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Auteure : loin d'avoir le morale, je me réfugie dans la fiction. Je vous envoie un chapitre par jour jusqu'à dimanche.

Lina attrapa la poignée de la voiture pour empêcher l'ouverture de la portière. Malgré son angoisse, aucune larme ne pouvait sortir tant elle avait pleuré à l'hôpital. Elle gémissait seulement, la jambe dans le plâtre et la mémoire flanchant à cause des antidouleurs. Mathieu ouvrit l'autre côté, l'agacement transpirant par tous ses pores. Il souffla pour reprendre constance avant de s'asseoir.

« Tu veux bien descendre de la voiture ? » Elle se retourna pour le regarder, elle avait les yeux éclatés et la bouche gonflée. « Viens dormir un peu. »

« Ça va pas. » Elle secoua la tête. « Il faut que tu me retires ça, je t'en supplie, enlève ça. » Elle pointait du doigt son immobilisation.

« On peut pas le retirer, Lin'. » Il attrapa sa main et elle se laissa faire. « Viens. »

Elle se remit à sangloter. « J't'ai dit qu'on était condamné à l'échec. » Elle posa sa main sur ses lèvres, accentuant sa dramatisation. « Et tu n'as même plus envie de coucher avec moi. »

« Mais arrête. » Il tenta au mieux de retenir son irritation. « On en parlera pas maintenant alors que t'aies complètement défoncée. »

« Tu me détestes. »

« Lina, si tu te bouges pas tout de suite, j'vais vraiment m'énerver. » Il attrapa son bassin pour la tirer vers lui et elle se laissa faire. « La soirée a été assez longue comme ça. » Il sortit de la voiture et se pencha vers elle. Elle avait les lèvres plissées comme une enfant qui s'était fait disputer. « Attrape mon cou. »

Et elle le fit sans rechigner. Il la porta jusqu'à l'intérieur tandis qu'elle se blottissait contre lui. Il l'allongea dans le lit du plus bas et se libéra malgré la force qu'elle exerçait. Il resta à ses côtés, assis, une main sur sa hanche tandis qu'elle jouait avec les trous du jeans du blond. Ils restèrent un instant dans le silence, essayant d'intégrer cette soirée.

« J'ai vraiment merdé. » Il essuya de son pouce les pommettes humides de Lina. « J'ai réussi à me casser une jambe sans même faire du ski. »

« Ça arrive. » Elle acquiesça. « Ce qui compte, c'est que tu sois encore là. Ça aurait pu être pire. »

« On aurait été tranquille. » Elle ferma les yeux, le menton tremblant tandis qu'il fronçait les sourcils, incapable de l'écouter. Il caressa ses cheveux.

« Il faut que tu te reposes. » Il attrapa le matelas du haut pour se mettre à terre.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

« T'as besoin de dormir. » Il s'allongea, se réajustant un million de fois pour trouver un certain confort. « Et j'compte pas te laisser même si t'es chiante. »

Elle attrapa le bout de son matelas pour le tirer vers elle mais le poids de Mathieu le rendait impossible à bouger. « Approche, t'es trop loin. »

Il souffla mais s'exécuta. Finalement, au bout de quelques minutes de calme, elle laissa sa main tomber vers lui pour toucher du bout des doigts son visage, s'arrêtant de son index sur chaque grains de beauté. Il tenta de ne pas rire devant sa tendresse mais lorsqu'il ouvrit les yeux et tomba sur sa moue, il ne put se retenir.

« Qu'est-ce que tu fous ? »

« T'es beaucoup trop beau et mignon. » Il tapota sur sa main pour l'éloigner. « Hey ! Laisse-moi faire ce que je veux. »

« T'es pénible, Lin. »

« Avoue que t'aimes trop être chouchouté. » Il entrelaça leurs doigts pour l'arrêter dans ses ardeurs.

« Il faut que tu dormes. »

« Mais j'ai pas sommeil. » Il se redressa, s'appuyant sur son coude pour la regarder. « Et tu devrais me prouver que t'as toujours envie de moi. » Il voulut l'interrompre mais elle continua. « En plus, c'est de ta faute si j'suis sortie et que j'suis tombée. » Mathieu prit le coup de massue. Il baissa les yeux, la culpabilité qu'il ressentait depuis son interview avec les policiers devint écrasante. « C'était une blague. »

« Revois tes blagues, alors. » Il se leva pour éteindre la lumière et se rallonger. « J'en ai ras le cul Lina. Combien de merdes on va devoir encore supporter ? J'veux bien tout faire pour que ça marche mais là, j'ai ma dose. »

« Désolée. »

Ils restèrent ainsi, dans le silence. Mathieu, incapable d'exprimer sa culpabilité et sa peur de mal faire. Lina, incapable d'exprimer ses blessures et son amour. Pourtant, leurs cœurs battant à l'unisson, sembla les aider. Elle souffla avant de fermer les yeux.

« Est-ce qu'on peut parler franchement ? »

« T'es défoncée. »

« Non, ça va mieux. » Elle mentait. Sa tête tournait tellement qu'elle avait la nausée. Toutefois, elle ne voulait plus repousser cette discussion. « Je t'aime. Et j'peux bouger des montagnes juste parce que je t'aime. J'suis désolée de t'avoir menti, de rien t'avoir dit. J'avais peur et là, tu confirmes mes peurs. J'voulais qu'on prenne le temps car j'ai peur que ça marche plus entre nous à cause de ça, j'ai peur de te perdre. » Elle pleurait maintenant.

« Tu devrais pas avoir peur. » Elle ricana comme si son évidence était stupide. « J'suis pas très doué dans les relations, j'sais bien. Ma mère a préféré se barrer et mon père préfère frapper quand ça va pas. Du coup... Je préfère tout faire péter ou me barrer plutôt que d'arranger les choses... »

«...Alors essaye. Si tu m'aimes, essaye. »

« J'ai appris ton viol par des flics. Pas par toi mais par eux. Et j'sais que c'est putain d'égoïste de réfléchir comme ça mais fais chier, Lin. T'imagines mêmes pas la torture qu'ils m'ont fait subir, la culpabilité qu'ils m'ont fait ressentir. » Il souffla, essayant au mieux de se contenir. « Mes sentiments ont pas changé envers toi mais j'peux pas faire comme si j'savais pas. J'peux pas coucher avec toi sans penser que si je mets ma main pour te faire taire, tu vas pas croire que j'veux abuser de toi. Alors j'ai peur aussi. Peur que ça marche plus, peur que tu penses comme les flics, que j'suis tout autant coupable, que j'vais te faire du mal.»

« Est-ce que tu crois pouvoir passer outre ? »

Il acquiesça vivement. « Bien sûr que oui. » Elle ne répondit pas, doutant. « Mais j'crois qu'on va devoir faire des efforts. »

« Il faut qu'on communique. » Il lui tendit sa main et elle la prit. « Plus de mensonges. Plus de non dits. » Elle se leva, manquant de chuter à cause de son plâtre. Finalement, elle le rejoignit sur le matelas au sol, se collant à lui. « Même si c'est pour rien dire, on se doit de parler. »

« Ok. » Il la serra contre lui.

« Et j'ai jamais pensé, une seule seconde, que t'avais une part de responsabilité là dedans. Au contraire, j'ai toujours su que j'pouvais te faire confiance. C'est pour ça que j'ai jamais eu de mal à aller vers toi. J'ai toujours pris plaisir à être dans tes bras. »

« Tant mieux. Ça me rassure. » Il embrassa ses cheveux. « Moi aussi, j'ai toujours eu confiance en toi. »

Rusted Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant