Chapitre 67

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Soulagé. Voilà comment se sentait Geonhak alors que ses yeux larmoyants se déposaient sur les trois silhouettes qui avaient été agenouillées de force dans la salle du trône au pied du Roi Kim. Ce dernier était fièrement dressé en haut de son fauteuil richement orné, sa couronne brillait élégamment sur sa chevelure blonde tandis que ses ailes noires étaient orgueilleusement déployées. Les yeux sournois du souverain lâchèrent les corps de ses trois prisonniers uniquement lorsque son fils fut rentré et qu'il l'eut salué respectueusement.

« - Père, me voilà. »

Bouillonnant intérieurement, Geonhak haïssait l'état dans lequel il était à cause de cette substance. Son père avait fait une autre version de lui, son physique était le même mais son esprit était drastiquement opposé. Le prince sentit trois paires d'yeux se poser sur lui, il se douta des propriétaires de ses derniers mais il n'était pas dans la possibilité de croiser leur iris afin de les rassurer un minimum. Il voudrait tant dire à ses amis que tout irait mieux maintenant.

« - Mon fils, s'exclama le tyran avec des yeux pétillants d'excitation. Comment s'est passée ta mission ? Un succès j'espère ? Et redresse-toi donc, je veux que tu me regardes quand je te parle. »

Docilement, l'enfant releva son buste pour planter ses prunelles vides dans celles infernales de son géniteur qui souriait sombrement : il était tellement monstrueux.

« - La cible a été abattue, les documents sont en possession du gradé Choi. Les hommes sont actuellement en train de les analyser afin d'en tirer le plus d'informations possibles pour démanteler le groupe rebelle Djegur.

- Bien, très bien tout ça. Tu as fait du bon travail ces derniers temps, Geonhak. »

Le Roi prit son envol tout en commença son discours et, en quelques battements d'ailes, il rejoignit son enfant qui se pétrifia sur place. Mais la tétanie fut encore plus vive lorsque le père déposa une main chaleureuse sur l'épaule de son fils.

« - Je suis fier de toi. »

Écœurant, le prince trouvait cela ignoble d'ouïr un tel compliment des lèvres de son père.

« - Donc, pour te féliciter de ta docilité, j'ai ramené ces trois choses qui te servaient d'entourage. »

La main du tyran alla vers les personnes agenouillées et Geonhak put enfin déposer ses yeux sur eux. Ses prunelles croisèrent celles désolées de Seoho puis les coléreuses de Wooseok, ce dernier semblait trahi, mais le plus dur était d'observer les iris déçus de Youngjo.

« - Ils peuvent reprendre leur vie d'avant à partir de demain. Néanmoins, tu connais les règles mon fils.

- Oui, père.

- Au moindre pas déplaisant, la sentence sera appliquée. »

Geonhak se sentait affreusement vide. Son regard ne quittait pas celui de Youngjo qui ne le lâchait pas non plus des yeux : on dirait que chacun apprenait à se découvrir, ou plutôt, que le serviteur découvrait une nouvelle facette de son maître.

Jamais le prince ne pourrait supporter cette déception au quotidien, non, cela était bien trop dur pour lui. En plus, cela serait dangereux d'avoir Youngjo à ses côtés : la tentation serait trop forte.

« - Père ? »

Pour la première fois, Geonhak semblait reprendre un élan de lucidité ce qui fit froncer les sourcils du Roi qui grogna dans sa barbe qu'il devrait encore augmenter les doses de drogue malgré les recommandations des scientifiques. Effectivement, la concentration de psychotrope administrée au garçon commençait à être dangereusement élevée donc en ajouter davantage pourrait être fatal.

« - Qu'y a-t-il ? Ne me fais pas regretter mon acte de bonté envers ta personne.

- Ne vous en faites pas père, prononça calmement le fils tandis qu'il bougeait sa tête de gauche à droite. J'ai juste une requête à vous demander.

- Quelle est donc ? Dépêche-toi, je perds patience.

- Puis-je garder mes servantes actuelles ? »

Un lourd silence tomba dans la salle, le souverain lui-même fut choqué pendant quelques secondes par la proposition de son enfant mais il se remit vite de ses émotions en partant dans un fou rire glacial. D'autre part, les trois prisonniers avaient les yeux écarquillés en réalisant l'état de manipulation du Ajri : il était arrivé au point où il virait Youngjo. C'était impensable.

« - Haha ! Qu'est-ce que t'aime ainsi, mon fils ! Bien sûr que tu peux garder ces trois choses comme servantes. Tu peux même jouer avec elle le soir si cela te chante. »

Le Roi applaudit presque des mains tant il trouvait le spectacle hilarant. Néanmoins, pour Seoho, cette scène était horrifiante : son frère était tombé si bas en leur absence.

« - Je ne mettrais pas pour autant ton servant à la porte, je préfère me méfier de tes petits jeux. Cela pourrait très bien être une manière de mettre à l'abri ton cher ami. Il s'occupera maintenant de Seoho. »

Geonhak s'inclina poliment, son paternel lui tapa plusieurs fois l'épaule sous son euphorie puis il congédia son enfant puisqu'il devait participer à la réunion en lien avec sa mission à Zjarr. Quittant la pièce sans dire un mot supplémentaire, le prince sentit uniquement les regards déçus du trio sur son dos tandis que ses yeux s'emplissaient de larmes discrètes : la douleur était si vive qu'elle surpassait les effets de la drogue.

La porte se ferma derrière lui, son cœur se serra affreusement alors que son pauvre organe vital était déjà agonisant à cause de son traitement actuel. Les traîtresses roulèrent sur ses joues mais son visage portait une expression neutre et ses pas le portaient vers la salle de rassemblement des troupes : le Kim en avait marre d'être un vulgaire pantin, son ancienne vie lui manquait affreusement.

Reniflant fortement, sa tête lançait à chaque pas effectué et la douleur résonnait dans son cortex amplifiant l'affliction endurée tout au long du trajet. Il avait l'impression de se battre dans son for intérieur : c'était Geonhak contre cette drogue qui le métamorphosait.

Le prince cherchait à reprendre le contrôle mais il était bien trop faible. La substance, personnifiée en un géant de plusieurs centaines de kilos dans l'esprit du garçon, n'arrêtait pas de lui donner des coups mettant le Ajri à terre sans qu'il ne puisse rien faire. Son esprit était trop fragile, jamais il ne ferait le poids contre ce colosse musculeux. Il ne sortirait pas seul de cette sordide passe, il ne pourrait pas quitter l'emprise de son père sans aide.

« - Tu es seul, Geonhak. »

Et son géniteur avait raison. Son enfant était maintenant seul, il avait parfaitement réussi son coup en l'isolant du monde sous la menace. Dongju lui avait été retiré de force puis on l'avait enfermé dans une pièce à part, ses amis avaient été amené dans un camp où ils ont dû subir d'horribles traitements. Cependant, le pire était que le Roi avait tellement retourné la tête de son fils que ce dernier avait lui-même déposé la dernière brique de sa prison en refusant que Youngjo redevienne son serviteur.

« - C'est pour leur bien. »

La lucidité était revenue un temps bien trop maigre mais ce fut suffisant pour qu'il puisse souffler cette phrase qui résonna dans son conduit auditif. Geonhak était certain qu'il s'agissait de la meilleure chose à faire, qu'éloigner ses amis de lui leur permettrait d'être épargné, du moins, cela pourrait repousser l'inévitable durant quelques semaines ou mois.

S'ancrant seul son idée dans la tête, le Ajri essuya les larmes qui avaient coulé sur ses joues alors que la porte de la salle de réunion se dessinait devant lui. Tête haute, le garçon prit une grande inspiration tandis que sa main s'approchait de la poignée et il tenta d'oublier le jugement que le trio portait à sa personne.

Peut-être était-il mieux qu'ils le haïssent ? Comme ça, ils s'éloigneraient de lui et seraient protégés. Secouant la tête de gauche à droite, Geonhak mit cette idée dans un coin de sa tête et il pénétra les lieux avec une démarche noble et fière : il ressemblait à une pâle copie de son père à l'instant.

« - Bien, expliquez-moi comment éliminer les rebelles à Zjarr. »

Kingdom {Oneus}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant