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Mathieu se laissa choir sur le bord du lit, une cigarette éteinte entre les doigts tandis que sa petite amie prétendait dormir. Toutefois, elle en était incapable parce qu'il ne cessait de déambuler, épris d'une terreur nocturne. Il essuya ses tempes moites tout en tentant de retenir les soubresauts provoqués par ses pleurs. Ce fut de trop pour Lina, entre la pesanteur de la pièce et les émotions du blond, elle s'installa de profil pour le regarder.

« Tu ne veux pas venir t'allonger ? » Il secoua la tête tout en reniflant. « J'peux au moins approcher ? » Cette fois, il accepta et elle ne perdit pas de temps pour le rejoindre, s'accrochant à son dos. « Arrête de te torturer. »

« J'suis pas comme ça, d'habitude. » Elle se glissa sur ses genoux, manquant de chuter s'il ne l'avait pas récupéré. « J'suis celui qui aide pas celui qu'à besoin d'aide. »

Elle attrapa son visage pour papillonner sur ses joues. « Tout le monde a besoin d'aide à un moment donné. » Il ferma les yeux tandis qu'elle embrassait ses paupières. « Écoute, tu veux que je te dise la vérité ? Que tu veuilles ou non l'accepter, la seule figure d'éducation et d'amour que tu as connu depuis jeune, c'est ta grand-mère pendant que tes parents se refaisaient une vie. On t'a laissé aucune chance dès le début. Mais, bébé, tu t'es battu et t'es sorti de tous les clichés possibles. Mais à côté, les problèmes restent présents et tout ne change pas. Ton père boit toujours. Enzo est encore un gosse, qui te ressemble beaucoup trop et tu détestes ça. Et puis... il y a moi et toutes mes galères. Tu m'as vu dépérir, m'éteindre devant tes yeux. Tu m'as soutenue encore et encore. » Elle essuya ses joues trempées de ses pouces. « Tu m'as lavée... tu m'as donnée à manger même... » Elle pouffa plus pour elle-même avant de reprendre. « Tu m'as fait l'amour... un nombre incalculable de fois jusqu'à ce que je revive. Et alors que tout se temporisait de ce côté là, Mehdi...Mehdi nous a quitté. » Mathieu craqua à sa déclaration, un sanglot éclatant dans sa poitrine. « T'as le droit de craquer. »

« J'voulais que tu me laisses. » Elle fronça les sourcils, sentant son cœur tomber dans le creux de son estomac. « Ces dernières semaines, je me disais qu'au moins, si tu me quittais, j'aurai une bonne raison de me laisser aller. »

« T'as essayé. »

« J'ai bu et fumé à en crever. Je t'ai repoussé. » Il secoua la tête en pensant à ces dernières semaines où il avait usé de ses pires vices pour se renfermer. « Et ce soir, j'ai la tête qui va exploser parce que j'arrête pas de me dire que si je te trompais, au moins, tout serait détruit et je pourrais m'enfoncer sans que t'essayes de me retenir. »

« Sauf qu'on s'aime, pas vrai ? »

« Justement, t'es la seule chose qui me permet de tenir aujourd'hui. J'm'en fous du reste, j'm'en fous de tout. »

« Alors tiens parce que je suis là et que si tu pars, je plonge avec toi. » Elle se pinça les lèvres, détestant l'idée qu'il soit là seulement parce qu'elle faisait du chantage mais ça avait été le cas pour elle, il y a encore quelques mois, tenant seulement par amour. « Et je te l'ai déjà dit... tout ça...mais cette fois, plus de conneries. » Il acquiesça, penaud. « Plus d'alcool, de nuits blanches et de bagarres, moins de beuh et de cigarettes. »

« Plus de câlins ? » Elle y répondit favorablement en l'enlaçant.

« Plus de câlins et de calme. » Elle caressa sa nuque et il la serra plus fort contre lui. « Et si tu penses encore à me tromper, je t'attrape les couilles et les écrase. Compris ? »

« J'crois bien. »

« Et parle-moi. J'refuse que tu réfléchisses à des moyens d'auto-destruction seul. Si t'as des idées noires, parle-moi. » Il acquiesça seulement tout en arrondissant le dos, se plongeant dans la nuque de Lina. « Alors maintenant, allonge-toi, dors dans mes bras. » Il l'attrapa par les fesses pour remonter jusqu'à la tête de lit. « Et je surveille tes pensées de près. »

« Et quand je repartirai en tournée ? » C'était bientôt les zéniths, Lina le savait. Toutefois, elle avait préféré ignorer l'évidence, l'éloignement entre les deux n'avait jamais rien eu de bon. Elle ferma les yeux, préférant éviter le sujet. « Mais tu pourras venir ? »

« Pas tout le temps, tu l'sais. »

« Pourquoi ? J'croyais que ton école voulait plus de toi ? »

« Ça ne veut pas dire que j'vais passer ma vie derrière tes bottes ? » Elle retira sa tête de son cou, les sourcils froncés, tandis que lui attrapait sa main pour y déposer ses lèvres, cherchant par tous les moyens une sur-stimulation tactile pour éviter de revenir à ses idées noires. « J'ai une partie du loyer à payer ? J'aimerais pouvoir vivre au lieu de survivre. »

« J'pourrai payer le loyer en entier. »

Elle posa son index sur sa bouche tout en secouant la tête. « J'te déconseille d'aller vers ce sujet. Tu sais déjà que j'veux être indépendante. »

« Ouais, enfin... » Il se redressa pour quitter les bras de Lina, hésitant à attraper la perche tendue pour créer un conflit. « J'suis par Marcus ou Franck, non plus, j'te donne pas de l'argent pour avoir quelque chose en échange. »

« J'ai jamais dit ça. » Elle attrapa un pull et ses chaussettes. « Tais-toi avant de le regretter, tu veux ? »

« Tu vas où ? »

« Me rafraîchir et m'éloigner, avant de rentrer dans ton jeu et qu'on finisse par regretter nos mots. J'en ai marre de nos disputes à répétition. »

« Donc tu préfères pas dire la vérité ? » Elle le regarda alors qu'il était assis sur le matelas, les mains sur les genoux tout en étant faussement nonchalant. « Eh bah, vas y, Lin'. J'vais pas te retenir d'éviter une conversation. »

« Arrête d'être aussi con. »

Elle lui lança son majeur avant de partir de la chambre pour rejoindre la cuisine où elle se servit un verre d'eau. Elle attrapa une petite bouteille d'eau pour la lancer à Mathieu, lui criant que lui aussi avait besoin de ravaler ses idées. Elle s'allongea sur le canapé, croisant les jambes tout en jouant avec les pointes de ses cheveux. Elle espérait secrètement qu'il vienne la chercher, penaud et qu'il s'excuserait de son comportement.

Toutefois, lorsqu'il revint, il s'était habillé, une roulée entre les lèvres et une veste sur le dos.

« Finalement, j'avais pas besoin de réfléchir à comment me trouver au fond du trou. » Il claqua le téléphone de Lina sur la table. Elle se releva dans un sursaut. « T'as fait le coup de grâce. »

« Qu'est-ce que tu racontes ? T'as fini un peu ? »

« T'es toujours en contact avec Lucie. »

« Pourquoi t'as fouillé dans mon portable ? » Elle regarda son écran et tomba sur un message de son amie lui racontant sa journée, loin de Paris. « On peut en parler ou tu préfères partir ? Tu cherches vraiment à tout détruire. »

« J'ai pas besoin de chercher vu que tu le fais. Ton idée de tourner la page, c'était vraiment que des conneries. » Il secoua la tête. « J'suis sûr que t'attends la sortie de Franck pour revenir à tes anciennes merdes. J'ai ma dose, Lina. »

« Tu dis n'importe quoi. » Elle fronça les sourcils, les yeux déjà larmoyants. « Lucie n'a personne. On discute seulement. »

« J'm'en fous. » Il attrapa ses clés et enfila ses baskets. « J'm'en bats les couilles. Tout ce que tu sais faire, c'est mentir, tout le temps. T'as menti quand tu t'es fait violer, quand t'as été chez les flics dans mon dos, quand tu m'as quittée pour Marcus. » Il la pointait du doigt, les joues rouges et les veines proéminentes. « Tu m'as menti pour ta mère, p-pour Lucie... Et je n'sais quoi encore ? »

« Arrête, reste, assis-toi au moins. » Elle tenta de lui attraper le bras mais ses vociférations empêchèrent de faire un pas. « S'il te plaît, Mathieu, tu peux pas partir fâcher comme ça. On peut en parler. »

« Nan, Lina ! Putain, nan ! J'emmerde ta putain de carte de la communication ! Tu la sors que quand ça t'arrange ! »

Et juste comme ça, il s'en alla.

Rusted Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant