Rusted Souls [PLK]

2

Mathieu n'aimait pas vraiment les soirées, encore moins quand il s'agissait d'une fête de riches. Toutefois, c'était l'endroit parfait pour faire le chiffre d'une semaine en une nuit. Alors, il s'était traîné jusqu'ici à contre cœur avec Lisko. Chacun s'était posté à un endroit stratégique.
Le blond avait décidé de se trouver près de l'entrée. Les courses poursuites avec les flics avaient refroidi  ses ardeurs, il ne prenait plus le risque de s'aventurer ou de boire.

Appuyé contre le mur, il réalisait une énième vente du soir quand une petite brune dévala les escaliers. Hilare, elle manqua de chuter sur lui. Il leva les yeux au ciel, importuné, tout en lui tenant le coude pour la stabiliser. Il eut peine à la reconnaître tant elle était maquillée.

« Bah tiens ! » Elle parlait fort et son haleine sentait le whisky. Il grimaça. « On s'est déjà vu, nan ? »

« J'bosse là, va voir là bas. »

Elle leva les mains en l'air avant de s'éloigner, lançant son majeur négligemment en sa direction d'un air provocateur. Il souffla tout en secouant la tête, à la fois amusé et agacé. Il la suivit du regard tandis qu'elle attrapait une bouteille et l'apportait à sa bouche. Elle se dandinait d'un pied sur l'autre, tentant de danser malgré les vertiges évidents qui la prenaient.

« Pour vingt. » Mathieu la quitta pour tomber sur un jeune homme impatient qui tenait fermement son billet. « Un mec avec une telle dégaine ici, t'es là pour ça, non ? »

Il ne prit pas la peine de répondre avant d'échanger. L'argent glissa dans sa sacoche et il en profita pour s'allumer une cigarette. La nicotine détendit ses muscles mais l'envie de rentrer se faisait de plus en plus urgente. Toutefois, tandis qu'il tapotait nerveusement sur le meuble d'entrée, Lina se positionna devant lui. Elle était suffisamment proche pour y voir les paillettes sur ses joues. Elle brillait.

« Qu'est-ce que tu veux ? »

« Qu'est-ce que tu vends ? »

« Rien pour toi. » Elle ouvrit la bouche, étonnée. Malgré ses yeux dilatés, il percevait au-delà. « T'es déjà défoncée. »

« T'es vraiment un dealer de merde ! » Elle fit la moue et il se dérida. « Tu vas jamais faire tes chiffres comme ça. »

Il haussa les épaules. « T'as pas besoin de ça, Lina. » Elle baissa les yeux, prenant ses mots comme un avertissement. « Tu ferais mieux de rentrer chez toi. »

« Mais j'commence tout juste à m'amuser. »

La flamme dans son regard ne prit que quelques secondes à réapparaître. Elle s'éloigna en marche arrière, un sourire timide restant sur ses lèvres malgré ses yeux en feu. Il secoua sa tête, cachant son propre rictus. Toutefois, il ne lui fallut que quelques secondes pour la rechercher dans la foule. Elle dansait avec deux autres jeunes femmes tout en buvant son verre. Elle mettait son gobelet en l'air, renversant la moitié sur elle plus que dans son estomac.

Son admiration se stoppa net lorsqu'il se fit bousculer par Franck. Mathieu jura entre ses lèvres, tentant de passer devant pour alerter Lina qui était obnubilée par la musique.
Néanmoins, il n'eut le temps de la rejoindre qu'elle se faufilait à l'extérieur, poursuivie de près par les deux.

« Arrête toi putain ! Lina! »

Franck s'était écrié si fort qu'il surpassait l'environnement sonore. Mathieu s'arrêta net, regardant le petite brune devenant soudainement si frêle qu'il pensait qu'un coup de vent l'emporterait. Il regretta les flammes dans ses yeux qui s'étaient éteintes par les larmes. Lina recula un peu plus, au bord de la piscine.

« On rentre ! » Il essaya de l'attraper par le bras mais elle s'éloigna encore. « Tu fais quoi là, hein ? »

« Laisse-moi, j'ai rien fait de mal. »

Il ricana sarcastiquement. Mathieu baissa les yeux et se pinça les lèvres pour se retenir d'intervenir. « Oh tu crois ? Viens là tout de suite. »

Elle secoua négativement la tête avant de se laisser tomber en arrière dans la piscine. Le blond fit un pas en avant, prêt à plonger s'il le fallait. Toutefois, elle sortit de l'eau et il souffla, soulagé. L'inquiétude remonta d'un cran lorsque Franck sortit de son pantalon une arme. Il la secoua en sa direction comme si ce n'était qu'un jouet.

« Et là ? Tu sais que j'hésiterai pas ! »

« Laisse moi ! »

« Sors ! » Cette fois, il chargea son arme et tout le monde s'éloigna. Mathieu lui, s'approcha, prenant le risque de poser sa main sur l'épaule de Franck. « Qu'est-ce que tu veux ? »

« Ils vont appeler la police, vaut mieux que tu te barres. »

« Je m'en bats les couilles ! Lina sors ! »

Cette fois, Mathieu supplia du regard la brune qui nageait dans l'eau. Ils se regardèrent quelques secondes qui semblaient être de longues minutes. Et comme si elle pouvait entendre ses appels, elle sortit de l'eau, penaude.
Elle n'eut le temps de respirer que Franck attrapait son bras, criant des obscénités et des menaces. Ils traversèrent la maison d'un pas frénétique, suivit de près par le blond qui espérait pouvoir temporiser les choses.

« Écoute, elle a rien fait de mal ! Franck, arrête, ça va être un vrai bordel quand ça va se savoir ! »

« Ça te regarde pas ! » Le gérant se retourna vers Mathieu, pointant son pistolet contre son front. « T'aurais dû m'appeler pour me dire qu'elle était là ! »

Il leva les mains en l'air instinctivement. « J'en savais rien ! »

« Peu importe ! Casse toi de mon chemin maintenant ou c'est toi qui la prend ! »

A contre cœur, Mathieu s'éloigna de son chemin laissant passer Franck en furie et Lina en pleure. Il les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent dans la voiture.

Lisko ne tarda pas à le rejoindre pour s'appuyer amicalement contre lui. Ils marchèrent tout deux dans la rue, conscients que la police ne tarderait pas à débarquer et que leurs poches pleines de liquide étaient contre eux.

« Il est complètement taré, putain. »

« C'est peu dire. » Il s'alluma une cigarette. « Vivement que le rap marche pour plus jamais voir ce genre de délire. »

« Alors on va bosser Polak ! » Il frappa son épaule, tentant pas tous les moyens de l'enjouer. « Et tu vas nous faire des tubes pour qu'on se casse d'ici ! »

« En attendant... » Il ouvrit sa sacoche pour compter les sachets. « Il me reste de la came à vendre. »

« Il nous a niqué notre plan ce con. »

Mathieu haussa les épaules tout en souriant. « Mais j'ai toujours d'autres idées, c'est parti ! »

« D'autres plans foireux tu veux dire ! »

Ils pouffèrent tous les deux dans les rues de Paname en direction d'une autre soirée.