Rusted Souls [PLK]

29

« Un vrai succès ta mixtape ! » Le policier lui tendit un café avant de s'asseoir. « Les derniers mois ont été intéressants pour nous aussi. »

« Bonnes nouvelles. »

« On sait qui vivait avec Franck. » Mathieu quitta des yeux la table pour le regarder. « Lina Diaz. Ça te dit quelque chose ? »

« Non, rien. » Il haussa les épaules.

Le policier sortit plusieurs photos de son dossier. Le blond sentit son cœur exploser en les voyant. Elles étaient des clichés de caméras de sécurité de l'aéroport, à leur retour de Guadeloupe. Il réajustait son bonnet, l'embrassait... Ils paraissaient heureux. « Pourtant, vous êtes partis en vacances ensemble, vous aviez l'air très proches, tu trouves pas ? »

« Où est-ce que vous voulez en venir ? »

« Quels étaient vos rapports ? » Il lui fit les grands yeux tout en agitant un cliché devant sa tête, l'air de lui dire que ça se voyait. « De ce que je sais, vous vous êtes rencontrés chez Franck et ça a été très vite entre vous, un vrai coup de foudre, c'est ça ? » Mathieu continua de fixer la table où s'étalait un bout de son histoire. « Est-ce que tu peux me parler du soir où elle a dû retirer une balle dans un bras ? »

Cette fois, il le regarda. Il savait. Quelqu'un avait parlé. « Franck l'a prise sous son aile parce qu'elle faisait des études d'infirmière. Elle n'a jamais touché à la drogue. » Il laissa un silence s'imposer, espérant qu'il l'intègre bien dans sa tête. « Quand j'suis arrivé, elle avait les mains dans le bras d'un gars. Il s'était fait tirer dessus. Elle essayait juste de le sauver et de toute manière, elle n'avait pas le choix. Ils étaient tous armés. C'était ça ou elle se fait buter, vous voyez ? » Le policier acquiesça. « Franck m'a viré et j'ai attendu Lina. Elle a foncé jusqu'au toit, je l'ai rejoint et on a conclu qu'elle devait partir d'ici. Je l'ai pas revue en suite. J'y suis retourné le matin et vous m'avez arrêté. »

« C'est tout ? »

« Ouais ? » Mathieu fronça les sourcils.

Le policier ouvrit de nouveau son dossier. « J'ai bien le canapé tâché de sang du gars. » Il sortit un cliché. « Mais j'ai quelques trucs qui ne collent pas, Mathieu. Pourquoi Lina n'a jamais fait sa valise ? Pourquoi on l'a retrouvée, le matin chez toi ? »

« J'en sais rien ! Elle a sûrement paniqué ! » Il se redressa de sa chaise. « Franck était un connard et les gars de ce soir là n'avaient pas l'air d'être des anges ! »

« Il parait que tout le monde s'était retourné contre Franck, c'est vrai ? Toi-même tu en as les conséquences, non ? » Le policier toucha son propre torse. « T'as bien une cicatrice ici, non ? Montre-moi. » C'est ce qu'il fit tout en serrant la mâchoire. « Donc, si je comprends bien, on s'en prenait à tout ceux qui travaillaient pour Franck ? » Il haussa les épaules. « Comment est-ce que tu décrirais la relation entre Franck et Lina ? »

« Il l'a utilisée. Je compte pas le nombre de fois où il l'a menacée, insultée, blessée... »

«...Alors pourquoi est-ce qu'il l'a laissée partir ce jour-là ? » Mathieu resta silencieux, complètement perdu. « Peut-être parce que quelqu'un a voulu faire passer un message grâce à Lina ? Suffisamment important pour qu'il se fasse massacrer à coup de crosse et décide de se défoncer et de se dénoncer ? »

« Qu'est-ce que vous racontez ? »

« Ah tu ne savais pas ? » Il sortit une énième preuve. « Regarde, c'est le numéro de Franck qui nous a appelé. »

« Non, j'parlais pas de ça. Je m'en fous de Franck. Qu'est-ce que vous entendez par un message ? »

« Comment trouvais-tu Franck, ce soir là ? »

« Putain mais dites-moi ce qu'il se passe ! Qu'est-ce que vous savez ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ce soir-là ? » Mathieu fourragea ses cheveux. Ses mains étaient moites et son cœur semblait vouloir ressortir de sa poitrine tant il souffrait d'être là. Il attrapa les photos de Lina et lui pour essayer de se calmer. Sur l'une d'elle, elle souriait si grandement en le regardant qu'il aurait tout donné pour y retourner.

« Elle t'a vraiment rien dit ? » Le policier secoua la tête. Il sortit d'autres clichés. Sauf que cette fois, elles étaient prises par un portable en selfie. Mathieu eut la nausée en les voyant. Il ferma les yeux, incapable de les affronter. « Regarde-les. »

« Hors de question. » Il l'avait reconnue directement. De par ses grains de beauté qu'il avait embrassé, par ses hanches qu'il avait mordillé à ses cuisses qu'il avait caressé. « Enlevez ça putain. » Il serra la mâchoire pour retenir sa colère et son désarroi. « C'est quoi ces conneries ? »

L'homme en uniforme se leva pour tourner dans la pièce, augmentant la tension déjà trop importante. « Lina est venue, il y a quelques mois. On a beaucoup discuté. Elle nous a raconté de folles histoires mais surtout de tout ce qu'elle a subi. La violence physique et psychologique de Franck. La pression et la peur de tous ces hommes. »

« Ça suffit, j'veux partir. »

« Elle a parlé de toi. Du seul mec qui lui a permis de voir une sortie. » Le policier remit en avant les images d'eux deux à l'aéroport. « Bon, apparemment, elle t'a mis à l'écart sur certaines vérités... » Il laissa le silence envahir la salle avant de reprendre. « J'vais te dire la version que j'ai collecté entre Franck et Lina. J'ai la même version que toi, au début...mais je sais ce qu'il s'est passé quand tu n'étais pas là. » Encore un mutisme. Mathieu avait envie de lui crier d'accélérer, il en pouvait plus. Il essuya une perle de transpiration de sa tempe. « Elle est rentrée après son escapade sur le toit avec toi mais... ils l'ont forcé à se droguer pour la remercier. » Il sortie la photo de la table basse de l'appartement, les sachets y étaient, vides. « Tu savais qu'elle avait arrêté ? C'est vraiment terrible. » Le policier haussa les épaules, presque nonchalant et le blond eut envie de lui enfoncer les clichés au fond de sa gorge. « Bref, ils sont repassés. Et comme ils l'ont fait pour toi, ils se sont vengés sur elle pour les actes de Franck. »

« Non, c'est impossible... » Il avait murmuré plus pour lui-même. « Personne ne ferait du mal à Lina...elle est... »

« Ils lui ont demandé de regarder la plaie alors elle l'a fait. Elle a regardé dans sa chambre. »

« Arrêtez... »

TW

Le policier s'appuya contre la table, juste à côté de Mathieu qui étouffait. « Mais en réalité, ils sont pas venus pour ça. Ils l'ont plaquée sur lit. »

« Ça suffit. »

« Elle s'est débattue si fort, ils l'ont tenue si fort qu'elle a eu des contusions partout. » Il attrapa les photos pour lui forcer à les regarder. « Et toi, tu n'as rien vu. »

« On a pris notre temps tous les deux...elle m'a jamais rien dit. J'pouvais pas savoir. » Mathieu ferma les yeux pour retenir ses larmes.

« Ils l'ont mise sur le ventre, nue, pour qu'elle se soumette et qu'elle se taise. » Cette fois, il craqua, le menton tremblant et les joues trempées. Il voulait être sourd. « C'était sa première fois. » Le policier claqua son calepin lourdement contre la table, Mathieu en sursauta. « Enfin quand tu y penses, c'était ses deux premières fois. Heureusement pour elle, elle a fini par s'évanouir. »

Le blond se leva, renversant la chaise. « Arrêtez ! »

« C'est sûrement ce qu'elle a supplié, elle aussi. » Le policier ramassa son dossier, laissant seulement les photos des hématomes de Lina. « Tu vois, Mathieu, il est temps de faire face à la réalité. Toutes vos conneries... ça a des conséquences. C'était qu'une gamine, arrivant sur Paris, avec des rêves d'infirmière, qui a été embarquée dans plus grand quel. Quand est-ce que ça va s'arrêter pour elle ? Ses violeurs sont toujours en liberté. »

Le policier attrapa la poignée, prêt à partir. « Et vous, alors ? Hein ? Vous me ferez pas croire que vous avez jamais vu Lina avant ? Alors que vous étiez toujours à nos culs ? » Il criait maintenant, les joues brûlantes. « Vous n'avez jamais vu une jeune femme avec Franck ? Vous vous êtes pas dit qu'il fallait la protéger ? Non, vous vous êtes juste dit que c'était une de ses putes ? Vous avez rien fait non plus alors que vous êtes censés protéger ! »

« Rassure-toi comme tu veux. »