Soirée au bar

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-Carmín! Table 22, s'il te plaît! Me hurle Thérésa ma collègue.

Je prends le plateau de commande où sont disposés deux mojitos et un whisky. Des perles de sueur brillent sur mon front. Ce soir le bar est rempli, les gens fourmillent et les lumières rouges n'arrangent rien à la chaleur et à l'angoisse qui prend place petit à petit en moi.

-Bonjour, voici vos commandes. Deux mojitos et un whisky, c'est bien ça? Dis-je en relevant les yeux vers trois jeunes hommes.

Un des hommes me regarde de la tête aux pieds avec un regard qui me donne la nausée. Son regard pu la perversité, me mettant très mal à l'aise. Il est courant pour les serveuses de ce bar d'être reluquées de la sorte ou encore d'être touchées obscènement.

-Oui c'est ça mademoiselle. Ça vous dit qu'après votre service, j'ai le droit à un petit extra? Me demande l'homme d'une voix écoeurante.

-Non je suis navrée. Je réponds suivi d'un faux sourire.

Voilà maintenant quatre ans que je travaille au Palace, depuis mes dix-huit ans. Ce bar prisé où la clientèle n'a pas froid aux yeux et essaie parfois de se taper une des serveuses. Quatre longues années à passer mes soirées dans cet horrible endroit pour aider ma grand mère.
Mes parents sont morts lorsque j'étais jeune et je n'ai jamais su la cause. Depuis ma grand mère m'a élevée et a subvenue à tous mes besoins. Je me dois de prendre soin d'elle dorénavant.

Je ramène le plateau au bar en soufflant de fatigue.

-Quelle heure est-il, Thérésa?

Elle regarde sa montre et me répond avec un regard désolé.

-Une heure du matin, ma belle.

J'ai tout de suite accroché avec Thérésa, elle est très vite devenue une amie. Cette petite blonde décolorée aux yeux noirs, m'a toujours épaulée lors des moments difficiles où je pensais que je n'allais pas tenir et tout abandonner.
Son côté fou et ses histoires d'amour foireuses m'ont bien fait rire et réconfortées. Cette fille aux yeux profonds et à l'esprit volage a sa place depuis longtemps dans mon coeur.

-Le bar va bientôt fermer, il faut faire sortir les gens. Tu peux dire à Tony de les faire sortir en attendant que je me change? Je lui demande.

-Ouais pas de soucis ma belle. Elle me sourit

En même temps que je me dirige vers les vestiaires j'entends "TOTO?!".
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que le dit Toto est le videur et du même chef, l'ex de Thérésa. Arrivée dans les vestiaires, je me passe de l'eau sur le visage, arrange mes cheveux en un chignon lâche et enfile ma jupe longue et mon pull en laine puis mes bottines.

De retour dans la salle principale du bar je vois Tony pousser doucement dehors un homme éméché. Le dernier de la soirée.

-Carmín! Je vais y aller mi bella, on se voit demain soir? Me demande Thérésa.

-Oh oui bien sûr repose toi. Demain je suis en congé je ne serai pas là. Tu devras t'occuper des porcs alcooliques seule Thé'. Lui dis-je avec un clin d'il et un sourire fatigué.
Elle m'embrasse la joue et sortie en claquant ses talons hauts sur le plancher.

-Me voilà seule..

Un peu de calme ne fait pas de mal. Cependant il me reste à passer un coup sur les tables et à sortir les poubelles.
Une fois les tables propres, je prends les sacs poubelles et sors dans la ruelle où se trouvent les contenaires.

-Maintenant tu vas me dire où se trouve ton enfoiré de patron! Il doit deux cargaisons à Roméo et tu sais très bien qu'il n'est pas aussi gentil et patient que moi lorsqu'il s'agit de son business. Entendis-je chuchoter.

Discrètement je pose les sacs au sol et me dirige vers les voix. Ce que je vois me fait frissonner. Un homme grand et barbu tenant en joue l'homme qui m'a fait des avances.
Celui ci n'en tient pas large face à l'arme que pointe le barbu sur son front.

Les mains en l'air, il essaie de détendre l'homme armé en lui disant.

-Hé, Leo sois cool d'accord? Les cargaisons vont bientôt être livrées.

-Quand? Répond le dit Leo.

-Je sais pas mais je t'en prie ne tire pas! Bégaie l'homme.

Une détonation. Un mort. Et mon cri qui emplit le silence de la nuit noire.
Très vite je mets mes mains sur ma bouche, les yeux écarquillés. Ma respiration se fait plus saccadée et rapide.

L'homme se tourne vers moi, le regard surpris. Il s'avance vers moi d'un pas franc et décidé.

Très vite, je fais demi tour et cours espérant rentrer dans le bar à l'abris de ce fou. Ce tueur.
Les larmes perlent et ma vision se fait trouble. Aveuglée par les larmes je ne vois pas les sacs que j'ai déposé au sol et me prends les pieds dedans. Ma chute suit et un hoquet de peur prend place dans ma gorge lorsque je sens "Leo" arriver à ma hauteur.

Il me relève brusquement par le coude. Je cache mon visage comme moyen de défense. Plutôt puéril face à l'arme qu'il tient.

-Comment tu t'appelles toi? Son ton froid me fait frissonner

Je le supplie de me relâcher. Que je ne dirai rien de ce que j'ai vu. La panique me prend dans ses bras. L'air me manque.

-Ton nom! C'est la dernière fois que je te le demande.

Sa façon de me l'ordonner me fait comprendre que je dois l'écouter et lui dire mon prénom au plus vite.

-Carmín. Carmín Flores. Je bégaie.

-Très bien Carmín. Tu vas venir avec moi. Tu en as vu beaucoup trop ce soir.

Mon regard transmet toute ma terreur et j'essaie tant bien que mal de me défaire de sa prise. La trace de ses doigts sera sûrement présente sur mon avant bras.

Fatigué de lutter contre moi, il me frappe sur la tête à l'aide de son arme et je sombre dans l'inconscience.

~~Quelques heures plus tard~~

Un bruit de porte en métal me fait émerger de mon coma en un sursaut.
Mon regard caresse les murs de l'endroit où je suis. Une pièce terne et humide m'entoure. De la moisissure est présente sur les murs. Une odeur de renfermé se fait sentir et l'angoisse pointe le bout de son nez.

Mon regard se dirige vers le sol. Une flaque d'eau se forme sur le sol sale. Le cliquetis des goutes perlant sur le béton n'arrange pas mon état de terreur. Je suis allongée sur un vieux matelas miteux à même le sol. Sur celui ci se trouve une énorme tache de sang séché. J'entreprends de me lever pour quitter cet endroit lugubre. Mais malheureusement je sens ma main retenue. Je la regarde et vois qu'elle est prisonnière d'une chaîne.

Une putain de chaîne!

Cette fois ma panique est belle et bien présente et au moment où je vomis mes tripes sur le béton, j'entends la porte en métal s'ouvrir dans un cri strident. Mon regard se relève doucement et je croise un magnifique regard vert qui me stoppe. Cependant ce n'est pas ce regard vert qui m'arrête, non. C'est la froideur et la dangerosité que l'homme, détenteur de ce regard, dégage en me regardant.

Rouge Carmin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant