Famille

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Je regarde la bouche du bras droit de Roméo. Il me parle mais je n'entends rien. J'ai cessé de l'écouter lorsqu'il m'a demandée de prendre une décision importante pour tout le cartel.

-Carmín, tu m'écoutes?

Je secoue la tête et me concentre. Je geins pour le faire répéter.

Il souffle et pose ses mains sur le bureau.

-Écoute, je sais que c'est compliqué à accepter. Mais le fait est que Roméo est dans le coma depuis bientôt trois mois. Il faut prendre en compte qu'il est fort possible qu'il ne se réveille pas.

Je réponds aussitôt en fronçant les sourcils.

Roméo va se réveiller. Il va survivre et recommencer sa vie. Il va le faire parce qu'il est fort et parce que c'est un battant. Il a été élevé pour être fort et déterminé. Il ne lâche jamais l'affaire et il n'a pas fini sa destiné. Je le sais et je le sens au plus profond de moi. Même si plus personne ne croit en son réveil, moi, je le fais. Roméo n'est pas éteint.

Leonardo se lève, fatigué.

-Laisse-moi finir!

Je sursaute. Son ton est dur et je n'ai plus l'habitude à ce qu'il me parle de la sorte.

-Ses chances s'amoindrissent et j'ai besoin d'une réponse. Le cartel est au bord du ravin, prêt à fléchir devant les concurrents. On est au bord d'une guerre de trafic. Pratiquement tous les dirigeants des cartels du pays commencent à s'échauffer pour nous renverser. Je sais que tu n'y connais rien mais vois-tu?

Il prend un papier posé sur le bureau et le met en face de moi.

-Il est marqué « Nous, Monsieur et Madame Castiño collaborateurs de Monsieur et Madame Flores, signons le testament affirmant que l'organisation Gloria de Sangre sera restituée aux héritiers légitimes, Roméo Castiño et Carmín Flores. » Termine Leonardo en me fixant.

Je prends précautionneusement le testament dans mes frêles mains et analyse les quatre signatures en bas. Le souffle court, je tends le papier à Leonardo.

Mes parents étaient mafieux comme les parents de Roméo et Roméo lui-même. Ma grand-mère est-elle au courant? Est-elle aussi une ancienne criminelle? Je suis la fille de patron de la mafia et je suis héritière d'un cartel.

Toutes ses informations s'entassent dans mon esprit et me paralysent.

Je recule, essayant de me soustraire à cette nouvelle. Je ne peux pas prendre une décision importante. Je n'ai aucune connaissance. Ce n'est pas mon monde.

-Je sais que c'est difficile à avaler mais on n'a pas le temps pour paniquer. Il me faut une réponse. Maintenant. Écris-la moi.

Les lèvres sèchent, je tourne la tête et cherche un signe pour qu'on puisse enfin me dire que tout cela n'est qu'une caméra cachée. Je préférerais qu'on se moque de moi que de réellement vivre tout ça.

-Carmín?

Il sourit doucement et me laisse un délai. Je hoche la tête.

Je fais demi tour et ouvre la porte du bureau. Cependant le mafieux m'arrête.

-Chica.

Je le regarde.

-Peu importe ta décision, je serai là pour t'épauler. On acceptera ton choix. Tu es notre jefe. Notre respect te revient autant qu'il revient à Roméo.

Son discours me trouble énormément et je ne sais que répondre à ces puissantes paroles. Alors je lui souris piteusement.

Je quitte la pièce et déambule dans les couloirs du manoir. Le plancher craquelle à chacun de mes pas et je tends mon bras gauche pour effleurer le mur et les cadres photos du bout des doigts.

Mes yeux défilent sur les souvenirs figés. Je passe sur le sourire des hommes de Roméo. Ils sont à la plage, dans la cuisine, en boîte de nuit. Peu importe l'endroit, leur sourire perdure.

Je souris à une photo de Roméo et Thysia. Roméo dort sur un canapé et Thysia regarde l'objectif, le sourire aux lèvres, une bonbonne de chantilly dans la main droite et une plume dans l'autre. Je regarde son frère, il a de la crème partout sur le visage et dans une de ses mains.

Je souris mélancoliquement et continue mon chemin, m'arrêtant à la dernière photo encadrée.

Un petit garçon bouclé est penché en avant et une fillette est perchée sur son dos, le sourire édenté.

Je m'approche un peu plus du cadre.

Ma main caressent les visages enfantins et je reconnais soudainement Roméo. Puis moi. Je ferme ma main sur l'image et mon cœur se serre une nouvelle fois. Je ferme les yeux et baisse la tête.

Je laisse tomber ma main et descends rapidement dans le salon.

J'avais réussi à ne pas penser à lui, aujourd'hui.

J'ouvre une porte en bois et rejoins le lit blanc. Ma main attrape celle du tatoué.

J'ai encore rêvé de lui cette nuit. Chaque image qu'il m'a laissée me hante. Je me réveille toujours en larmes. Mes cris muets font exploser mon crâne et je retombe généralement dans un malaise avant de me réveiller le lendemain.

Je reste une petite heure avec lui avant de rejoindre le salon.

Une bonne humeur m'assaillie. Les membres du cartel de Roméo sont réunis et discutent gaiement. De la musique résonne.

Dans l'encadrement de la porte, je les regarde. Cléophée danse avec sa copine en l'embrassant amoureusement.

De l'autre côté, Thysia taquine Leonardo qui grogne mais finit par sourire lorsqu'elle pose ses lèvres sur les siennes.

Alphonso mange un paquet de chips au barbecue en tapotant sur son clavier d'ordinateur. Je bascule un peu la tête pour voir son écran. Il joue au poker en ligne.

Raphaël joue à la PlayStation avec Victoria, du moins... il essaie.

Je souris véritablement pour la première fois en trois mois. Et la réponse à la question de Leonardo devient une évidence.

Ce cartel, ce n'est pas seulement des criminels; ce sont des amis, des frères, des sœurs. Ce sont des embrouilles et des rires. Ils s'adorent à s'en détester. Ils ne font qu'un et seront toujours là pour les uns et les autres. Et ce cartel, c'est mon héritage, notre héritage. Roberto était sous les ordres de nos parents.

Le cinquantenaire me sourit et me salue respectueusement. Je lui souris en retour.

Je ne dois pas laisser tomber ces gens. Ils comptent sur Roméo. Ils comptent sur cette bande. Ils ne sont pas simplement amis. Nos parents ont construit une famille et elle a sauvé Roméo de la solitude et de la folie après la mort de nos parents.

C'est la famille de Roméo et Roméo est ma seule famille. Certes, ce n'est pas le plus sain d'esprit mais c'est le seul depuis que je suis petite. Je dois me battre pour eux comme ils se sont battus pour lui.

Tandis que Raphaël gueule sur Alphonso car il a coupé la musique, je regarde la troupe et je prends mes responsabilités en main.

-On va se battre.

Toutes les têtes se tournent vers moi, consternées.

~~

NDA
Je tiens particulièrement à m'excuser pour certaines fautes que je ne vois pas lors de la correction. Une amie m'aide à les corriger mais bien entendu il en reste quelques fois. J'espère que cela n'entrave pas votre lecture.

Merci.

Rouge Carmin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant