45

1.1K 36 21
                                    

Auteure : Pour H, à toi qui a fait mes lacets même quand j'en ai plus eu besoin.

Mathieu rangea les vêtements de Lina, les pliant négligemment dans le sac de transport tandis qu'elle le regardait, assise sur le bord du lit. Il était temps de partir de l'hôpital, les plaies externes étant suturées et propres. Pourtant, l'appréhension était telle qu'ils ne s'étaient pas parlés depuis son arrivée. Ici, elle se sentait en sécurité, l'extérieur était un autre monde bien plus terrifiant. Le bruit de la fermeture éclaire perturba Lina qui sortit de son état hypnotique.

« T'as rien oublié ? » Il secoua la tête tout en vérifiant néanmoins. « J'ai besoin d'aide pour mettre mes chaussures. » Elle avait les joues cramoisies et il ne put s'empêcher de sourire.

« Pas de problèmes princesse. » Il attrapa ses baskets pour les lui enfiler, prenant le temps de faire ses lacets. Il se sentit bête en sentant son cœur battre la chamade par leur proximité. Ils ne s'étaient pas touchés, ni même frôlés, depuis trop longtemps. « Et voilà. » Elle se leva, quittant le lit où elle avait dormi plusieurs jours pour retrouver le froid des couloirs. Il la guida, connaissant les lieux comme sa poche. Toutefois, il dut ralentir parce que Lina ne suivait pas, la fatigue et la douleur l'essoufflant. « Ça va ? Tu veux que je demande un fauteuil ? »

« J'sais encore marcher. »

« J'voulais juste t'aider. »

Elle pinça les lèvres tout en reprenant le chemin vers la voiture. « J'sais, désolée. J'pensais pas que ça allait être aussi dur. »

Elle ne l'attendit pas pour l'aider à s'installer sur le siège passager, jurant de tous les noms le constructeur, alors que Mathieu mettait sa valise dans le coffre. Il prit son temps afin de souffler en cachette. Il fut même soulagé de sentir son portable vibrer. Du moins, jusqu'à ce qu'il voit le numéro. Il discuta un instant tandis que Lina essuyait son front moite de souffrance. Elle le regardait, grâce au rétroviseur, déambuler sur le trottoir, une cigarette entre les lèvres tout en étant animé, comme à son habitude lorsqu'il discutait. Il raccrocha finalement avant de la rejoindre.

« Ils ont arrêté Marcus. » Il démarra sans la regarder.

« Pourquoi ils t'ont appelé toi, et pas moi ? » Elle fronçait les sourcils, le ton plus sec que prévu. La douleur la rendait aigrie.

« Parce que je suis en contact avec eux depuis des semaines pour qu'il le retrouve. Parce que je t'ai promis de pas te venger. »

« Oh. » Elle le regarda et ne put se retenir de remarquer ses traits fatiguées. « J'suis vraiment une peste. J'suis trop tendue. » Elle alluma la clim.

« C'est rien, Lin'. » Il haussa les épaules tout en restant concentré sur la route. « C'est normal. On l'est tous les deux. »

Elle acquiesça et ils restèrent en silence jusqu'à leur arrivée. Ils montèrent jusqu'à l'appartement Pruski où on les attendait de pieds fermes. Ils n'eurent à peine le temps d'ouvrir la porte que Mathieu était poussé par Enzo. Le petit brun s'accrocha à Lina, l'enlaçant de toutes ses forces.

« Oh ! Laisse-la respirer ! Elle sort tout juste de l'hôpital ! »

« C'est bon t'inquiète. » Elle embrassa son crâne tout en resserrant l'embrassade. Matthieu ne put retenir une pointe de jalousie. « Ça va Zozo ? »

« Tu m'as manquée Nana ! » Ils se regardèrent tout deux tendrement avant qu'ils ne se lâchent et que ça soit au tour de la grand-mère de la prendre dans ses bras, bien plus doucement et tendrement.

« Bonjour ma chérie. » Elle embrassa sa tempe avant de la libérer. « Je suis contente que tu sois avec nous. »

« Moi aussi. » Enzo lui demanda de faire un jeu vidéo tandis que la mamie lui proposa une tasse de thé. « J'vais plutôt me reposer, si ça vous dérange pas. » Elle essaya de retirer ses chaussures  pied sur pied pour appuyer ses mots mais Mathieu avait tellement serré qu'elle n'y arrivait pas. Il s'agenouilla devant elle pour l'aider. « Merci. »

« Tu peux prendre mon lit pour dormir, j'vais faire le jeu avec Enzo. »

Elle accepta sans rechigner, le trajet l'ayant fatigué plus que prévu. Elle partit s'allonger toute l'après-midi, impossible à réveiller pour le dîner si bien que lorsqu'elle ouvrit les yeux, la nuit était tombée et tout le monde était couché. Du moins, tous sauf Mathieu qui fumait cigarette sur cigarette sur la terrasse tout en pianotant sur son portable furieusement. Elle attrapa un plaid pour se couvrir et sortir à l'extérieur.

« Salut. » Il quitta son écran pour lui sourire. Toutefois, seule sa bouche bougea, ses sourcils étant trop froncés pour.

« Mamie a gardé une assiette pour toi. » Elle acquiesça seulement avant de s'asseoir à côté de lui. « Il faut que j'te dise un truc. J'aimerais... j'aimerais qu'on parte quelques jours...»

Elle l'interrompit. «... Ils veulent plus que je reste ? J'suis désolée, j'me suis pas réveillée pour le repas mais j'étais tellement fatiguée...»

«... Non, t'inquiète, crois-moi, ils préfèrent qu'on reste. Mamie a argumenté pendant une heure mais j'ai réfléchi de mon côté. J'me dis que la Guadeloupe, après tout ce qui s'est passé, ça pourrait être bien ? Moi-même j'ai bien besoin de couper. »

« Je comprends pas. » Elle resserra le plaid contre elle. « C'est pas que j'veux pas qu'on parte... crois-moi... toi... moi... la Guadeloupe... ça a toujours était un de nos projets... mais... Pourquoi maintenant ? J'veux dire, ce matin, Marcus était arrêté. »

« Ils ont pas pu garder Marcus en gav. »

Elle se pinça les lèvres pour se retenir de pleurer. Ses jambes tremblèrent soudainement. « Mais il m'a menacée de me tuer et j'ai dû le suivre. Il m'a violée. Plusieurs fois. Et il m'a torturée jusqu'à ce que je perde conscience. »

« J'suis désolé. J'ai tout essayé. » Il secoua la tête pour chasser ses larmes.

« Ils m'ont fait un million de test. J'compte même plus le nombre de personnes qui a évalué mes blessures, qui m'a posé des questions.... qui m'a fait des examens gynéco.... tout ça pour ça. » Elle ria jaune tout se recroquevillant. « Alors, on s'enfuit encore en Guadeloupe ? »

« Prend pas ça comme une fuite. »

« Mais c'est le cas. » Elle haussa les épaules bêtement. « J'en ai marre. »

« Comme tu veux. » Il s'alluma une autre cigarette et elle lui en vola une à son tour. Lorsqu'elle ouvrit le paquet, elle tomba sur un autocollant encore neuf. Elle le retira avant de lui montrer.

« Un palmier ? »

« J'voulais le coller sur ta valise en partant. J'ai vu que t'avais plus l'étiquette. »

« Marcus l'a retirée. » Elle joua avec l'autocollant du bout des doigts. « D'accord. »

« D'accord ? »

« On part. Mais on part pour nous deux. On part parce qu'on s'aime et qu'on veut que ça marche. On part en attendant que la police agisse. »

« On part pour que tu puisses te reconstruire. »

Elle le poussa de son épaule, gentiment. « Merci pour le palmier, il est chouette. »

Rusted Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant