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Lina fit un énième détour devant sa fenêtre pour regarder la rue. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il semblait que sa cage thoracique était devenue trop petite. Elle tira ses rideaux avant de se recroqueviller dans son canapé, la tête sur les genoux tout en essayant de reproduire les exercices de respiration qu'elle avait vu dans une recherche désespérée sur internet. Et elle se calma ainsi, sans alcool ou comprimé, sans auto-destruction, mais en repensant à tous les combats qu'elle avait mené, à toutes les fois où elle avait envoyé son majeur à sa propre existence. Alors, elle se leva, enfila ses chaussures puis attrapa javel et couteau avant de descendre rejoindre cette voiture qui stationnait depuis des semaines et surveillait tous ses faits et gestes. Elle toqua contre la vitre, la bouteille de désinfectant prête à être jetée au visage de la personne.

Toutefois, lorsque le carreau descendit, elle descendit les armes.

« Qu'est-ce que tu fous là ? »

« Viens à l'intérieur, il fait froid. » Elle fit le tour pour s'asseoir, profitant du chauffage. « De la javel et un couteau ? »

« J'avais que ça dans mon appartement. » Elle haussa les épaules. « Qu'est-ce que tu fais là ? »

Il s'alluma une cigarette, pris à son tour d'une anxiété sans nom. « J'arrive pas... » Il ferma les yeux si fort que des rides d'inquiétude se formèrent sur son visage. « Putain, j'sais même pas comment sortir ça sans que tu penses que je mets le problème autour de moi. »

« Ça sera jamais le cas. » Elle se mit au bord de son siège pour se tourner et le regarder pleinement. Ses cernes étaient noires comme son humeur, il faisait peur à voir.

« J'arrive pas à te quitter de vue de peur que quelque chose t'arrive...J'arrive plus à m'endormir sans voir ces photos... J'arrive plus à réfléchir sans penser à ce que t'as vécu... » Il n'essaya pas de cacher ses larmes. « J'aimerais tellement changer le passé, que tu ne connaisses pas cette souffrance. » Lina déposa sa main sur son avant-bras. « J'aimerais... J'aurais aimé pouvoir te protéger. J'en sais rien... »

« Mais Mat...tu ne peux pas changer tout ça, ça marche pas comme ça. »

« Et c'est ça qui me tue. » Il s'appuya contre la têtière, regardant le plafond de sa voiture. « C'est injuste, toutes ces merdes qui te sont arrivées. Si je pouvais, j'prendrai toutes tes galères. » Lina serra un peu plus son bras, espérant attirer son attention mais il resta immobile. « Et dire qu'on s'est pris la tête pour des trucs débiles, dire que je t'ai blessée un million de fois alors que tu souffrais déjà assez. J't'ai quitté pour pas que t'ailles chez les flics, j't'ai empêché de témoigner. »

« Tu veux bien venir à l'intérieur ? » Il sortit de sa torpeur pour l'observer. « Je déteste qu'on discute de ça dans la pénombre de ta voiture, sans que je puisse vraiment te regarder. »

Il acquiesça avant de la suivre à l'intérieur. Son appartement n'avait pas changé depuis la dernière fois et il eut mal au cœur en repensant à leur dispute. Elle sortit deux canettes de soda et lui en tendit une. Il la remercia dans un murmure avant de se poser contre le comptoir.

« Tu te rappelles la dernière fois que t'étais là ? » Il voulut lui dire qu'il y pensait, justement mais préféra seulement hocher la tête. « Je te remercie d'avoir refuser, t'avais raison... même si j'ai été horrible avec toi. Et mes propos étaient pas justes... »

«...C'est bon, Lina, on n'est pas obligé de revenir là-dessus. »

« J'étais en colère et j'voulais te blesser mais en vrai, c'était au début que j'ai fait ça. Après, je me suis rendue compte que je pouvais te faire confiance et que j'avais envie d'être pleinement consciente de tout ce que tu me faisais ressentir. » Lina cacha ses joues cramoisies grâce à ses cheveux. « Mais ça n'excuse rien, j'aurai dû être honnête dès le début. »

Mathieu tendit sa main et elle l'attrapa après avoir posé son soda. Ils s'électronisèrent tout deux à ce contact. De sa main libre, il essuya une larme sous l'œil de Lina tout en s'attardant sur sa pommette. Elle ferma les paupières pour profiter de sa tendresse, s'approchant un peu plus de lui jusqu'à se retrouver entre ses jambes, leurs souffles se mélangeant.

« J'suis désolé de t'avoir quitté en pensant que ça allait te protéger. J'ai vraiment été trop con. »

« Ne repartons pas sur de mauvaises bases. » Son front se positionna sur le torse de Mathieu. Il lui semblait pouvoir sentir ses palpitations à travers son sweat-shirt. « Mais il est hors de question que je vive sans toi, je t'en supplie, ne pars pas. » Il serra la mâchoire pour se retenir de pleurer.

« Plus jamais. » Il la serra dans ses bras.

« On pourrait essayer de prendre notre temps. » Mathieu s'éloigna pour s'assurer de ce qu'il avait entendu. « Peut-être ? »

« Ouais...non... c'est une bonne idée, t'as raison ! » Il embrassa sa tempe. « On va prendre le temps. » Elle acquiesça pour se convaincre tandis qu'il faisait un pas en arrière. « J'vais retourner à la voiture. »

« Quoi ? Non ! » Elle lui attrapa le bras avant qu'il ne s'échappe. « Rentre chez toi. Il ne m'arrivera rien, va te reposer. » Elle le lâcha soudainement et il fronça les sourcils, se retenant de lever les yeux au ciel.

« C'est pas parce que tu me touches qu'on va se sauter dessus. »

« Je sais. » Elle baissa le regard.

« Enfin peut-être pas pour toi ? » Il portait ce demi-sourire qui la faisait fondre. Elle frappa son torse pour briser la tension.

« Bien sûr que si ! D'ailleurs, reste ici... Tu dois te reposer mais si tu veux continuer à jouer le garde du corps, reste. »

Il acquiesça et elle repartit dans sa chambre, espérant qu'il la suive sans qu'elle ne lui demande. Et il le fit, retirant son sweat-shirt pour s'allonger à ses côtés. Il se mit face à elle pour la regarder pleinement. Il voulait la toucher jusqu'à user la pulpe de ses doigts et l'embrasser jusqu'à perdre la tête. Toutefois, il resta immobile, à la fois trop proche et trop loin. Lina fermait les yeux, essayant de dormir malgré les palpitations dans sa poitrine. Il éteignit finalement la lumière, incapable de la scruter plus longtemps sans rompre leur nouvelle règle.

« J'suis censé partir en vacances dans quelques jours. »

« Ça te fera du bien. »

« J'ai plus aucune envie. »

« Mat... » Elle ronchonna. « C'est complètement stupide. »

« Non, c'est plus fort que moi. J'peux pas te perdre de vue, plus jamais. »

« Tu dis n'importe quoi. »

Elle marmonna tout en tombant dans le sommeil et Mathieu ne prit pas la peine de s'expliquer ou de se défendre. Elle attrapa sa main pour entrelacer leurs doigts.

Il murmura, espérant qu'elle se réveille. « Lina... » Elle ne répondit pas, sa main devenant lâche alors qu'elle s'endormait. « Lin... »

Et comme si ses murmures étaient un appel ou une supplication, elle se colla un peu plus contre lui. Elle se faufila entre ses bras pour se blottir contre son torse. Il n'essaya pas de garder ses distances, incapable de lutter contre la brune dans ce lit. Et, pour une fois, il ne réfléchît pas à ce qu'elle avait vécu, à cet interrogatoire qui avait détruit sa propre naïveté. Non, il pensait seulement à sa peau contre la sienne, à cette tendresse dont elle faisait preuve même en dormant.

« Je t'aime Lina. »

Rusted Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant