sourire l'autre Roi : il avait touché un point sensible apparemment. L'ambiance devint orageuse, le vent sembla se lever à l'extérieur puisque les branches des arbres bougeaient vivement au travers des fenêtres et les invités lancèrent tous des coups d'œil à la fois curieux et stressés en direction de la table royale.