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Mathieu attrapa une serviette pour s'essuyer le torse. La scène était folle et les concerts s'enchaînaient sans qu'il ne s'en rende compte. L'adrénaline, l'alcool et les flashs lui avaient permis d'oublier la réalité parisienne. Du moins, c'est ce qu'il disait à qui voulait l'entendre.

En réalité, il ne supportait plus être seul parce qu'à chaque fois qu'il fermait les yeux, il sentait les mains et les lèvres de Lina sur lui. Il ne supportait pas non plus être accompagné parce qu'à chaque fois qu'il observait la foule, il pouvait la voir.

« Polak ? » Il enfila un sweater et un jogging avant de passer la tête par la porte. « Ta grand-mère au téléphone. »

« Merci. » Il attrapa son portable. « Allo ? »

« Ça va Mathieu ? J'ai mis le haut parleur, je suis avec Enzo. On voulait te souhaiter un bon anniversaire. 22 ans ! »

Ils échangèrent quelques politesses avant que le silence ne prenne à la gorge de Mathieu. Il n'avait plus rien à dire car plus rien ne l'intéressait. Il sortit du bus pour s'allumer une roulée, il étouffait. Le joint brûla ses lèvres tout comme les mots qu'il n'osait pas dire, pas encore. Il éloigna le téléphone de son visage pour souffler un coup.

« Mamie, j'dois y aller. » Il se racla la gorge pour retrouver constance.

« Lina va bien. » Il rapprocha son portable. Il n'avait rien demandé mais c'était devenu une habitude. Elle savait que ça l'apaisait un peu. « Elle vient d'apprendre qu'elle pourra terminer ses études. »

« C'est une bonne nouvelle. Elle peut être fière d'elle. »

« Tu devrais lui dire. » C'était la petite voix d'Enzo. « Elle serait contente. »

« J'pense pas Zozo. » Il se pinça les lèvres tout en fermant les yeux. « Bon, on se rappelle bientôt. »

Et il raccrocha sans plus attendre. Son portable semblait maintenant brûler dans ses mains. Il le tourna entre ses doigts avant de céder. Il regarda son fond écran, Lina souriait, bronzée, les bras posés au bord de la piscine. Il caressa de son pouce son visage, espérant secrètement qu'il s'anime.
Il reprit un flash pour faire passer la douleur dans sa poitrine. Toutefois, tout ce qu'il gagna était des vertiges et la nausée. Il ne se rendit même pas compte que ses larmes floutaient son fond écran ni que ses doigts tapèrent son mot de passe puis un texto. C'est lorsqu'il appuya sur envoyer qu'il comprit son erreur. Il jura entre les dents.

« Et bah joyeux anniversaire Polak, t'es vraiment le plus stupide. »

Toutefois, son cœur se mit à battre la chamade alors que son téléphone vibrait dans sa main. Il manqua de le lâcher tant ses mains étaient moites.

Mathieu : « Ma grand-mère m'a dit pour ton école, félicitations Lina. »

Lina : « Merci beaucoup. Joyeux anniversaire à toi. Je suis désolée de ne pas te l'avoir fêté avant mais je ne savais pas si je pouvais. »

Mathieu : « Je peux t'appeler ? »

Lina : « Oui, cinq minutes, je sors dehors. »

Il commença à faire les cents pas sur le bitume , une cigarette entre les lèvres. Elle avait accepté et il n'arrivait pas à y croire. Des mois de silence, de torture, pour qu'au final, un seul message lui permette d'entendre sa voix. Son portable sonna une nouvelle fois et il y répondit sans attendre une seconde.

« Allo ? »

« Salut, c'est Lina. » Il pouvait la voir sourire. Il se sentait bien. « Joyeux anniversaire, Mathieu. Et bravo, pour tes concerts... ici tout le monde parle de toi et de tes exploits. »

« Merci, Lina. Et toi, alors, future infirmière ? » Il l'entendit rire nerveusement. « C'est vraiment génial. J'en avais jamais douté mais j'suis fier de toi. Vraiment. » Elle resta silencieuse, assise sur le trottoir en face du foyer tout en essayant de tatouer ses paroles sous sa peau. « Lina ? T'es encore là ? »

« Oui. Désolée, c'est un peu bizarre de t'entendre. » Il fourragea ses cheveux, l'angoisse reprenant place.

« C'est moi qui suis désolé. J'aurai pas dû te c...»

«... Non, t'as bien fait, ça me fait plaisir. » Elle serra son téléphone plus fort, se pinçant les lèvres avant de reprendre. « Ça me fait du bien, en fait. Ta voix a toujours eu un pouvoir réconfortant sur moi. »

« Il y a un an on se rencontrait pour la première fois. »

« On en a vécu des choses depuis. »

« Peut-être qu'on pourrait se rappeler, de temps en temps ? » Il avait envie de se gifler. C'était lui qui avait rompu et en même temps, brisé leurs deux cœurs. Et le voilà, maintenant, presque à genoux, suppliant Lina de lui accorder quelques appels. « Comme tu veux. »

« J'veux bien. »

« Ouais ? »

« Oui, Mathieu. » Il avait envie de sauter de joie tellement son palpitant flambait. « Mais....ça ne veut rien dire pour nous. Tu m'as brisée le cœur alors que tout ce que je voulais... tout ce que je voulais, c'était de te protéger. Tout ce que j'ai fait moi, c'est t'aimer. »

« C'est ce que j'ai fait Lina, moi aussi... J'supporterai jamais l'idée que tu te mettes en danger pour moi. J'assume toujours mes erreurs. » Elle resta silencieuse encore une fois. « Lina, ne me déteste pas. Tout sauf ça. »

Elle essuya ses larmes tout en se relevant. « J'crois que c'était pas une bonne idée, Mathieu. » Elle s'approcha du foyer, prête à raccrocher. « Encore joyeux anniversaire. Mais nous deux, c'est terminé, pour de bon. J'te laisserai pas me briser une deuxième fois. »

« Lina, non, attends ! » Tandis que le pas de Lina était résolu, celui du blond était furieux, paniqué. Ça ne devait pas se passer comme ça. « Ça peut pas se terminer comme ça ! »

« J'dois te laisser, au revoir. »

Et elle raccrocha.

Mathieu jeta son téléphone de l'autre côté de la route tout en explosant dans un cri de désespoir. Un de ses amis descendit du bus, interpellé par sa détresse. Toutefois, le blond ne se laissa pas prendre dans les bras,préférant se débattre seul dans son propre malheur. Il le repoussa avant de s'éloigner, donnant des coups de pieds dans toutes les poubelles à proximité.

Lina éteignit son téléphone avant de rentrer dans le foyer, passant sa carte pour entrer. Elle essuya ses larmes tout en allant dans sa chambre commune. Les autres femmes la regardèrent, sans un mot, tout en s'assurant qu'elle n'allait pas plus sombrer qu'avant l'appel. Elle se força à sourire avant de grimper dans son lit pour se cacher dans sa couette.

Rusted Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant