XXXIII. 8 août 1933 - le vol

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Lycoris descendit des escaliers épuisée, avec la terrible sensation que ses jambes allaient s'écrouler sous chaque pas. Elle essuya son front transpirant avant de se rendre compte que ses mains étaient pleine de sang. La frustration souleva son coeur et elle cria. Le Manoir répéta son cri des centaines de fois avant que celui-ci ne se perde dans le silence. 

Elle s'assit sur une marche. Son seul désir était que Régulus guérisse et que tout ça s'arrête une bonne fois pour toute. Cela avait duré trop longtemps. Elle n'allait pas tenir plusieurs mois dans la même condition, plus maintenant. Chaque jour, elle voyait son frère dépérir, et chaque jour elle espérait, peut-être inutilement, qu'il surpasse la maladie et se redresse. Mais chaque fois qu'elle formulait cet espoir à voix haute, il vomissait à nouveau du sang. Encore et encore. Bientôt, il ne resterait plus rien à l'intérieur de lui. Il n'y aurait plus que sa peau, une carapace creuse, parce que tous ses organes auraient été ejectés par sa bouche.

Pourtant, elle-même devait se ressaisir. Pour lui. Elle ferait tout pour le sauver et resterait à ses côtés jusqu'à la fin. Sous un élan de courage, elle se releva et se rendit dans la cuisine pour se laver les mains. De l'eau pourpre coula dans l'évier immaculé. Elle se frotta si fort la peau qu'elle crut se l'arracher. Sa poitrine se comprima, mais elle continua, continua jusqu'à être assez satisfaite pour couper l'eau.

Elle y arriverait. Régulus était fort. Il se battrait jusqu'à son dernier souffle. Il le devait.

-Madame ?

Elle se tourna vers son elfe de maison qui était apparu juste dans l'encadrement de la porte. Que voulait-il encore, celui-là ? 

-Oui ?

-Vous avez des invités.

-Mon frère ?

-Ce n'est pas Monsieur Arcturus, Madame. Je ne les ai jamais vus.

-Et tu les as laissé entrer ?

-J'ai pensé que Madame les connaissait.

Quel incapable. Elle se demandait pourquoi Régulus avait sécurisé le Manoir si son elfe de maison ouvrait à toute personne qui se présentait. Agacée, elle prit le torchon avec véhémence et s'essuya les mains tout en renvoyant un regard noir à la créature. 

-La prochaine fois, tu me demanderas avant, dit-elle sèchement.

Elle arrangea les plis de sa robe, se recoiffa rapidement même s'il n'y avait pas grand chose à arranger dans ce chaos de mèches brunes. Qui savait qui elle trouverait dans le salon. Ce pouvait-être n'importe qui, peut-être un de ses anciens amants qui lui réclamerait sa main. En s'approchant, elle entendit des voix mais n'essaya pas de deviner à qui elles appartenaient. Les battants s'ouvrirent. La stupeur la prit de court.

Des Rosier. Sous son toit. 

-Ah, vous voilà enfin très chère. On s'inquiétait qu'il n'y ait personne.

Marianne Rosier lui sourit tendrement, même si Lycoris devina la fausseté derrière son regard froid. Adonis, son mari, et son cousin par la même occasion, restait droit et ne se dérangea pas à parler. Si Régulus apprenait leur présence ici, il deviendrait fou de rage. Mais pour sa part, Lycoris n'avait pas la force de les renvoyer. Ils le savaient parfaitement, c'était la raison qui les poussaient à venir. Ils profitaient de sa faiblesse et chacun d'eux en avait conscience. 

-Bonjour, Marianne. Qu'est-ce qui vous emmène ici ?

La jeune femme avait tout des traits des Rosier. La tête toujours levé, un air dominant, comme si tout ce qui passait sous son nez lui appartenait. Elle possédait une beauté gardée dans la glace, innaccessible, presque dangereuse. Lycoris trouvait qu'elle ressemblait beaucoup à Vinda. Le fait qu'elles soient toutes deux hypocrites et insupportables les rapprochaient probablement. 

Ascension - 𝔅𝔩𝔞𝔠𝔨 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰 IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant